Municipales : les illusions d’un résultat sans surprise
Article rédigé par Michel Pinton, le 27 mars 2014 Municipales : les illusions d’un résultat sans surprise

Les résultats sans surprise du premier tour des municipales de 2014 et du second tour à venir, annonce la présidentielle de 2017 : une bataille engagée pour affronter Marine Le Pen. Comment en est-on arrivé là ?

Le premier tour des élections municipales a été si commenté qu’il semble avoir livré tous ses enseignements. Mais personne, à ma connaissance, n’a essayé de le placer dans une perspective plus large de manière à avoir assez de recul pour percevoir les évènements politiques qu’il prolonge et ceux qu’il annonce.

Jusqu’il y a trente ans, les municipales étaient, avec les présidentielles, le scrutin qui mobilisait le plus les Français. Leurs taux de participation étaient à peu près les mêmes. Ils ont divergé lorsque le droit des citoyens à choisir souverainement les édiles de leurs communes a commencé d’être rogné. À mesure que de nouvelles lois ont davantage restreint la libre expression des votes municipaux, l’abstention n’a cessé de croître. C’est ce qui explique en partie son niveau record de dimanche dernier.

J’ai présenté mes observations sur ce point aux lecteurs de Liberté politique la semaine passée[1]. Je n’y reviens pas.

Ces élections offrent d’autres leçons, toujours en les plaçant dans une perspective plus large. Essayons de discerner ce qu’elles confirment ou annoncent.

2007 : espoirs et déception

Remontons jusqu’aux élections présidentielles de 2007. Cette année-là, les Français suivent avec passion la compétition à laquelle les candidats se livrent. La raison en est claire : après les interminables règnes de deux rivaux indestructibles, Mitterrand et Chirac, ils découvrent avec un mélange de surprise et de joie l’émergence d’une génération de responsables politiques dans la force de l’âge. Représentée notamment par Sarkozy, Bayrou et Royal, elle semble apporter une énergie et des idées toutes neuves. L’attrait sur les électeurs est considérable. Il se manifeste, le jour du vote, par un taux d’abstentions particulièrement bas : 16,7% du corps électoral.

La déception vient vite. Elle touche en premier sur celui auquel les Français ont confié le pouvoir suprême, c’est-à-dire Sarkozy. Les municipales qui ont lieu moins d’un an après son entrée à l’Élysée (mars 2008), sont une défaite pour la droite dont il est le chef. Ses électeurs expriment leur désillusion en boudant massivement les urnes. Leur attitude pousse l’abstention à un niveau inconnu jusque-là (34%). La gauche en profite pour rafler une quantité record de mairies. Mais ce n’est pas tout : ces municipales perdues préfigurent l’échec de Sarkozy à la présidentielle qui viendra quatre ans plus tard. L’intéressé ne le comprend pas et son état-major non plus.

2012 : la déception en pire

En 2012 Hollande est élu président. L’attente populaire de 2007 est retombée. Les Français savent que la génération politique qui tient le pouvoir n’a pas d’idées vraiment neuves ni d’énergie remarquable. Faute de mieux, ils confient leur sort à un socialiste qui a pour principal avantage de leur paraître raisonnable et consensuel. Ils sont vite détrompés. La querelle du « mariage pour tous » illustre tristement le véritable caractère de Hollande. Sa popularité, qui n’a jamais été grande, tombe au plus bas.

Les élections municipales de dimanche dernier traduisent son échec de façon plus cinglante encore que les municipales de 2008 pour Sarkozy. Le nouveau pic d’abstention (38%) doit être interprété comme l’accumulation de trois couches superposées : les déçus de gauche viennent, en 2014, rejoindre les déçus de droite qui sont partis en 2008 et ne sont pas revenus ; cette masse hétérogène s’ajoute aux déçus de la liberté de vote.

L’adhésion à droite ne progresse pas

En voyant le nombre de mairies qu’ils peuvent rafler à leurs adversaires, les chefs de l’UMP crient victoire. L’examen des résultats conduit à faire beaucoup de réserves sur la réalité de leur succès. En s’effondrant, le Parti socialiste laisse le champ libre à son rival, comme dans une figure inverse de celle de 2008. Mais l’adhésion à la droite ne progresse pas dans le corps électoral. Tout au plus on constate le ralliement des électeurs du centre qui s’étaient portés sur la gauche pendant le quinquennat de Sarkozy. Bayrou personnifie leurs fluctuations au gré des circonstances. Il serait dangereux de croire à leur attachement définitif.

Ces élections municipales nous annoncent donc la défaite quasi certaine de Hollande à la prochaine présidentielle et nous confirment l’atonie d’une droite sans chefs attirants ni idées neuves. En vérité, cette génération de responsables politiques semble avoir déjà épuisé son crédit, à gauche comme à droite.

Elles nous apprennent aussi que les partis dits « de gouvernement » vont devoir compter avec une force politique en pleine ascension : le Front national. Elles confirment une dynamique que la dernière présidentielle avait révélée. Si rien ne vient la briser, Marine Le Pen sera présente au deuxième tour de la prochaine élection, celle qui aura lieu en 2017.

L’attraction de l’extrême droite

Décrivons rapidement quels sont les Français qui se portent aujourd’hui vers l’extrême droite.

Dans leur immense majorité, ils sont les moins favorisés d’entre nous, les plus malmenés par la mondialisation, les familiers de la précarité, du déclassement et du chômage. Ils habitent dans les villes moyennes en déclin et les zones industrielles sinistrées. Jusqu’en 2008, ils étaient attirés surtout par les attaques « frontistes » contre l’immigration africaine. Depuis que la tempête financière s’est abattue sur notre pays, a ébranlé notre production et miné notre équilibre social, le « Front » étend son influence sur une classe ouvrière désorientée.

Il n’est plus seulement implanté dans ces villes du midi, comme Orange, Fréjus ou Toulon, où les Maghrébins et les émigrés du Sahel sont un irritant populaire. Il fait des percées électorales inattendues à Hénin-Beaumont, ville ouvrière de tradition de gauche ; à Amiens, qu’on croyait acquise à l’esprit des gauchistes de « Goodyear » ; à Limoges, qui se flatte d’être une citadelle du Parti socialiste auquel elle est fidèle depuis les débuts du suffrage universel ; sans parler de Forbach, Lorient et d’autres fiefs de la gauche. Seules nos métropoles mondialisées, comme Paris et Lyon, lui sont encore fermées.

Les traits de la prochaine élection présidentielle sont désormais bien esquissés. Sauf retouche imprévisible, ils ne devraient plus surprendre les observateurs attentifs.

 

Michel Pinton est ancien maire.

 

Sur ce sujet :
Michel Pinton : "Municipales : électeurs et candidats sous contrôle"

Municipales 2014, 18 propositions, par Fr. Billot de Lochner

Municipales : Voter en prudence pour le bien commun, par la Fondation de Service Politique

Municipales 2014 : le vote juste, un discernement, par Thibaud Collin

 Elections 2014 ; "Choisir avec clairvoyance", par Mgr Dominique Rey

 

 

________________________________
[1]. Municipales : électeurs et candidats sous contrôle