Article rédigé par Mgr Dominique Rey, le 07 mars 2014
À propos des prochaines élections municipales et européennes, Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, publie à l’intention de ses diocésains un message sur « la dignité de l’action politique » : le choix du candidat doit se faire avec discernement selon les valeurs fondamentales, mais la responsabilité des chrétiens, c'est d'abord d'être présents dans la société civile pour être une source de proposition alternative.
« S’impliquer en politique est une obligation pour le chrétien », affirmait récemment le pape François rappelant ainsi que la vocation des baptisés les conduisait à trouver dans le monde le milieu et le moyen de leur sanctification, du don de soi aux autres. « La politique est le domaine de la plus vaste charité », rappelait encore le Pape. Parce qu’elle est au service de la construction de la communauté humaine, la politique, qui vise à l’aménagement et à la gestion de la dimension sociale de l’existence humaine (en englobant toutes les activités temporelles, familiales, culturelles, éducatives, économiques, écologiques), n’est-elle pas appelée à exprimer, à sa manière, le mystère de la communion trinitaire, même si elle ne réalise qu’une ébauche inachevée du Royaume de Dieu ?
Alors qu’on décèle dans l’opinion publique, à la fois une vraie déception et une certaine défiance vis-à-vis de l’action politique, comme chrétiens et citoyens nous avons l’obligation morale de réhabiliter la politique au sens noble du terme, et nous avons le devoir de participer aux élections.
Désigner des élus
Les élections sont l’occasion de désigner des hommes et des femmes qui se mettent au service de tous dans la recherche du bien commun. Ils ne doivent pas être l’otage d’une idéologie ou d’intérêts personnels. Le choix du candidat doit se faire sur la base de ses qualités personnelles (loyauté, dévouement à la chose publique, prudence, intégrité, désintéressement), mais aussi à partir de ses compétences et son expérience personnelle, de ses convictions affichées, et d’un programme sérieux. Il ne faut pas se laisser abuser par les slogans racoleurs ou le vernis médiatique, mais apprendre à discerner avec clairvoyance les valeurs fondamentales que portent les candidats et qui vont s’incarner dans des décisions significatives touchant en particulier :
♦ Le souci prioritaire du pauvre alors que surgissent dans notre société en crise de nouvelles formes de précarité, d’injustice et d’exclusion et qui est menacée par le repli sur soi. « L’individualisme diffus ainsi que le matérialisme mercantile conduisent à une “culture du déchet” » (pape François), où les plus faibles sont rejetés comme inutiles ou réduits à "l’assistanat". Quelle politique en matière d’hébergement d’urgence, de logement social, quelle politique d’emploi seront effectivement mises en route par tel ou tel candidat ?
♦ Le respect de la vie humaine depuis la conception jusqu’à la fin naturelle. L’avortement demeure un drame considérable, même si on cherche à le banaliser. La loi sur l’égalité hommes-femmes en fait un véritable droit, élargissant même le délit d’entrave à l’IVG à toutes les actions empêchant l’accès à l’information. Évoquer les traumatismes personnels et collectifs qu’entraîne durablement l’avortement devient ainsi un délit.
Quelle est la position des candidats qui bénéficieront de nos suffrages, sur l’avortement, alors que l’Assemblée nationale vient de banaliser l’accès à l’IVG par la suppression de la notion de « détresse » ?
Quelles sont leurs propositions d’accueil et de soutien en faveur des femmes qui désirent garder leur enfant à naître ?
À propos de l’euthanasie, tandis qu’on prépare l’opinion publique à reconnaître le suicide médicalement assisté, sont-ils prêts à soutenir et encourager une vraie solidarité avec les personnes en fin de vie, en particulier par le développement des soins palliatifs ?
♦ La promotion de la cellule familiale fondée sur l’union et la complémentarité de l’homme et de la femme, et ouverte à la procréation. La famille est le berceau de l’humanité et permet son apprentissage. Quelle est la position de l’homme politique que nous voulons soutenir, sur la loi concernant le mariage entre personnes de même sexe ? Quelle est la position de ceux que nous allons élire sur la loi concernant le mariage entre personnes de même sexe ?
Quelle politique familiale et éducative soutiendront-ils, tandis qu’on cherche à banaliser l’expérimentation de l’idéologie du gender à l’école, et qu’au Parlement européen on incite les Etats à accéder à toutes les revendications des lobbies LGBT et à reconnaître « des droits sexuels et génésiques » (à l’avortement, au recours à la PMA et à la GPA pour les couples de personnes de même sexe...) sous couvert de lutte contre « l’homophobie » ?
