Article rédigé par Cédric Burgun, le 14 mars 2013
La fumée blanche est apparue vers 19h. Une heure après, le cardinal français Jean-Louis Tauran, proto-diacre, est apparu au balcon de la Loggia, sur la façade de la basilique St-Pierre pour annoncer le nom du nouveau pape : le cardinal Bergoglio, prenant le nom de François, est devenu le 266e pape, après un conclave de deux jours et cinq scrutins.
Né le 17 décembre 1936, dans le quartier de Flores, et ayant fait des études de technicien en chimie, il s’oriente vers le sacerdoce et s’engage chez les jésuites. Il étudie la philosophie et la théologie à l’Université Máximo San José. Il est ordonné prêtre le 13 décembre 1969, puis archevêque de Buenos Aires le 28 février 1998. Jean-Paul II le crée cardinal le 21 février 2001.
Que dire de la relative rapidité du conclave ?
Durant le XXe siècle et jusqu’à nos jours, la moyenne des conclaves pour une élection est entre sept et huit scrutins. En 1939, Pie XII avait été élu le plus rapidement en deux jours seulement et trois scrutins. En 1958, Jean XXIII fut élu en quatre jours et 11 scrutins. En 1963, le conclave dura 3 jours, et Paul VI fut choisi au bout de six scrutins.
En 1978, le premier conclave de cette année-là vit l’élection de Jean-Paul Ier, seulement au bout de deux jours et quatre scrutins. Le second conclave de 1978, en octobre, dura trois jours et huit scrutins. Ce fut l’élection de Jean-Paul II. En 2005, enfin, Benoît XVI fut élu Pape au quatrième scrutin (un le soir, deux le matin et un l’après-midi du second jour) d'un conclave éclair qui dura deux jours seulement.
Ici, le conclave démarra le mardi 12 mars (avec un seul scrutin le mardi soir), et cinq scrutins jusqu’à l’élection du mercredi soir. C’est donc un conclave que l’on dit relativement court qui s’est déroulé devant près de 5000 journalistes qui trépignaient dans l’attente de la fameuse fumée blanche. Mais — parce qu’il y a un « mais » — ce conclave n’est pas si court qu’on le dit. En effet, les cardinaux ont eu près de huit jours de congrégations générales. Habituellement, lors de la vacance, il y a aussi les funérailles du Saint-Père à organiser et qui prennent du temps. Ici, nous avons eu une semaine pleine de débats, de discussions et de rencontres. Le porte-parole du Vatican annonçait la semaine dernière plus de 150 interventions par congrégation ! Cela dit l’importance des débats et des discussions sans compter les discussions de « couloir ».
Ces congrégations générales, qui se tinrent du lundi 4 au lundi 11 mars, et le temps qu’il a fallu pour décider de la date d’entrée en conclave, montrent la richesse en débat, en prise de position, et en prière aussi. Le temps de l’Église ne sera jamais le temps du monde ! Il y avait eu comme une course à l’emballement médiatique. Contre toute attente, les cardinaux avaient choisi de prendre leur temps avant de se lancer dans le conclave.
Ce pape a bien été choisi, voulu, et bien discerné ! Il a été, pour chacun, une réelle surprise qui a, une fois de plus, fait mentir tous les pronostics, les journalistes, et les « vaticanistes » auquel vous me permettrez, non sans quelque fierté (pour l’Esprit Saint !), de qualifier de « soi-disant » ! Personne ne l’avait vu venir … La Providence nous surprendra toujours.
Les dossiers chauds du nouveau pape
L’Église est conduite par le Christ. Il est vrai que notre nouveau pape François devra se saisir de nombreux dossiers. La réforme du gouvernement et de la curie sera un dossier très épais ! On ne peut nier que nos structures ecclésiastiques ont bien du mal à faire face à tous les défis qui attendent l’Église. Mais cette réforme n’est sans doute pas première. Le monde médiatique dans lequel nous sommes entrés nécessite que l’on apprenne à parler son langage. Jésus s’exprimait avec des paraboles, des images, et des discours simples. Quel langage simple et facile d’accès pour les hommes de notre temps ? Il sera donc question, plus que jamais, de l’actualisation de la Parole de Dieu, de sa simplicité et de sa force : la rendre présente et accessible à nos sociétés modernes, à l’heure des réseaux sociaux et du tout-médiatique.
Notre nouveau pape aura aussi un autre défi : le langage de l’Église ne peut pas se réduire à un langage moral ! Le pontificat du bienheureux Jean-Paul II fut très imprégné de la morale chrétienne : les défis étaient nombreux et nous étions dans la droite ligne, y compris dans l’Église, de la mouvance de la crise de 1968. Benoît XVI, même s’il est encore trop tôt pour faire le bilan de son pontificat, a voulu nous recentrer dans l’intériorité propre à notre foi : intériorité de la prière, de la liturgie, de communion avec Dieu.
Or, aujourd’hui, il est assez facile pour les pasteurs d’avoir un discours plus moral que théologal. Dire ce que l’on doit faire avant de dire Dieu lui-même. Benoit XVI, sans l’opposer à Jean-Paul II, mais dans la continuité, nous a largement fait méditer sur Dieu lui-même.
