Article rédigé par Philippe Oswald, le 24 août 2012
Quand nos descendants liront l’histoire du XXIe siècle, ou du moins de ses premières décennies, ils éprouveront sans doute le même effarement qui nous a saisis au collège quand nous avons été instruits du sort des enfants dans la Grèce et la Rome antiques. Avant d’être humanisés par la révolution judéo-chrétienne, ces berceaux de notre civilisation se montrèrent en effet de la dernière cruauté envers l’enfant dont la vie ou la mort dépendait finalement du « projet parental » de son père : légitimé, il avait le droit de vivre et d’être éduqué ; non reconnu, il pouvait être purement et simplement étouffé ou « exposé » sur la voie publique, à la merci des chiens. Cette pratique barbare eut cours à des degrés divers jusqu’au IVe siècle où l’Empire, devenu chrétien, la proscrivit absolument.
En faisant peser sur le sort de l’enfant nos désirs, nos peurs, nos fantasmes ou nos caprices d’adultes, nous ne sommes pas très loin de cette barbarie. Oh, certes, nous n’exposons pas certains nouveaux-nés aux dents des bêtes, mais nous en éliminons infiniment plus dans les centres aseptisés d’avortement (un pour quatre naissances, au moins) et ailleurs. Ceux qui sont jugés dignes de vivre parce que conformes à notre « projet parental » ne sont pas pour autant assurés de trouver dans une famille la sécurité et la stabilité nécessaires à une croissance physique et affective harmonieuse. La désaffection pour le mariage, sa fragilité croissante, l’explosion des unions dites « libres » et des familles « monoparentales » réduisent d’année en année les chances pour un enfant d’être élevé par son père et sa mère jusqu’à son entrée dans l’âge adulte. Ce qui accroît évidemment les risques de troubles du comportement que connaissent bien les éducateurs, et a fortiori les psychologues et les psychiatres qui ne sont plus légion à défendre le mythe du divorce heureux.
Mais cette fragilisation reconnue des familles et leurs innombrables conséquences sociales -la plus évidente étant la pauvreté pour la quasi-totalité des familles monoparentales- n’empêche pas la machine libertaire de continuer sa marche inexorable puisque c’est la toute-puissance de l’Etat qui la conduit. En se préparant à légaliser le « mariage » homosexuel, le gouvernement consent à la pire des injustices : priver des enfants de ce repère essentiel qu’est l’altérité sexuelle de ses parents naturels ou adoptifs. Il encourage aussi l’effarante exploitation commerciale des mères porteuses, digne des temps de l’esclavage. Il poursuit tête baissée la course à la déshumanisation puisque l’humanité ne peut exister, se perpétuer ni se concevoir sans cette différence inscrite à l’intime de tout être humain : la masculinité et la féminité.
Les conséquences d’une telle dérive sont à la fois prévisibles par leurs effets déstructurants et incalculables par leur ampleur. Il en va de même pour la légalisation de l’euthanasie, autre boîte de Pandore d’où ne peut sortir qu’un monstre arriéré : celui du mépris pour la vie humaine caractéristique du paganisme. Les effets seront même pires que ceux de jadis puisque selon le mot de Chesterton, « c’est un signe des temps que l’art d’être païen avec naturel se soit perdu chez nous depuis deux mille ans » (il suffit d’assister au triste défilé d’une « gay pride » pour s’en convaincre). Une société « postchrétienne » ne parvient pas à oublier totalement qu’elle fut chrétienne : d’où l’agressivité de son paganisme contre tout ce qui porte le signe de la Croix.
Dans ces conditions, me direz-vous, à quoi bon prendre des coups ? Le combat n’est-il pas perdu d’avance ? C’est possible, probable même à court terme. Mais comment pourrions-nous nous taire et nous résigner devant ce gâchis programmé ? D’ailleurs les premiers chrétiens non plus n’avaient aucune chance, beaucoup moins que nous, à vrai dire, trop oublieux du chemin parcouru par le christianisme, première religion du monde ! Et pourtant la victoire est venue au temps fixé par Dieu.