Article rédigé par Roland Hureaux, le 25 juillet 2013
[Mis à jour] — De Guéant à Valls, les ministres de l’Intérieur se succèdent et toujours les Roms sont pris pour cible. Pourquoi ? Résumeraient-ils à eux seuls les problèmes de l’immigration ? Au contraire.
LES ROMS de Roumanie et de Bulgarie ne représentent qu’un vivier de migrants limité. S’ils sont plus particulièrement attirés par la France, c’est surtout en raison du régime social avantageux dont y bénéficient les immigrés, même clandestins. C’est peut-être là-dessus qu’il faudrait se pencher au lieu de se livrer aux gesticulations que l’on sait.
On peut vouloir contrôler l’immigration pour plusieurs raisons. Une des moins avouables et pourtant la plus sérieuse est de préserver un certain équilibre culturel et religieux afin que, au cours des décennies à venir, la paix civile ne soit pas remise en cause comme elle l’a été chaque fois qu’ont coexisté des communautés chrétiennes et musulmane de poids peu près égal : Liban, Bosnie, Kosovo. (On pourrait aussi bien évoquer aussi la guerre civile du Sri-Lanka entre bouddhistes autochtones et hindouistes immigrés.)
Les Roms, chrétiens pour la plupart, ne menacent nullement l’équilibre d’un pays historiquement chrétien. Malgré leur mode de vie nomade, les Roms sont partie intégrante de la civilisation européenne depuis cinq ou six siècles. Si l’espace européen est une chose sérieuse, ils devraient y avoir toute leur place puisque leurs pays d’origine font partie des 27.
Mendicité
Il est vrai que les Roms posent quelques problèmes de délinquance et, pour cela, s’avèrent irritants dans la vie quotidienne. Plus que les migrants nouveaux de toute origine ? Cela reste à prouver.
Une des formes de cette délinquance est le fait, pour certains « parrains », d’obliger des femmes (parfois avec des bébés en bas âge ou très âgées) et des enfants à mendier. Aujourd’hui la mendicité de ce type a pratiquement expulsé toutes les autres du pavé de Paris, sans doute par la manière forte. Mais la police s’en préoccupe telle ? Il ne le semble pas.
Si on ne leur permet pas de mendier que feront-ils ? dira-t-on. Mais où vont donc les milliards déversés par la commission de Bruxelles en Roumanie, en Bulgarie et ailleurs pour aider à la réinsertion des populations nomades ? Encore un exemple de l’inefficacité des grandes bureaucraties sociales à fonds publics ! Et à quoi rime de tolérer leur présence massive sur notre sol sans leur donner le droit de travailler ?
Un double problème
Les Roms posent, il est vrai, un double problème que l’on tend généralement à confondre :
- une question d’immigration du fait de la présence illégale sur notre sol de beaucoup d’entre eux .
- une question d’occupation indue de terrains qui ne leur appartiennent pas, dont les propriétaires demandent leur expulsion par voie de justice, mais d’où il est difficile, de fait, de les déloger.
Quand on parle de l’expulsion des Roms, c’est à ces deux réalités distinctes que l’on se réfère sans que la presse ne fasse rien pour éclairer la différence.
Sans protection
Mais nous nous risquons à une autre hypothèse. Si l’on s’en prend tant aux Roms qui ne posent que des problèmes mineurs à la cohésion de la société française, c’est qu’ils sont plus vulnérables que les autres. À la différence des musulmans, notamment arabes, en particulier des Algériens, des Marocains et des Turcs, ils ne bénéficient pas du « recul géopolitique » de grands pays leur servant de base arrière et auxquels le gouvernement français n’ose pas s’en prendre de front.
En prenant à partie bruyamment les Roms, les gouvernements font croire qu’ils s’occupent de l’immigration alors qu’ils ne traitent qu’un problème mineur, et que les problèmes majeurs, eux, ne sont pas traités.
En définitive, les Roms sont les victimes toutes désignées offertes à la vindicte publique pour cacher notre impuissance face au problème migratoire, parce qu’ils sont faibles et, ce qui est plus grave, parce que nous sommes faibles.
R. H.
Illustration : Van Gogh, Le Campement de Gitans avec la caravane (1888).