Nicolas Dupont-Aignan : « L’école doit être un sanctuaire »
Article rédigé par Laurent Ottavi, le 05 octobre 2012 Nicolas Dupont-Aignan

Le candidat à l’élection présidentielle de 2012, fondateur de Debout la République, député de l’Essonne et maire de Yerres, propose sa conception de l’école républicaine à libertepolitique.com.

En cette rentrée, on a beaucoup parlé des violences en milieu scolaire. Comment peut-on y mettre un terme ?

Les violences scolaires existent parce que les élèves ont intériorisé le fait qu’il n’y a jamais de sanctions. La circulaire Lang-Jospin qui date des années 1990 et a été reprise par tous les gouvernements dépossède le professeur de son autorité sur sa classe et dépossède le chef d’établissement de son autorité sur son établissement. A partir du moment où le professeur ne peut pas exclure l’élève de la classe et que le chef d’établissement ne peut pas exclure l’élève de l’établissement, la chaîne de dissuasion n’existe plus. Les fortes têtes - qui parfois deviennent de vrais voyous - terrorisent les professeurs et les autres élèves. Tant qu’on ne rétablira pas l’autorité du professeur sur sa classe, on n’en sortira pas. Donc il faut revoir les circulaires, il faut sortir les parents des instances d’arbitrage. C’est aux enseignants et aux chefs d’établissement d’être maîtres chez eux.

Pour remédier à ce problème, on propose aussi des cours de morale laïque. S’agit-il d’un pansement sur une jambe de bois ou ont-ils une réelle utilité ?

D’abord, il y a besoin de cours de morale dans l’enseignement public. La morale, ça a été un élément constitutif de l’école républicaine qui, d’ailleurs, est issue d’une ancienne morale religieuse. Mais il y a, d’un côté, la morale qui est utile - et encore faut-il voir comment elle est enseignée - et, de l’autre, il y a l’autorité toute simple. Le fait de ne pas avoir une loi de la jungle dans ces classes. De tous temps, la République a eu des cours de morale qui sont des principes de bon sens qui sont enseignés aux élèves.

Vous souhaitez renommer le ministère de l’Education nationale « le ministère de l’Instruction publique ». La logique, derrière ce changement de dénomination, c’est une rupture avec la conception de l’école comme un « lieu de vie » …

L’école doit être un sanctuaire et l’école doit être un lieu où on met hors d’état de nuire ceux qui perturbent la paix du sanctuaire. Donc il est évident que l’école est là pour apprendre, pour élever l’individu à travers le savoir. L’école est là pour que l’élève soit sorti de son milieu. Voilà pourquoi d’ailleurs je ne suis pas hostile à l’uniforme qui, pour moi, devrait être mis en œuvre sur la base du volontariat par établissement. De manière à ne pas l’imposer au niveau national mais qu’en revanche il soit fortement incité au niveau des établissements. Il faut comprendre que l’école est là pour protéger l’élève, la relation entre le maître et l’élève, qui n’est pas seulement une relation d’autorité, qui est une relation de partage de savoirs, de respect mutuel et d’aide de l’élève. Je pense que tout élève s’est souvenu d’une relation exemplaire avec un professeur qui lui a permis d’élever son savoir, d’éveiller sa culture, son intelligence. Tant qu’on ne permettra pas à cette relation entre le maître et l’élève de se passer dans le calme, on détruira la belle idée de l’école républicaine. 

Cette idée de sanctuarisation ne passe-t-elle pas aussi par une défense de l’école publique face au risque d’une libéralisation du système scolaire ?

Je suis totalement hostile à l’autonomie des chefs d’établissements qui est une fausse bonne idée. Je pense qu’on a la chance d’avoir un ministère national, que le problème de fond ce n’est pas qu’on ait un ministère d’éducation nationale. Le problème c’est que ce ministère n’est pas dirigé depuis 30 ans ou dirigé par des pédagogistes qui ont tout échoué. Donc que les pédagogistes soixante-huitards partent à la retraite le plus vite possible et que l’on puisse mettre en œuvre les principes de l’école républicaine, c'est-à-dire une école qui est unifiée sur l’ensemble du territoire, qui a le même programme sur l’ensemble du territoire mais qui se voit accorder des moyens différents selon les territoires, c'est-à-dire que dans les territoires déshérités il faut davantage de moyens. Il faut mettre en place un système de bourses méritocratiques pour remettre en marche l’ascenseur social. Il faut une école qui respecte les enseignements confessionnels selon la loi classique Debré. Ce qui est intolérable aujourd’hui, c’est de voir que les parents, souvent les plus modestes, n’ont qu’une idée en tête : faire sortir les enfants de l’école publique pour les mettre dans l’école privée. La concurrence est saine mais il y a un vrai malaise de l’école publique parce qu’on a renoncé à enseigner dans le calme et à élever le niveau général. 

Outre les pédagogistes, les gestionnaires sont aussi favorables à cette autonomie des établissements.

Bien sûr. Il y a une alliance objective des forces de la libre entreprise et des bobos de gauche pour démolir l’école publique. Ils veulent transformer le citoyen en consommateur donc, pour transformer le citoyen en consommateur, il faut décerveler les enfants et il faut professionnaliser l’enseignement et l’autonomiser. Moi, je veux tout l’inverse. Je pense qu’il faut un enseignement de culture générale minimum qui arme les élèves, qui leur permette d’être de vrais citoyens, de comprendre les textes qu’ils lisent, de se voir éveiller aux humanités. Et puis, ensuite, ils pourront ajouter des voies professionnelles. Mais on ne peut pas plaquer des voies professionnelles sur une absence de culture générale minimum. Savoir lire, écrire, compter, connaître les grands auteurs, connaître l’Histoire de son pays, connaître la géographie et, après, on peut professionnaliser. Voilà pourquoi une des mesures que je propose, fondamentale, c’est l’augmentation du nombre d’heures de français pour revenir aux horaires de 1969 qui étaient de 15 heures par semaine en primaire. Nous sommes passés à 9 heures donc on a quasiment divisé par deux le nombre d’heures de français, et on a pris une mauvaise méthode, la méthode globale. Il ne faut pas s’étonner que le niveau soit désastreux donc il faut reprendre l’enseignement correct de la langue française.

Quelle est votre position sur le collège unique ? 

Je ne suis pas de ceux qui veulent casser le collège unique parce que si on casse le collège unique trop fortement il y a le danger de revenir à des voies professionnalisantes trop jeunes. Je suis pour qu’on ait un collège unique avec des voies différenciées à l’intérieur. Ça veut dire quoi ? Je suis pour un examen de sanction du socle de connaissances  –pas du socle actuel – à la fin de la cinquième. Je ne suis pas favorable au rétablissement du certificat d’études en fin de primaire. Je pense qu’il faut donner deux ans en plus. A la fin de cinquième tous les enfants devraient avoir un niveau acceptable d’écriture, de calcul, d’histoire, de manière à pouvoir ensuite ouvrir des voies professionnalisantes à partir de la quatrième pour l’apprentissage. Donc, pour moi, il y a un collège totalement unique jusqu’à la fin de la cinquième et après il y a un collège différencié après la cinquième.  

Propos recueillis par Laurent Ottavi.