Article rédigé par Hélène Bodenez, le 05 juillet 2013
"Avec une régularité de métronome !" C’est ainsi qu’un contributeur de L’Express (Express yourself) décrit le retour du débat sur l’ouverture des magasins le dimanche. Pour reprendre les mêmes vains arguments tentant de justifier la suppression du dimanche chômé pour tous.
Pour le chroniqueur, le dimanche chômé n’a vraiment plus de raison d’être : nous vivons une époque qui doit s’emparer de ce temps gratuit. Mais pour qui connaît le dossier de près, l’article fait preuve d’une mauvaise foi caractérisée. Reprenant les mêmes arguments ressassés depuis 2009 au moins, il sombre en réalité dans un radotage pénible. Ce qui est vu comme une « réponse moderne à la morosité économique » n’est ni plus ni moins qu’une énième façon de participer au torpillage en bonne et due forme du repos dominical.
Toujours les mêmes vains arguments
1/ Les gens seraient favorables à l’ouverture des magasins du dimanche ? « Avec une constance jamais démentie… » Faux, quand on voit l’ambiguïté des questions posées dans les sondages, faux encore quand on sait que les mêmes qui veulent acheter le dimanche sont ceux-là mêmes qui ne veulent surtout pas travailler le dimanche. On remarquera que l’argument n’est d’ailleurs pas sourcé.
2/ Le dimanche familial n’existerait plus ? Voici que notre chroniqueur va sans vergogne chercher la très catholique Pologne pour illustrer sa preuve imparable : « Les magasins lèvent leurs rideaux quel que soit le jour de la semaine, sans que cela n'émeuve quiconque. » Faux toujours. Si dans l’après-chute du communisme, la Pologne s’est laissée séduire un temps par le tout-libéralisme qui a fait voler en éclats le « dogme indéboulonnable » du repos dominical, elle fait actuellement machine arrière ayant déjà récupéré nombre de ses jours fériés. Actuellement, des parlementaires cherchent d’ailleurs par différents projets de loi à fermer les magasins le dimanche.
3/ Les salariés seraient volontaires et auraient une rémunération substantiellement accrue ? Qui va croire cela ? Pour quelques grandes enseignes aux accords syndicaux avantageux, combien de compensations dérisoires ou nulles comme ces caissières de supérettes, femmes en emplois précaires, gagnant huit euros de plus le dimanche ? Même pas de quoi payer la garde des enfants !
4/ « Acheter est devenu une possibilité sans limite d'horaires ou de jour, via l’Internet. » Faux ! Cliquer le dimanche est de fait possible mais le produit acheté ne sera pas livré le dimanche. La prise en charge, l’acheminement d’un produit reste tributaire des jours ouvrables.
Campagne de spams dans la boîte de Michel Sapin
Que signifie l’audience accordée à de tels arguments ? Différents signaux laissent penser que les adversaires du repos dominical pour tous se remobilisent, comme par exemple l’actuelle campagne de spams qui tombent dans la messagerie de Michel Sapin. Les déclarations récentes du ministre du Travail n’ont pas plu à tout le monde. Le statu quo déplaît sur le dimanche chômé déplaît.
Les « bricoleurs du dimanche », une organisation entièrement financée par les grandes enseignes pour obtenir l’ouverture des magasins le dimanche, n’abusent personne. Sur le site de débat en ligne, Newsring, on trouve des réponses à leurs arguments qui ne sont pas sans saveur. Elles révèlent parfaitement le combat : bienfait pour toute une société versus individualisme jouisseur.