Avec l’élection du pape François, nous en avons eu un bel exemple : un pape simple, qui se présente à ses frères et à ses sœurs, loin du poids du protocole, mais humblement en demandant la prière de ses frères. Il est vrai que cela aura pu troubler certains chrétiens. Que vont devenir la liturgie, les codes, le protocole ? La messe d’intronisation s’annonce d’ores et déjà simplifiée. Sur quoi ? Nul ne le sait ! Mais ce que l’on sait, c’est que le pape François (j’ai déjà envie, en référence au bon pape Jean, de l’appeler le « bon François »), en tous cas, a la volonté de se présenter non pas comme le chef d’une organisation toute puissante, mais comme un humble serviteur de la vérité de l’Évangile.
Un peu de recul : la vérité de l’Évangile
Son nom est très symbolique. « François » ! En référence à saint François d’Assise. Réformateur, et témoin de la conversion au Christ. François d’Assise n’a eu de cesse de vivre une certaine pauvreté évangélique. Ce frère franciscain avait rêvé d'une église en ruine ; et le pape de l’époque avait rêvé qu’un frère en bure reconstruisait l’église ! Tout un programme pour notre nouveau pape dont le nom, à lui seul, fait déjà office de programme, et de réforme novatrice : jamais un pape n’avait pris ce nom-là !
Chacun y allait de son petit commentaire, quelques jours avant le conclave, mais prenons un peu de recul, maintenant. Dans une période aussi importante, grave, et riche pour l’Église, le pape François nous remet dans le silence de la croix et de la prière ; dans l’humble adoration devant le Christ qui gouverne de toute manière son Église. Nous avons un pape qui nous remettra face à la Croix du Christ et qui nous dira : « Ton péché est là ! et le chemin de ta sainteté aussi. » L’exigence de la vérité et la beauté de la charité.
N’attendons rien des réformes structurelles de l’Église. Elles n’ont jamais précédé la sainteté des fidèles, mais c’est de la sainteté des fidèles que découlent les réformes de l’Église. Et je donnais déjà ce seul exemple : saint François d’Assise n’a pas commencé par faire des communiqués de presse ou des grands articles sur le besoin – réel ! – en son temps que l’Église s’appauvrisse. Il a commencé par vivre lui-même et son témoignage de sainteté a converti les cœurs jusque dans les plus hautes sphères ecclésiastiques. Le pape François, à la suite de son saint patron, nous y invite fortement !
Comme l’a signalé l’agence d’information Zenit, « avant de partir à Rome, le cardinal Jorge Maria Bergoglio, devenu le pape François, a invité les Argentins, et plus spécialement les habitants de Buenos Aires à construire, en vue de la Semaine Sainte, une Église aux “portes ouvertes” et qui ne se satisfasse pas des “conformismes” ». Ce soir, il nous montre déjà le chemin du Golgotha et de la Résurrection.
Il avait adressé une lettre début mars à ses diocésains, aux paroisses de la ville dont il était archevêque, et où il était connu pour sa grande simplicité. Cardinal, il se déplaçait habituellement en métro ou en tram, et faisait sa cuisine lui-même. Sa solide expérience pastorale est associée à sa volonté d’énoncer la vérité du Christ de façon claire ! Le site Zenit continue : « À plusieurs reprises, il s’est opposé fortement aux autorités locales sur des questions telles que l'avortement, le mariage homosexuel et la libéralisation des drogues. Il a déploré aussi le “manque d’humilité” des gouvernants. Le cardinal primat d’Argentine a toujours pris une position proche des couches moins favorisées de la société. »
Demandant aux chrétiens de « sortir et de témoigner, de manifester leur souci de leurs frères », il aime à rappeler que l’Évangile « fait de nous des frères, des fils, et non pas des associés d’une ONG ou des prosélytes d’une multinationale » !
Et maintenant ?
Benoit XVI avait raison, en partant dans le silence de sa retraite quasi monacale : « Chers amis ! Dieu guide son Église, la soutient toujours aussi et surtout dans les moments difficiles. Ne perdons jamais cette vision de foi, qui est l’unique vraie vision du chemin de l’Église et du monde. Dans notre cœur, dans le cœur de chacun de vous, qu’il y ait toujours la joyeuse certitude que le Seigneur est à nos côtés, qu’il ne nous abandonne pas, qu’il nous est proche et nous enveloppe de son amour » (dernière audience de Benoit XVI, le mercredi 27 février 2013).
Et il nous a laissé l’ultime témoignage qui doit habiter tous les cœurs en ce jour : « parmi le collège cardinalice, se trouve également le futur pape, auquel je promets dès aujourd’hui mon respect et mon obéissance inconditionnels » (salut de congé du pape Benoit XVI aux cardinaux présents à Rome, le 28 février 2013).
C’est notre prière et notre disposition de cœur ce jour. Laissons-nous surprendre par la Providence divine !
Le père Cédric Burgun est prêtre de la Communauté de l’Emmanuel pour le diocèse de Metz, enseignant-chercheur en droit canonique à l’Institut catholique de Paris.
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