Conclave : l'ultime geste de Benoît XVI
Article rédigé par Cédric Burgun, le 26 février 2013 Conclave : l'ultime geste de Benoît XVI

À quelques jours de la renonciation effective de Benoît XVI, ce jeudi 28 février à 20h, et donc de la vacance du Siège apostolique, le pape a promulgué, lundi 25 février, un (dernier ?) motu proprio (texte législatif promulgué par lui-même). Normas nonnullas modifie légèrement certaines règles du conclave contenues dans la constitution apostolique Universi Dominici gregis (UDG) de 1996. Présentation des évolutions – loin d’être des bouleversements – de ce document. Un ultime geste souverain du pape au service de l'unité.

Si d’aucun penseront que ces quelques modifications peut influencer d’une manière ou d’une autre le vote lui-même, Benoît XVI a surtout voulu éclaircir les doutes concernant la date d’entrée en conclave : là est, peut-être, le point le plus important de cet ultime décret. La sanction liée à l’infraction du secret du conclave a été aussi précisée et « durcie », comme nous le verrons : une manière pour le Pape de rappeler cette règle absolue, parfois enfreinte ces dernières années.

Premièrement, le pape rappelle qu’aucun cardinal électeur ne peut être exclu de son droit de vote : ce rappel du Saint-Père ne modifie en rien la loi en vigueur mais permet une plus grande cohérence législative. En effet, deux cas sont toutefois prévus et il fallait que la loi soit mieux rédigée : d’une part, le cas de renonciation personnelle à son droit de vote (pour raison de santé par exemple et ce sera encore le cas cette année) ; et d’autre part (c’est la référence au n. 75 de UDG), au cas où, après de nombreux scrutins sans résultat, on soit obligé de voter pour les deux cardinaux ayant reçu le plus grand nombre de voix (sorte de ballotage). Dans ce cas précis, ces deux cardinaux ne peuvent plus voter : ils n’ont plus voix active.

Cérémonie

Une autre nouveauté est le rôle « renforcé » du vice-camerlingue qui devra apporter sa coopération au cardinal camerlingue pour la préparation des célébrations (liturgique et vote) du conclave, ainsi que la surveillance de la bonne préparation des lieux nécessaires (article modifié n. 43 de UDG).

On peut le comprendre au sujet du vote : ce prélat (le vice-camerlingue) qui n’est pas cardinal, pourra assurer la surveillance extérieure au conclave du bon déroulé des « cérémonies » et à sa confidentialité (n. 51 modifié). Il devra désormais participer, tout comme d’autres prélats (n. 50 modifié), à la procession des cardinaux qui marchent de la chapelle Pauline du Palais apostolique à la chapelle Sixtine, lieu du vote, en chantant le Veni Creator. Ce vice camerlingue est actuellement Mgr Pier Luigi Celata, nommé par le pape Benoît XVI en juillet dernier. D’un point de vue liturgique, Benoît XVI octroie encore huit cérémoniaires au maître des célébrations liturgiques, contre deux prévus précédemment (article modifié n. 46 de UDG).

La protection du secret

La violation du secret du conclave est plus sévèrement puni : dans tous les cas, il s’agit maintenant de l’excommunication latae sententiae (n. 55, 3). Le serment de secret fait par toutes les personnes qui aideront les cardinaux dans leur vie « quotidienne » pendant le temps du conclave (service, technicien, etc.) a donc été revu et la modification les plus importante concerne la peine en cas de trahison du secret : l’ancien n. 48 prévoyait des « sanctions spirituelles et canoniques que le souverain pontife (estimerait) devoir adopter ». Benoît XVI établit aujourd’hui directement « l’excommunication latae sententiae » pour qui enfreindrait ce serment et ce secret. Le texte de ce serment, pour toutes les personnes extérieures au conclave mais aidant le Collège Cardinalice dans son organisation, est donc le suivant :

