Saint Jean-Paul II, merci
Article rédigé par Card. Angelo Comastri , le 07 mai 2014 Saint Jean-Paul II, merci

Homélie de la messe d'action de grâce pour la canonisation de Jean-Paul II prononcée par le cardinal Angelo Comastri, vicaire général de Sa Sainteté pour la Cité du Vatican, archiprêtre de la basilique pontificale Saint-Pierre*.

Le 8 avril 2005 — cela fait à peine neuf ans — tant de nous étions sur cette place pour donner notre ultime salut à Jean-Paul II. Nos yeux, humides de chagrin et de peine, observaient étonnés — est-ce que vous vous en souvenez ? — observaient l’évangéliaire posé sur le simple cercueil de chêne, placé au centre du parvis. Un vent soudain, à la stupeur de tous, commença à feuilleter les pages du livre. Tous à ce moment-là nous nous demandions : « Mais qui était Jean-Paul II ? Pourquoi l’avons-nous tellement aimé ? »

La main invisible qui feuilletait l’évangéliaire semblait dire : « La réponse est dans l’Évangile ». La vie de Jean-Paul II a été une continuelle obéissance à l’Évangile de Jésus. Pour cela, c’est ce que disait le vent, pour cela vous l’avez aimé. Vous avez reconnu dans sa vie l’Évangile de toujours, l’Évangile qui a donné lumière et espérance à des générations et à des générations de chrétiens. Aujourd’hui nous savons que ce pressentiment était une inspiration, parce que l’Église, à travers le pape, a reconnu hier la sainteté de Jean-Paul II et nous aujourd’hui, nous exultons et remercions Dieu, infatigable créateur des saints.

Mais en nous souvenant des paroles de Jean-Paul II, « Les saints ne demandent pas à être applaudis mais à être imités », nous devons nous demander : Que nous enseigne la sainteté de ce disciple extraordinaire de Jésus au XXe siècle ?

En pleine apostasie silencieuse

La première réponse est immédiate : Jean-Paul II a eu ouvertement le courage de dire sa foi en Jésus en époque « d'apostasie silencieuse de la part de l'homme repu qui vit comme si Dieu n’existait pas » (Ecclesia in Europa, 9). Le soir du 16 octobre 1978, à peine élu pape, apparaissant à la loggia de la façade de cette Basilique, Jean-Paul II s'écria : « Que soit loué Jésus-Christ ! ». C'était le cri de sa foi, c'était le but de sa vie, c’était l’incipit de son pontificat.

Le 3 avril 2006, sur cette place, Benoît XVI, parlant de son prédécesseur, s’exclama : « Notre très regretté Pontife, que Dieu avait doté de multiples dons humains et spirituels, en passant à travers le creuset des difficultés apostoliques et de la maladie, est apparu toujours plus comme un "roc" de la foi. Ceux qui ont eu l'occasion de le fréquenter de près ont presque pu toucher du doigt sa foi honnête et solide qui, si elle a impressionné le cercle de ses collaborateurs, n'a pas manqué de diffuser, au cours de son long Pontificat, son influence bénéfique sur toute l'Église, dans un crescendo qui a atteint son point culminant au cours des derniers mois et jours de sa vie. Une foi convaincue, forte et authentique, libre des peurs et des compromis ».

Ainsi a témoigné Benoît XVI.

Justement, durant la maladie de Jean-Paul II, un journaliste français a fait cette réflexion : « Tandis que le pape devenait moins efficace dans son corps, son témoignage devenait lui plus efficace, sa foi brillait comme une lampe dans la nuit.

Aujourd’hui, nous sommes ici pour lui dire : Merci ! Et surtout nous sommes ici pour nous sommes ici pour recueillir l'héritage et l’exemple de sa foi contagieuse. Quel héritage et quel exemple ?

