Article rédigé par Grégor Puppinck, le 14 avril 2014
Texte de l’audition au Parlement européen de l’Initiative citoyenne européenne-ICE «Un de Nous» représentée par Grégor Puppinck, Bruxelles, le 10 avril 2014. Signée par près de deux millions de citoyens européens, la pétition demande qu’aucun fonds de l’Union européenne soit affecté à la destruction des embryons humains.
J'ai l'honneur de m’adresser à vous en tant que représentant du comité d'organisation de l'Initiative citoyenne européenne "Un de nous/One of us", qui est à ce jour l’Initiative citoyenne qui a réuni le plus grand nombre de soutien à travers toute l’Europe.
L’Initiative citoyenne « Un de Nous » a recueilli près de deux millions de signatures, ce qui en fait la première initiative à ce jour et la plus grosse pétition dans l’histoire des institutions européennes.
Notre demande relève de la compétence de l’Union, et sa compatibilité avec le droit européen et les droits fondamentaux a déjà été vérifiée et attestée par la Commission européenne lors de l’examen préalable à l’enregistrement officiel de l’Initiative.
L’Initiative citoyenne « Un de Nous » a donc rempli toutes les conditions nécessaires pour faire à présent l’objet d’une proposition législative qui sera discutée après les élections par le prochain Parlement et par le Conseil.
L’objet de l’audition de ce jour n’est pas d’anticiper sur les débats qui auront lieu sur la base de notre proposition législative, mais de nous donner la possibilité, nous qui représentons près deux millions de citoyens de vous exposer dans le détail notre demande.
Notre demande est simple et précise, elle s’appuie sur l’acquis européen, plus encore, elle est juste et bénéfique.
Par respect pour la vie et la dignité de tout être humain, nous demandons l’intégration d’une clause éthique dans la réglementation européenne qui exclut explicitement de financement européen toute activité qui détruise ou implique la destruction de vies humaines. Cette clause éthique de portée générale s’applique en particulier au financement de pratiques biotechnologiques impliquant la destruction d’embryons humains, et au financement d’avortements dans le contexte de l’aide au développement.
Ainsi, l’Initiative demande que soit introduit dans le droit européen le principe suivant :
« Aucun fonds de l’Union européenne ne doit être attribué à des activités qui détruisent des embryons humains ou qui présupposent leur destruction. »
Pourquoi ? Parce que tout embryon humain est l’un de nous.
C’est le message de près de deux millions de citoyens européens que nous avons l’honneur et la responsabilité de porter aujourd’hui devant cette Assemblée.
Ce message est difficile à entendre, comme toute vérité. Il va à l’encontre de notre égoïsme.
Pouvoir supprimer les enfants non désirés, pouvoir exploiter les embryons humains à des fins industrielles, pouvoir limiter la croissance démographique de pays pauvres et leur imposer nos styles de vie : ce sont à ces pouvoirs que nous vous invitons à renoncer, par respect pour des êtres humains à peine conçus et en gestation.
Oui, notre initiative s’oppose fondamentalement à tout ce qui détruit des êtres humains. Notre initiative est un témoignage public de la conscience de millions de citoyens européens qui reconnaissent l’humanité et l’individualité de tout être humain dès sa conception.
Ce témoignage, nous savons bien que certaines personnes et organisations ici présentes y sont fondamentalement hostiles ; nous savons bien que ces organisations qui promeuvent l’avortement et la recherche non-éthique sur les embryons humains sont, en apparence, beaucoup plus puissantes que nous. Qui représentent-elles ? De puissants intérêts financiers, des lobbys transnationaux défendant des intérêts minoritaires mais devenus très puissants depuis une vingtaine d’années.
La plus importante pétition européenne de l’histoire
A côté, nous, nous ne sommes rien : pas d’argent, pas de pouvoir. Et pourtant, nous demeurons. Cette initiative a été portée par une foule de bénévoles ; et elle a recueilli le soutien d’une gigantesque foule de citoyens européens, plus nombreuse qu’aucune autre pétition européenne n’en a jamais réunie. Dans cette foule, il n’y a que des volontaires ; aucun n’agit par intérêt personnel ou financier. Tous, nous avons agi parce que nous avons été attentifs à la voix de notre conscience qui nous dit que la vie de tout individu commence dès sa conception, et que par suite tout embryon humain est déjà un individu et qu’il mérite le respect.
La raison fondamentale de ce respect est simple : l’homme est plus qu’une chose ou qu’un animal. Tout être humain a une conscience le prédisposant à reconnaître ce qui est vrai et bien ; et c’est en vertu de cette conscience, que nous vous demandons qu’aucun fonds de l’Union européenne ne soit attribué à des activités qui détruisent des embryons humains ou qui présupposent leur destruction.
Pour juger autrement, il faut croire que l’être humain n’est qu’un animal.
Ce que nous demandons aux instances européennes, c’est de respecter davantage l’être humain.
Deux millions d’européens demandent aux institutions européennes de rehausser le niveau de ses valeurs, de progresser en humanité, d’élever sa conscience à la reconnaissance de l’humanité de toute vie humaine dès la conception.