« Moi, N. N., je promets et je jure de garder le secret absolu, et à l’égard de quiconque ne fait pas partie du Collège des cardinaux électeurs, et cela perpétuellement, à moins que je n’en reçoive une faculté particulière expressément accordée par le nouveau pontife élu ou par ses successeurs, sur tout ce qui concerne directement ou indirectement les votes et les scrutins pour l’élection du souverain pontife.
 Je promets également et je jure de m’abstenir de me servir d’aucun instrument d’enregistrement, d’audition ou de vision de ce qui, pendant l’élection, se déroule dans le cadre de la Cité du Vatican, et particulièrement de ce qui a trait directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit, aux actes liés à l’élection elle-même.
 Je déclare faire ce serment en ayant conscience que l’enfreindre entraînerait mon excommunication latae sententiae sententiae réservée au Siège apostolique.
 Que Dieu m’y aide ainsi que ces saints Évangiles que je touche de ma main. »

Convocation

Enfin, la modification la plus importante concerne la date d’entrée en conclave car il y avait donc un doute d’interprétation : les cardinaux avaient-ils le droit d’avancer la date du conclave ?

En effet, si UDG n. 37 demandait d’attendre un délai de 15 jours, c’était pour laisser le temps aux cardinaux d’arriver à Rome. Or l’annonce de la renonciation à sa charge de Benoît XVI ayant été faite le 11 février, ces derniers ont largement eu le temps de prendre leur disposition pour être au Vatican dès le début de la vacance du Siège. La loi paraissait être stricte : « Les cardinaux électeurs présents (devaient) attendre les absents pendant quinze jours pleins. » Il n’y avait pas de doute possible et l’avancée de la date du conclave n’était pas envisagée légalement : ils pouvaient seulement « différer » de quelques jours plus tard.

Avec la nouvelle norme, Benoît XVI établit ce qui suit, au n. 37 :

« J’établis aussi que, à partir du moment où le Siège apostolique est légitimement vacant, on attendra les absents pendant quinze jours pleins avant d’entrer en conclave. Je laisse toutefois au Collège cardinalice la faculté d’anticiper l’entrée en conclave si tous les cardinaux électeurs sont présents ou, s’il y a des motifs graves, de renvoyer de quelques jours le commencement de l’élection. Mais, passés vingt jours au plus depuis le début de la vacance du siège, tous les cardinaux électeurs présents sont tenus de procéder à l’élection. » 

Et le n. 49, qui faisait référence aux 15 jours écoulés, a donc été lui aussi modifié.

Le pape clarifie donc ce doute et prévoit clairement la possibilité d’anticiper la date du conclave. Il faut cependant retenir les deux conditions : c’est d’abord une décision du collège cardinalice, selon les dispositions habituelles (cela ne change pas) ; et deuxièmement, le collège doit être certain que tous les cardinaux électeurs seront bien présents à la date fixée.

Benoît XVI a pris soin de ne laisser aucun doute sur la légitimité de l’élection de son successeur. S’il est vrai que la possible anticipation du conclave aurait pu semer un doute dans le cœur des cardinaux et de tous les fidèles, c’est bien la légitimité de l’élection elle-même qui aurait été remise en cause.

Benoît XVI sera donc bien souverain jusqu’à la fin ! Loin d’être indifférent à la vie de l’Église, le pape nous témoigne donc de sa constante préoccupation pour elle. Lui qui avait perçu, très tôt, que la barque de l’Église prenait l’eau (comme il l’avait dit, comme cardinal Ratzinger à l’époque, le Vendredi Saint dans son homélie pour l’office de la Passion, en 2005), il n’accepte pas, aujourd’hui comme pape, que la renonciation à sa charge soit un risque supplémentaire contre l’unité de l’Église. Une telle loi, à quelques jours de son départ, témoigne de la volonté de Benoît XVI de maintenir l’unité contre vents et marées.

C.B.
Cedric.burgun.eu

 

Sur ce sujet :
 Renonciation, pas démission. Vers le conclave

 

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