Jean-Paul II a eu le courage de défendre la famille, qui est un projet de Dieu écrit en notes claires dans le livre de la vie. Il a défendu la famille pendant que se répandaient la confusion et l’agression publiques contre la famille dans la seule tentative d’écrire une sorte d’anti-Genèse, un contre-projet du Créateur. Dans l’exhortation apostolique Familiaris Consortio », Jean-Paul II disait avec lucidité : « En un moment historique où la famille subit de nombreuses pressions qui cherchent à la détruire ou tout au moins à la déformer, l'Église, sachant que le bien de la société et son bien propre sont profondément liés à celui de la famille(7), a une conscience plus vive et plus pressante de sa mission de proclamer à tous le dessein de Dieu sur le mariage et sur la famille » (Familiaris Consortio, 3).

L’évangile de la souffrance, évangile supérieur

Et après une période de séjour à l’hôpital, à la prière de l’Angélus, le 29 mai 1994, il disait : « Je voudrais que, par Marie, soit exprimée ma gratitude pour ce don de la souffrance. J’ai compris que c’était un don nécessaire. Et j’ai compris que je devais introduire l’Eglise du Christ dans le troisième millénaire, avec la prière, avec diverses initiatives, mais j’ai vu aussi que cela ne suffit pas. Il faut l’introduire dans le troisième millénaire avec la souffrance. Avec l‘attentat d’il y a treize ans et avec ce nouveau sacrifice. Pourquoi ? Pourquoi justement dans cette année de la famille ? Parce que la famille est menacée, la famille est attaquée. Alors le pape devait être aussi attaqué, devait aussi souffrir pour que chaque famille et que le monde voient qu’il y a un évangile supérieur, l’évangile de la souffrance avec lequel il faut préparer le futur. Le troisième millénaire des familles, de chaque famille, de toutes les familles. »

Saint Jean-Paul II, du Ciel, obtiens-nous une telle lumière pour retrouver la voie du projet de Dieu concernant la famille qui est l’unique voie qui donne la dignité à la famille et la vérité à l’amour, à l’avenir des époux et à l’avenir de leurs enfants.

Jean-Paul II a eu le courage de défendre la vie humaine - et toute la vie humaine ! - dans une époque où s'est répandue la culture du déchet, comme l'a dit plusieurs fois le pape François. Oui, dans la famine contemporaine de l’amour, les plus faibles sont écartés parce que l’égoïsme ne les supporte pas et les sent comme un poids. C’est un fait terrible, signe d’une régression dans la civilisation.

La lettre encyclique Evangelium Vitae qui est un cri passionné de défense de la vie, se termine avec une très belle prière à Marie dans laquelle on trouve toute l’âme de Jean-Paul II. Il dit ainsi : « Ô Marie, aurore du monde nouveau, Mère des vivants, nous te confions la cause de la vie : regarde, ô Mère, le nombre immense des enfants que l'on empêche de naître, des pauvres pour qui la vie est rendue difficile, des hommes et des femmes victimes d'une violence inhumaine, des vieillards et des malades tués par l'indifférence ou par une pitié fallacieuse. Fais que ceux qui croient en ton Fils sachent annoncer aux hommes de notre temps avec fermeté et avec amour l'Évangile de la vie. »

Comme elles sont vraies ces paroles, comme elles sont actuelles, comme elles sont prophétiques : c’est un précieux héritage.

Tu ne tueras pas !

Mais la passion pour la défense de la vie devient un cri authentique dans la vallée des Temples, près d’Agrigente. Le pape Jean-Paul II, dans un frémissement digne d’Amos ou d’Isaïe, cria : « Dieu a dit un jour « Tu ne tueras pas ! » L’homme ne peut pas tuer. Nul homme, nulle organisation humaine, (…), ne peut changer et piétiner ce droit sacré de Dieu. … Il faut ici une civilisation de la vie ! Au nom de ce Christ crucifié et ressuscité, de ce Christ qui est vie, chemin, vérité et vie, je le dis aux responsables : Convertissez-vous ! Un jour viendra la Justice de Dieu ! »

Quelle foi, quelle force, quel héroïsme se cachaient derrière ces paroles. C’était l’héroïsme d’un saint.

