Article rédigé par Julien Aubert, le 02 juillet 2013
À un an des élections européennes (mai 2014), le député UMP du Vaucluse, Julien Aubert, crée un groupe de réflexion entre parlementaires "euro-alternatifs sceptiques" au sein de son parti. Alors que la colère populaire monte de toutes parts contre les institutions européennes, il donne le ton : "Les Cabris, c’est fini !"
Liberté politique. — Si les Français avaient à se prononcer à nouveau sur la politique européenne, ils seraient 64% à voter contre le traité de Maastricht, comme en attestait récemment un sondage IFOP paru dans le Figaro. Avez-vous créé un groupe de députés eurosceptiques ?
Julien Aubert. — Les députés qui composent ce groupe étaient opposés à l’euro à sa création et ont voté « non » aux différents traités européens. Ils sont opposés au fédéralisme. Ils refusent cependant le qualificatif d’ « eurosceptiques », préférant celui d’« euro-alternatifs sceptiques ». C’est justement parce qu’ils sont favorables à la construction européenne qu’ils veulent ouvrir le débat au sein de l’UMP.
Comment vous appellera-t-on ?
Le nom du groupe doit encore être soumis aux membres. Il devrait s’appeler : « Collectif pour la refondation de l’Europe : Cabris, c’est fini ! »
Que feront concrètement les députés dans le cadre de ce groupe ?
Ils débattront des enjeux européens sans tabou. On nous dit aujourd’hui qu’une seule politique est possible. Nous souhaitons au contraire prendre un à un les sujets européens (Schengen, la monnaie unique, l’élargissement, etc.) pour dresser un bilan d’étape, se faire une opinion tranchée et, éventuellement, pour réussir le projet de l’UMP. Des experts de tous horizons politiques seront conviés aux débats.
Lors de la primaire socialiste, Arnaud Montebourg s’était aussi montré très critique envers l’Union européenne. La semaine dernière, le ministre du Redressement productif a qualifié José Manuel Barroso de « carburant » du Front national. Partagez-vous ce constat ?
Notre classe politique est schizophrène. D’un côté, elle se défausse de sa responsabilité sur l’Europe, l’accusant de tous les maux. De l’autre, elle appelle de ses vœux plus de fédéralisme, c'est-à-dire moins de transparence et de démocratie. Comment voulez-vous que les citoyens comprennent ? En réalité, on est à mi-chemin : l’Europe est trop imposante pour permettre aux Etats-nations de régler convenablement leurs problèmes ; mais elle n’est pas assez forte pour protéger les États-nations.
Pointer du doigt Barroso est facile. Il n’a pas amélioré les choses, mais le vrai responsable est la classe politique qui, depuis trente ans, refuse de débattre. Les mêmes partisans de l’Europe politique ont saboté la machine qu’ils prétendaient promouvoir ! À être allé trop vite, on se retrouve dans le fossé. Pendant ce temps, le citoyen tire la sonnette d’alarme.
Lors de la campagne électorale, Nicolas Sarkozy, pour séduire les classes populaires, avait proposé des réformes de l’Union européenne (Schengen, statuts de la BCE, Buy European Act). Ces propositions sont-elles de bonnes pistes ? Faut-il être encore plus audacieux, notamment sur la question de l’euro ?
Les propositions de Nicolas Sarkozy étaient d’autant plus excellentes qu’elles suivaient une très bonne méthode : nous mettons nos partenaires européens devant leurs responsabilités, soit ils décident d’ouvrir le débat et de coopérer, soit nous appliquons les mesures unilatéralement. C’est la méthode de l’ultimatum, couplée à celle du big-bang !
Concernant l’euro, mon opinion n’est pas tranchée. Est-il viable dans le périmètre actuel ? Peut-on le pérenniser autour d’un nombre restreint de pays ? Est-il condamné ? Les débats permettront justement d’avancer dans ma réflexion, et de mesurer les risques d’une implosion de l’euro. J’étais contre la monnaie unique, qui a détruit la moitié de l’industrie française, mais s’il s’agit de quitter l’euro pour détruire l’autre moitié, à quoi bon ? Parfois, le remède est pire que le mal.
Le chantier européen semble immense. Peut-on envisager une nouvelle organisation sans faire table rase de l’Union européenne ?
C’est la faillite d’une société d’irresponsabilité illimitée. À 27 pays— et maintenant 28 avec l’entrée de la Croatie —l’Union européenne est totalement ingouvernable et irréformable. La table rase est donc une des questions sur la table. Il faut démembrer ce qui ne fonctionne pas au sein d’une Europe trop intégrée (politique de la concurrence, Espace Schengen, dérives juridiques de la Cour de justice de l’Union européenne …) et garder uniquement ce qui fonctionne, par exemple la Politique agricole commune.
Les Français doutent que l’UMP soit le bon moyen pour arriver à de tels changements. Avec le PS et les centristes, elle a voté tous les traités européens. En octobre, vous n’étiez que 17 à voter contre le « pacte budgétaire » sur 195 députés (6 abstentions)… Est-il possible de changer la ligne politique de l’UMP de l’intérieur ?
Contrairement à son image, l’UMP est en train d’évoluer. Le Projet européen est relativement critique. On a été trop béat, trop ouvert. On le voit avec l’affaire de l’espionnage américain. Nous devons travailler de l’intérieur pour changer la ligne du parti et offrir une voie réaliste, en étant clair sur les instruments à utiliser — car c’est le plus compliqué.
Propos recueillis par Laurent Ottavi.