♦ Le respect de la liberté de conscience et de la liberté religieuse. Dans certaines régions du monde (Proche-Orient, Syrie, Irak, Arabie Saoudite…) mais aussi en Europe et en France notamment, outrages et insultes à l’égard des chrétiens se multiplient : profanation de lieux de culte, dérisions publiques véhiculées par les médias, provocations et caricatures… tout cela au nom de la liberté d’expression. Toutes les formes de diffamation et de discrimination, qu’elles soient de nature raciste, antisémite ou toute forme d’offenses faites aux personnes homosexuelles sont une atteinte grave à la dignité de la personne humaine ; de même que tout acte anti-religieux, et en particulier anti-chrétien qui blesse profondément la conscience des croyants, doit être sanctionné par la loi ou pour le moins dénoncé.
♦ L’attention aux questions écologiques. Les problèmes liés à la pollution, au traitement des déchets, ou encore le gaspillage et l’épuisement des ressources naturelles sont devenus extrêmement sensibles. La crise écologique ne concerne pas uniquement la protection de l’environnement. Elle a une résonance anthropologique face à la dénaturation du mariage et de la filiation et à la manipulation transgressive de la vie. Elle implique également le choix de modes de vie qui s’exonèrent du culte de la performance ou a contrario, du malthusianisme démographique. Quelle vision du monde, de l’homme et du progrès entend-on promouvoir ?
La présence des chrétiens à la société civile
Dans une société marquée par la sécularisation et l’indifférence religieuse, les élections offrent une occasion aux chrétiens de faire entendre leur voix, non seulement pour condamner ou critiquer les évolutions, mais aussi pour porter les attentes, sortir du fatalisme, souligner les espérances et les potentialités de notre temps, et être une force de proposition alternative. Les chrétiens doivent apprendre à faire de la « politique au quotidien » en mettant en œuvre de nouvelles solidarités intra-nationales et internationales, des réseaux de proximité et de fraternité, en mobilisant l’opinion publique autour des problématiques de notre temps.
Face aux tenants d’une laïcité d’exclusion tentée de marginaliser toute forme d’expression de la foi ou de la cantonner à l’intime, les nouvelles générations engagées en politique seront attentives aux exhortations que le pape François leur adresse : « Allez courageusement à contre-courant, servez la Vérité du Christ, et n’acceptez pas les ‘valeurs avariées’ de la société qui ruinent la vie et suppriment l’espérance. »
Cette présence incisive, parfois contestataire, mais aussi propositionnelle des chrétiens, nécessite une solide formation à la doctrine sociale de l’Eglise, aux questions éthiques et anthropologiques ; une réelle présence au monde, en particulier au niveau local ; la participation active aux différentes expressions de la démocratie ; l’inscription dans une culture du dialogue et de l’engagement. Les élus qui attestent de leur foi chrétienne doivent témoigner de la cohérence entre leur foi et leur engagement politique.
Témoigner du courage de la foi
Le pape François nous encourage à ne pas fuir le monde dans le découragement, la nostalgie, les lamentations et la démagogie. « Ce ne sont pas les chrétiens de salon qui changeront le monde, en le commentant du haut du balcon ! »
Prenons acte de notre statut minoritaire et redécouvrons que « ce sont les minorités créatives qui déterminent l’histoire » (Benoît XVI). Ce que les chrétiens ont de meilleur à offrir aux gouvernants ou à ceux qui briguent un mandat, c’est leur prière. Nous avons le devoir de prier pour tous ceux qui sont dépositaires d’une part d’autorité, (même si nous ne partageons pas leurs idées). Pourquoi ne pas recourir à Dieu pour qu’Il les bénisse et inspire leurs projets ? Trouvons dans le Christ la force d’aller de l’avant avec courage !
Le premier pas consiste à sortir de nous-mêmes et à travailler à devenir des saints. « Les saints sont les vrais réformateurs et c’est seulement d’eux que vient la véritable révolution » (Benoît XVI).
Nous n’oublions pas que nous devons à des chrétiens convaincus, tels que Konrad Adenauer, Robert Schuman et Alcide de Gasperi, d’avoir jeté les bases de la construction européenne. Que ceux qui s’engagent en politique se confient particulièrement au bienheureux Charles d’Autriche et aux saints patrons de l’Europe (saint Benoît de Nursie, saints Cyrille et Méthode, sainte Brigitte de Suède, sainte Catherine de Sienne, sainte Thérèse-Bénédicte de la Croix).
+ Mgr Dominique Rey,
le 16 janvier 2014
Avec l’aimable autorisation du diocèse de Fréjus-Toulon.
Sur ce sujet :
Municipales 2014, 18 propositions, par Fr. Billot de Lochner
Municipales : Voter en prudence pour le bien commun, par la Fondation de Service politique
Municipales 2014 : le vote juste, un discernement, par Thibaud Collin
Elections 2014 ; "Choisir avec clairvoyance", par Mgr Dominique Rey
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