Ce progrès nécessite de prendre conscience qu’un être humain bien réel existe dès avant la naissance et depuis la conception. En tant qu’être humain, il est lui aussi détenteur de droits naturels et inaliénables, et il mérite une protection renforcée de la société en raison de sa vulnérabilité.
Nous ne pouvons plus aujourd’hui nous cacher derrière notre ignorance pour justifier la destruction des embryons et fœtus humains. Aujourd’hui nous savons, la science elle-même nous enseigne que toute vie individuelle est un continuum ininterrompu de la conception à la mort. Nous savons que dès la conception, un être humain est pleinement conçu, avec tous ses caractères individuels et uniques.
Détruire les embryons, instituer des politiques publiques en ce sens ne sera jamais accepté. Toujours, des millions de personnes, à l’écoute de leur conscience, viendront accuser ces politiques.
De fait, et le succès de cette Initiative en est l’expression, les citoyens prennent de plus en plus conscience du respect que mérite toute vie humaine. Nous assistons depuis quelques années à un éveil des consciences en ce sens. Regardez l’évolution législative récente dans de nombreux pays européens et américains.
L’Europe, qui se veut fondée sur un socle de valeurs — en particulier le respect de la vie et de la dignité humaines — pourrait être exemplaire de ce progrès. C’est ce que nous lui demandons. Et cette demande n’est pas inaccessible ; elle est même très raisonnable, mais elle implique de ne pas agir uniquement en fonction d’intérêts financiers de court terme.
Le respect dû à la vie et à la dignité de toute vie humaine, dès la conception est aussi reconnu largement en droit européen et international. La règlementation européenne qui interdit le financement de la destruction d’embryon dans le cadre de la recherche, la directive sur les biotechnologies qui interdit que soit brevetées des pratiques qui impliquent la destruction d’embryons, se fondent sur la reconnaissance que tout embryon humain est revêtu de la dignité humaine.
C’est aussi la portée de la Convention d’Oviedo sur les biotechnologies. L’Assemblée du Conseil de l’Europe a aussi clairement affirmé : « Les droits de chaque enfant à la vie dès le moment de sa conception » et que « l'embryon et le fœtus humains doivent bénéficier en toutes circonstances du respect dû à la dignité humaine ».
Appel à la cohérence des instances européennes
Nous demandons aux instances européennes d’être cohérentes et de tirer les conséquences de l’humanité de toute vie individuelle dès la conception.
Ainsi, ce que les signataires de l’Initiative demandent n’est pas seulement fondé sur une exigence morale fondamentale — le respect de la vie et de la dignité humaines — mais aussi sur des motifs scientifiques, sociaux et juridiques : des motifs scientifiques qui montrent que la recherche sur les cellules souches embryonnaires est largement dépassée ; des motifs sociaux qui montrent que la pratique de l’avortement ne concourt pas au développement ni à l’amélioration de la santé maternelle ; des motifs juridiques qui montrent que l’action de l’Union européenne est incohérente du point de vue éthique.
Il a fallu des siècles pour que l’humanité renonce à l’esclavage, pour que nous reconnaissions en tout homme notre égal ; pour que nous reconnaissions l’étranger ou le « sauvage » comme « un de nous ». Déjà, à l’époque, des intérêts politiques, économiques et financiers s’opposaient à la reconnaissance de la pleine humanité et égalité en droit des esclaves. Aujourd’hui, il en est de même, et nous entendons les mêmes arguments utilitaristes qui invoquent l’importance pour l’économie de pouvoir supprimer et exploiter ces être humains qui ne seraient pas vraiment humains, en tout cas, pas à égalité avec nous.
Finalement, même d’un point de vue économique, l’abandon de l’esclavage s’est révélé bénéfique puisqu’il a permis la mécanisation de l’agriculture. De même, tout semble indiquer que l’abandon de la recherche destructrice sur les embryons humains sera bénéfique au progrès de la science car il favorise d’autres voies de recherche, en particulier sur les cellules souches adultes inductibles IPS. Depuis la découverte de ces cellules IPS, les investissements financiers privés sur les cellules embryonnaires s’effondrent littéralement. Il est donc non seulement contraire à l’éthique mais aussi à l’évolution scientifique que l’Union européenne continue à financer ces pratiques.
Et il est bien connu qu’aujourd’hui, le principal intérêt de l’utilisation des cellules souches embryonnaires n’est pas scientifique, ni thérapeutique, mais économique : elle permet à l’industrie pharmaceutique de tester à grande échelle ses futurs médicaments, à un coût financier moindre qu’en utilisant des cellules IPS ou animales.
De même, ce serait un grand progrès pour l’humanité si l’Europe, plutôt que de financer et d’encourager massivement l’avortement, s’engageait dans une véritable politique de développement qui lutte contre les causes de la mortalité maternelle et de l’avortement. Ce n’est pas en finançant l’avortement que l’Europe améliorera la santé maternelle, au contraire !