"« C'est quand même marrant, pour vous, le travail du dimanche ne concerne que vous ! JE gagne plus, JE diminue MON stress, JE mets MES enfants en garderie, MES clients disent que c'est indispensable, c'est 18% du chiffre d’affaire de MON magasin, et même JE vais à la messe le samedi. J'ai bien compris VOTRE volonté de travailler le dimanche, mais il me semblait que les chrétiens pensaient de temps en temps un petit peu aux autres, aussi. À ceux qui gagnent moins parce que certaines enseignes (dont certains magasins Leroy Merlin, paraît-il), ouvertes illégalement, leur font une concurrence déloyale. À ceux dont les primes de dimanche ont été diminuées ou supprimées, parce que tout est ouvert le dimanche. À tous ceux qui ont été ruinés, et sont au chômage, parce que certaines enseignes ouvertes en fraude leur ont volé, à eux qui restent fermés, ces 18% de CA. À ceux qui sont stressés, parce que travaillant dans une administration, un service, une entreprise respectueux de la légalité. À ceux qui, pour ne pas obliger les caissières à être à leur service le dimanche, ont pensé à acheter un marteau le samedi. Et même à votre curé, qui vous attend le dimanche. Vous devriez peut-être bien aller lui demander ce qu'il en pense, d'ailleurs, je ne suis pas sûr qu'il soit bien d'accord avec vous. »
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Ou encore :
"« Je suis admiratif d'un tel plaidoyer objectif et argumenté en faveur de votre employeur. Il manque cependant, pour convaincre totalement, des précisions. Quel est le taux d'augmentation annuel des salaires ? Quel est l'effet du travail du dimanche sur les autres jours et donc sur les diminutions de personnel nécessaires que cela engendre ? Peut-on être embauché si on se déclare contre le travail le dimanche ? La vie sociale un jour commun le dimanche passe-t-elle après les désirs de certains qui ne pourraient faire leurs achats que le dimanche (s'ils ne travaillent pas ?) Le supplément de chiffre d'affaires ne se fait-il pas aux dépens de magasins fermés le dimanche ? Les employés du service de sécurité pourraient-ils tous décider de ne jamais travailler le dimanche. Avec la raréfaction du clergé, pouvez-vous participer à une messe anticipée du dimanche à proximité de chez vous ? La liste des arguments pour ne pas généraliser l'ouverture des magasins le dimanche et je suis sûr que vous en avez d'autres, par exemple le coût supplémentaire de l'ouverture 7 / 7 qui se répercute dans les prix. »
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L’Église orthodoxe dit non au travail du dimanche
La question du repos dominical secoue également d’autres pays européens. L’Église orthodoxe en Grèce vient de redire son attachement au repos dominical en termes on ne peut plus nets. Alors que le pays traverse une crise économique profonde, l’Église orthodoxe ose affirmer que la solution n’est pas dans le consumérisme à tout crin. « Le dimanche doit rester un jour férié, afin de donner aux chrétiens non seulement la possibilité de prier leur Dieu, mais aussi pour que la possibilité leur soit accordée de se reposer des labeurs de la semaine et de se préparer pour ceux de la semaine suivante. »
Les contorsions de Castorama
Pendant ce temps en région parisienne, la plus grande confusion continue de régner du côté de Castorama qui ouvre un magasin en Val d’Oise. De nouveau, l’enseigne demande une dérogation au préfet. L’établissement est cette fois à cheval sur le périmètre d’usage de consommation exceptionnel (PUCE) défini par le préfet en 2010, sur ce qui n’était alors qu’un terrain vague.
On admire évidemment a posteriori le tour de force du représentant de l’État qui avait réussi à constater un usage de consommation exceptionnel pour un magasin qui allait être inauguré trois ans après. Fort le préfet ! N’avait-il pas indiqué sur sa carte l’emplacement du futur magasin pour mieux pouvoir l’englober ? Sauf que le magasin ne s’est pas vraiment implanté à l’endroit prévu mais un peu plus loin. C’est la limite des pouvoirs divinatoires du préfet.
De nouveau, Castorama annonce l’ouverture de son magasin tous les dimanches. De nouveau Castorama offre 15 € par tranche de 100 € d’achats réalisés ce jour-là. Pourtant, pas de trace de l’arrêté préfectoral. Quid des droits des salariés ? Ironie de l’affaire : Castorama est installé à quelques mètres d’un Point P fermé le dimanche, situé de l’autre côté de la frontière. Les choses ne se présentent-elles pas sous les meilleurs auspices ?
L’enterrement de première classe du repos dominical est-il amorcé ?
H.B.
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