Article rédigé par Laurent Ottavi, le 05 octobre 2012
Après son analyse du pacte budgétaire, Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes 1 et vice-présidente de l’Association française de droit constitutionnel, nous explique les raisons de son opposition au mariage homosexuel.
La légalisation du mariage homosexuel, de l'euthanasie ... Ce sont autant de sujets de type libéral-libertaire qui reviennent sur la scène médiatique et politique. N’est-ce-pas le signe de l'effondrement d'une société où les repères et la transmission existaient ?
C’est ce que le doyen Jean Carbonnier, civiliste et sociologue du droit, appelait « la pulvérisation du droit objectif en droits subjectifs », c’est-à-dire que l’on ne raisonne plus en termes d’intérêt général à long terme et de cohésion de la société, mais en termes de droits particuliers immédiats d’individus et de groupes. Ceux-ci présentent tous leurs caprices et exigences tyranniques sous forme de « droits » illimités et ne supportent plus qu’on leur oppose la moindre borne, exactement comme des enfants. C’est sans doute la forme la plus sophistiquée de l’incivisme et le symptôme de l’immaturité de l’homme contemporain qui annonce peut-être la chute de la civilisation occidentale.
Vous avez déclaré que le mariage est l'institutionnalisation « d’un lien naturel et charnel - avec l’intérêt social qui en découle » entre un homme et une femme. Mais il existe des couples hétérosexuels avec enfants qui ne sont pas mariés et inversement …
Le mariage a été créé en droit religieux comme en droit laïc pour sceller et protéger un accouplement c’est-à-dire l’union sexuelle d’un homme et d’une femme. Il ne se conçoit pas autrement, c’est sa définition même. L’idée de marier deux hommes ou deux femmes est une pure aberration. Les Grecs et les Romains n’étaient pas homophobes mais vous ne trouverez évidemment pas de trace de « mariage homosexuel » en droit romain, cette notion n’a pas de sens.
Pour autant, l'ouverture du mariage et de l’adoption aux couples homosexuels constituerait-t-elle une boîte de Pandore comme on l'entend beaucoup ? Le risque de mariage à plusieurs, par exemple, est-il sérieux ?
L’effet « boîte de Pandore » se trouve dans le raisonnement logique utilisé par le lobby homosexuel lui-même. Celui-ci affirme d’abord « puisque deux femmes ou deux hommes s’aiment ils doivent pouvoir se marier ». On voit bien que cet argument de l’amour est de nature à faire tomber tous les interdits et notamment, évidemment, celui de la polygamie, que certains tenants du multiculturalisme soutiennent. Si un musulman vivant en France aime trois femmes qui l’aiment aussi, au nom de quoi va-t-on lui opposer le refus de les épouser toutes les trois si l’on a accepté de marier deux hommes ou deux femmes au nom de l’amour ? L’obstacle à la polygamie en France est d’ordre simplement culturel et donc finalement moins insurmontable que l’obstacle au mariage de deux individus de même sexe qui est d’ordre naturel, rationnel et universel. Ensuite, le lobby homosexuel invoque aussi le principe de non-discrimination. Mais il est évident que les citoyens français qui adhérent à des cultures ou religions polygames peuvent également soulever le même argument et ils ne se privent d’ailleurs pas de le faire dans les pays les plus ouverts au multiculturalisme notamment au Canada et en Grande-Bretagne. Si vous faites sauter la digue de l’altérité sexuelle qui est la plus essentielle et fondamentale les autres ne tiennent plus.
Pourquoi se référer à la loi naturelle ? La culture ne permet-elle pas aussi l’émancipation de l'homme ?
Il ne s’agit pas de loi naturelle il s’agit de « fait » et de « science » naturelle. Si vous examinez deux planches d’anatomie vous voyez bien que le corps de l’homme a été fait pour s’encastrer dans celui de la femme et que ce sont en quelque sorte les deux parties d’un tout. Deux hommes et deux femmes n’ont de toute évidence pas été conçus pour cela. Et c’est « cela », c’est-à-dire cet accouplement, qui s’appelle juridiquement le mariage. C’est ce que l’on appelle en droit la qualification juridique d’un fait. Si, sous la pression d’un lobby tyrannique, l’on se met à écrire dans le Code civil que deux hommes ou deux femmes peuvent se marier on va écrire un faux, une contre-vérité scientifique, exactement comme si l’on inscrivait dans la Constitution que la terre est plate. Drôle de « progrès » !
Vous citez régulièrement une phrase de Philippe Murray : entre "communisme" et "communautarisme" il n'y a que quelques lettres, disait-il...
Ce qu’observait Murray, c’est le comportement stalinien des minorités militantes, leur façon totalitaire de vouloir éradiquer toute expression d’une pensée dissidente qualifiée de « phobie » par une répression pénale systématique. Il avait forgé les fameuses expressions de « cage aux phobes » et « envie du pénal » qui correspondent si bien aux militants homosexuels qui pourchassent tout adversaire de leur cause au point que François Devoucoux du Buysson leur avait aussi consacré un livre intitulé « Les Khmers roses » (Editions Blanche, 2003). Mais dans la bonne tradition totalitaire, on ne se contente pas de réprimer, on commence par l’éducation dès le plus jeune âge, d’où le prosélytisme pratiqué désormais dès le primaire et bientôt à la crèche où l’on apprend maintenant aux petits garçons à jouer à la poupée avec la bénédiction attendrie de nos ministres !
Propos recueillis par Laurent Ottavi