Article rédigé par Henri Hude, le 11 février 2014
Si les hommes de bonne volonté font un effort pour réfléchir, le bien commun peut presque toujours l'emporter, au-delà des passions qui divisent et des pulsions qui creusent les automatismes. Et si une lecture optimiste de l’immigration était possible ?
Voici quelques mois, un esprit lucide et gouailleur souhaitait bien du plaisir à Vincent Peillon quand il faudrait enseigner aux petits musulmans qu’ils pourraient devenir des petites musulmanes, et inversement.
La gauche perd le support des Français issus de l’immigration
Les immigrés musulmans ont peu manifesté contre le mariage homo. Cette communauté n’a pas une vie facile en France. Elle fait souvent partie des classes populaires durement touchées par la crise, elle est souvent offensée par la police, stigmatisée par les médias et amalgamée à des courants extrémistes de l’islam ou à des délinquants, et consciente enfin d’être manipulée à son corps défendant. Peu liée aux catholiques en pointe dans le mouvement, elle regardait le débat avec indifférence.
Aujourd’hui, le pouvoir veut leur prendre le seul bien qui leur reste, le plus précieux, et le corrompre : leurs enfants. Rien ne va plus. L’amertume accumulée déborde.
Les musulmans ne sont pas des « catholiques trop bien élevés ». Si le pouvoir veut les contraindre, ça se passera mal et il devra reculer. Du coup, les catholiques pourront adopter à leur tour le seul moyen adapté face à une entreprise totalitaire : la résistance civile. Les immigrés, notamment grâce à leurs valeurs familiales, sont-ils donc une chance pour la France ?
De plus, par sa gestion de l’affaire Dieudonné, le pouvoir vient de perdre de nombreux jeunes, dont beaucoup sont issus de l’immigration.
Les raisons de fond de ce nouvel antisémitisme populaire lui échappent. Il repose notamment sur le rejet de certaines personnalités phares de l’élite dirigeante, BHL par exemple, qui symbolisent des politiques aventurières ou injustes. Par leur omniprésence médiatique, ces gens causent un abominable amalgame entre la communauté juive et des images détestées.
L’intérêt de tout groupe civilisé est aujourd’hui de se déclarer étranger à l’extrémisme idéologique de la gauche postmoderne. C’est ce qu’avait fait avec sagesse le rabbin Bernheim, en publiant un texte de référence au moment de la discussion autour de la loi Taubira.
La gauche ne pourra plus diviser les Français au moyen de l’immigration
La gauche postmoderne avait depuis des décennies favorisé l’immigration. Elle n’avait certes pas créé les différences de potentiel entre Sud et Nord, ni le mécanisme des vases communicants entre ces espaces. Mais elle a encouragé ce mouvement spontané, partie par idéalisme, partie par calcul.
Elle espérait que les conservateurs seraient toujours fixés dans certains réflexes, et que les immigrés se comporteraient toujours en « idiots utiles ». Les « petits Blancs » se montreraient inquiets, jaloux, hostiles…, donc tout immigré, se sentant rejeté, ferait un électeur de gauche en plus. Une masse d’électeurs humanistes voterait automatiquement pour la gauche caviar, par répugnance envers le racisme. On rendrait du lustre à la laïcité en opposant chrétiens et musulmans, en réactivant, grâce à l’islamisme, la peur de la religion, etc. Cela s’appelle jouer sur du velours.
Mais le stratagème ne fonctionne plus. La bobocratie réussit au contraire la prouesse d’enclencher contre elle un grand mouvement d’unité nationale entre immigrés et « petits Blancs », entre catholiques, musulmans et humanistes civilisés, que le totalitarisme inquiète ensemble. Elle ne peut plus diviser, faire diversion, isoler ses victimes, les battre séparément.
Vers un bouleversement de l’espace politique
L’extrême-droite classique sert encore à protester, mais elle est en train de prendre un coup de vieux. Elle est peu capable de saisir cette aspiration à la dignité civique que donne l’adhésion à un bien commun républicain. Cette montée du principe démocratique au sein d’une nation moderne et humaniste. Cette réinvention de la fraternité politique qui ne bute plus sur les différences religieuses et raciales, alors qu'elles étaient jusqu'alors des moyens de division et des leviers de pouvoir pour une élite devenue illégitime.
Le pouvoir a radicalisé les conservateurs et les a rendus intelligents. Toutes les victimes de la politique libérale-libertaire se découvrent et se trouvent mutuellement sympathiques, face à un pouvoir technocratique et idéologique unanimement détesté.
La question des réformes structurelles du pays peut enfin être posée, ne pouvant plus être amalgamée à un nationalisme réputé raciste. Ainsi se crée l’unité d’un peuple black-blanc-beur, uni sous les trois couleurs de notre drapeau et contre la noblesse d’État énarchique et le clergé médiatique postmoderne.
Quelles réformes structurelles ?
Il faut changer la politique culturelle et économique de nos États.
En particulier, il est urgent de réformer un système fiscal inique, d’abolir les privilèges dont jouissent les dirigeants de la sphère publique, afin de relancer la logique de développement économique et de progrès social grâce à nos entrepreneurs. C’est là que se déroule le combat pour la justice et la démocratie. La jeunesse n’a que faire du mariage entre homosexuels. La vieillesse n’a que faire de l’euthanasie.
Sans doute toutes ces idées et tous ces sentiments restent encore confus et mal exprimés. Il faudra aussi les débarrasser de bien des scories, notamment de tout antisémitisme. Néanmoins, la bobocratie n’a pas face à elle un panel de réactionnaires sans amour, de brutes semi-fascistes, ou de modérés terrifiés à l’idée d’être confondus avec les uns ou les autres. La bobocratie fait face à un front populaire massif exigeant le rétablissement du bien commun et de la République, aujourd’hui confisquée par une oligarchie issue de la haute fonction publique.
Tous les catholiques qui vont à la messe ont pris l’habitude depuis une génération, de prier dans des assemblées en Noir et Blanc. La culture à laquelle le nouveau prolétariat va se référer sera un mixte de postmoderne routinier et de retour aux traditions solides. Les religions solidaires entre elles et respectueuses de l’Histoire peuvent réinventer la laïcité avec les humanistes civilisés. La multiethnicité, une chance pour la France ?
Telle est la transformation qui s’opère sous nos yeux.
« Jupiter ôte la raison à ceux qu’il veut perdre. » Il vient de l’ôter aux socialistes.
Henri Hude, philosophe, dirige le pôle éthique des écoles militaires de Saint-Cyr Coëtquidan.
3 questions à Henri Hude
"LP. — Le divorce entre la bobocratie et le monde musulman, est-ce absolument nouveau ?
HH. — Non. Déjà en septembre 2012, Caroline Fourest s'était faite agressée à la Fête de l'Huma par des "barbus". Mais nous sommes déjà très au-delà de cette configuration.
Vous voulez dire que l'islamisme serait en train d'être dépassé ?
Voyez ce qui se passe en Egypte. La nation unie autour de son armée a rejeté les islamistes que voulait lui imposer Obama. La question non posée ici est : que reste-t-il de l'islamisme, quand on a ôté l'argent du Qatar, les manoeuvres de la CIA, plus le rejet justifié du postmoderne occidental en putréfaction ? 90 % ? 5 %? 50 % ?
Comment savoir ?
La réponse doit être donnée après étude objective, pas au doigt mouillé, ni pour cadrer avec des passions politiques. Seule la vérité est utile.
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© Photo : LMPT/J.Bonnafont
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