Si l’Europe veut améliorer la santé maternelle dans les pays pauvres, il faut améliorer les infrastructures médicales, la formation du personnel, l’hygiène, les routes ! C’est leur déficience qui cause la mortalité maternelle. Ce n’est pas en faisant de l’accès à l’avortement une priorité que l’on améliorera la santé maternelle, au contraire, car l’avortement –même dans les pays industriels- est une cause importante de mortalité maternelle : la preuve en est que les pays qui limitent fortement le recours à l’avortement sont précisément ceux qui ont les taux de mortalité maternelle les plus faibles ; les exemples du Chili, de l’Irlande ou de la Pologne le prouvent. Le taux de mortalité maternelle est largement supérieur aux Etats-Unis qu’en Pologne.
Sous couvert de lutter contre la mortalité maternelle, le but de la politique de santé sexuelle et reproductive est de changer en profondeur la société des pays en développement, en réduisant leur fécondité. Il s’agit ni plus ni moins que d’exporter dans les pays pauvres le prétendu « modèle social occidental », majoritairement contraceptif, et abortif.
Mais cette politique a pour effet de casser la famille, cellule de base de toute société. Par le colonialisme, l’Occident a déjà en partie détruit les équilibres sociaux de ces peuples. L’Europe veut-elle se rendre coupable de néocolonialisme destructeur ? Est-ce cela l’idée européenne du développement ?
Ici aussi, nous demandons aux instances européennes de faire mieux, de renoncer à financer et à promouvoir l’avortement, et à s’engager dans une politique d’aide à un développement qui soit respectueux de ces sociétés et de la vie.
Que ce soit en matière de recherche, d’industrie ou de développement, aucun progrès véritable ne peut être fondé sur la négation, l’exploitation et la destruction de l’homme au commencement de son existence.
Conclusion — À la Commission, au Parlement et au Conseil de prendre leurs responsabilités
Nous ne sommes pas seulement venus pour témoigner. L’Initiative citoyenne « Un de Nous » ne s’achève pas aujourd’hui, au contraire, c’est aujourd’hui que commence le processus législatif d’initiative partagée.
Notre initiative place les institutions européennes non seulement devant leur responsabilité morale, mais aussi devant leur responsabilité démocratique.
Le mécanisme d’Initiative citoyenne européenne a été créé afin de partager, avec les citoyens européens, l’initiative législative européenne. Cet instrument vise à ouvrir l'Union européenne à la participation des citoyens, et à renforcer sa légitimité démocratique dont la faiblesse est si lourdement ressentie depuis tant d'années. Il est maintenant d'une importance vitale pour la crédibilité des institutions européennes que les attentes et espoirs qui sont liés à cet instrument ne soient pas déçus.
L’Initiative « Un de Nous » est non seulement celle qui a réuni le plus de soutien à travers l’Europe et qui est la plus représentative, mais elle est aussi la première à ce jour à contenir une proposition législative précise qui indique de façon concrète les modifications que nous souhaiterions voir apportées à la législation communautaire.
Lors de l’enregistrement officiel de l’Initiative, cette proposition législative a déjà fait l’objet d’un contrôle préalable par la Commission qui a vérifié et attesté qu'elle est pleinement conforme aux droits fondamentaux et aux valeurs de base tant qu'au droit primaire de l'Union européenne.
De plus, cette proposition législative est simple et réaliste, et n'engendrera pas de dépenses supplémentaires au budget communautaire. Donc aucun obstacle pratique ou de fond ne peut justifier un refus de la Commission d’introduire une procédure législative basée sur le contenu de notre initiative. Nous attendons donc que la Commission européenne introduise notre proposition législative et la soumette à l’examen du Parlement et du Conseil, avec les modifications purement techniques qui peuvent être nécessaires, mais sans toucher à sa substance.
L’opportunité politique de la proposition législative est démontrée par le soutien populaire de deux millions de citoyens, et il n’appartient pas à la Commission de se prononcer sur ce point à ce stade de la procédure. La Commission n’est pas juge de l’opportunité politique d’une Initiative citoyenne : c’est le peuple qui l’est, directement, dès lors que plus d’un million de citoyens soutiennent une Initiative.
C'est très clairement l'objectif de l'article 11 du TUE de donner aux citoyens l’initiative d’une telle procédure législative, sans que cela puisse être bloqué d'une manière arbitraire.
Quelle serait l’utilité du mécanisme d’initiative citoyenne si seules les propositions qui plaisent à la Commission européenne avaient une chance d’être introduites dans le processus législatif ! A quoi bon alors réunir plus d’un millions de signatures ? Le mécanisme d’initiative citoyenne serait alors inutile : pire, ce serait une caricature de démocratie participative qui réduirait plus encore la légitimité populaire des institutions européennes.
Car c’est au prochain Parlement et au Conseil que sont dévolus les pouvoirs législatifs de l'Union européenne, c’est à eux de discuter et de voter sur le projet législatif proposé par l'Initiative « Un de Nous ».
Soyez certains que nous ne lâcherons rien.
Gr. P.
Titres et intertitres de la rédaction.