Mais la foi courageuse de Jean-Paul II ne s’est pas arrêtée là. Il a eu le courage de défendre la paix alors que soufflaient les vents de la guerre. En 1991 et en 2003, il tenta avec toutes ses forces d’empêcher les deux guerres du Golfe. Il ne fut pas écouté, mais même il ne se lassait pas de crier « Paix ! » Dans une dernière tentative pour bloquer la machine de guerre, il se permit de dire : « Je sais ce que c’est la guerre. Je dois le dire à tous. La guerre ne résout aucun problème, elle les multiplie. » Paroles saintes, paroles vraies, paroles actuelles.

À la rencontre des jeunes

Jean-Paul II a eu le courage d’aller à la rencontre des jeunes pour les libérer de la culture du vide et de l’éphémère et pour les inviter à accueillir le Christ, unique lumière de la vie, et le seul capable de donner la plénitude de la joie au cœur humain.

Le 15 août de l’an 2000, en accueillant une foule immense de jeunes ici sur la Place Saint-Pierre, il les salua de cette manière : « Qu’êtes-vous venus chercher ? Alors laissez-moi vous répéter ma question : qu’êtes-vous venus chercher ? Ou mieux, qui êtes-vous venus chercher ? Il ne peut y avoir qu’une seule réponse : vous êtes venus chercher Jésus Christ ! Mais c'est Jésus-Christ qui, le premier, vient vous chercher. Ne pensez pas que vous êtes des inconnus. Ne pensez pas que vous êtes inconnus à ses yeux. Comme des numéros dans une foule anonyme. Chacun de vous est précieux pour le Christ, connu personnellement, Christ qui vous aime tendrement. »

Les jeunes du monde entier ont reconnu un vrai père, un guide authentique, un éducateur loyal. Qui peut oublier l’étreinte entre le pape et un jeune, qui lors de la veillée de Tor Vergata, après avoir franchi tous les cordons de sécurité... a couru vers lui pour lui dire simplement : « Merci ! Je t’aime ! » C’est une scène qui est entrée dans notre cœur et dans l’histoire de l’humanité.

La joie du sacerdoce

Jean-Paul II dans la période difficile des crises sacerdotales a eu le courage de dire à la face du monde la joie d’être prêtre, la joie d’appartenir au Christ et de se dépenser totalement pour la cause de son Royaume.

Un ancien prêtre, qui avait été réduit à l’état laïc, est venu un jour, accompagné d'un de ses amis, à une audience du pape à la salle Clémentine. Le pape fut informé de cette présence singulière : et à la fin de l’audience il demanda à rencontrer l’ancien prêtre. Qu’est-ce qui arriva ? Le pape s’agenouilla et lui demanda de le confesser pour réveiller dans le cœur du prêtre la conscience de la grandeur du sacerdoce. En le saluant il lui dit : « Vois, vois comme est grand le sacerdoce ! » Paroles et gestes dignes d’un saint.

L’hiver marial

Jean-Paul II enfin a eu le courage d’affronter l’hiver marial qui caractérisait la première phase post-conciliaire.

Il reproposa avec force et avec conviction la dévotion à Marie : une dévotion qui est .une part irréductible de l'Evangile, c'est-à-dire de l'œuvre du Salut comme il a été et est accompli par Dieu en Jésus-Christ.

« Le 13 mai 1981 – ce sont ses paroles– pendant qu’une main s’employait à me tuer, j’ai senti une main maternelle qui arrêtait le pape sur le seuil de la mort. »

Et le 24 février 2005, après l’intervention de trachéotomie qui le priva de sa voix, il écrivit sur un feuillet : « Qu’est-ce que vous m’avez fait ? mais… totus tuus. »

Jusqu’à la fin, Jean-Paul II s’est laissé conduire par Marie sur la voie de la foi, de l’abandon, du don total de soi-même, c’est pourquoi il est saint.

Saint Jean-Paul II, prie pour l’Église, que tu as tellement aimée et que tu as conduite courageusement sur le sentier de la foi héroïque en Jésus.

Saint Jean-Paul II, prie pour nous afin qu’autour du pape François, nous formions (selon le désir et la prière de Jésus) un seul cœur et une seule âme afin que le monde croit. Amen.

 

+ Angelo Card. Comastri

 

 

*Traduction de Ch. P. réalisée à partir du livret distribué en italien et en polonais, intertitres H.B.

 

 

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