Article rédigé par François Martin, le 13 juillet 2012
Nos lecteurs, ainsi que la plupart des Français, sont partis en vacances ou s’y préparent. Il sera bon qu’ils y prennent du plaisir et des forces car, nous le voyons déjà, la rentrée ne sera pas facile. Voici un échantillon de ce qui les attend.
Concernant l’Europe, comme on pouvait s’y attendre, dès le sommet européen terminé, avec le succès relatif que l’on sait [1], Angela Merkel exige la livraison de la seconde partie, la ratification par la France du Traité Européen, le pacte de discipline budgétaire. Empêtrée dans ses contradictions électorales, la gauche ne peut plus reculer, alors que ses alliés du Front de Gauche veulent un référendum, que les Verts sont en embuscade, prêts à marchander leur soutien contre la fermeture de quelques centrales supplémentaires, et que la droite propose même de les aider à ratifier le Traité par la voie constitutionnelle, le baiser de Judas, en quelque sorte [2].
A propos du pouvoir d’achat, alors qu’elle n’avait cessé d’accuser l’ancien président d’être le « président des riches », qui épargnait les hauts revenus et faisait payer les pauvres et les classes moyennes, la gauche, piégée par le récent rapport de la Cour des Comptes, qui lui détaille opportunément l’ampleur de la tâche, semble découvrir tout à coup l’impossibilité d’équilibrer ses comptes publics en 2013. Comme l’avait bien pronostiqué François de Lacoste Lareymondie [3], elle va devoir se renier. Elle va se résoudre, à son corps défendant, à augmenter sérieusement la CSG [4], (et peut-être même la TVA !), et donc à taxer rudement les dites classes moyennes, celles justement qu’elle disait vouloir défendre.
Pour l’emploi, le gouvernement ne semble capable ni d’endiguer la vague de licenciements qui sévit en ce moment dans les entreprises [5], ni de proposer des solutions viables pour les jeunes, sa cible électorale préférée, ni de « sécuriser les parcours professionnels ». Si le gouvernement fait de l’emploi sa priorité pour l’automne [6], comment parviendra-t-il à traiter le problème s’il le prend à l’envers ? Dans un monde ouvert, il n’a pas les moyens d’empêcher les entreprises de licencier, de délocaliser ou même de fermer. Nous ne sommes pas en URSS, l’emploi ne se décrète pas, il ne se crée pas sur l’ordre de l’Etat. Il est le fruit d’entreprises saines, dynamiques et compétitives, celles justement que le gouvernement fustige pour faire plaisir aux mécontents et « charge » autant qu’il le peut pour tenter de se refaire. A l’évidence, la grande conférence sociale accouchera d’une souris et, dès la rentrée, les forces syndicales exigeront ce que le gouvernement leur a vendu et ne peut pas leur livrer…
Pour ce qui est des fonctionnaires, le tableau n’est guère plus plaisant [7]. Ils avaient pourtant été choyés par l’équipe précédente. Malgré la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, Nicolas Sarkozy s’était bien gardé d’ouvrir le grand chantier, promis pendant sa campagne, sur les missions et le périmètre de l’Etat. Bien au contraire, il avait tenté de s’en faire des alliés. Les syndicats malgré tout n’ont eu pour lui aucune reconnaissance, croyant naïvement que les « épousailles affectives » entre la gauche et les fonctionnaires leur garantiraient quelques avantages. Bien mal leur en a pris. En une semaine, ils ont appris que deux départs en retraite sur trois ne seraient pas remplacés dans les missions «non prioritaires» de l'État, que les augmentations catégorielles de salaire seraient divisées par deux, qu'ils pouvaient faire une croix sur une hausse générale cette année. Encore la Cour des comptes juge-t-elle ces efforts insuffisants. Bref, «un grand moment de rigueur» à venir, comme l’a dit Marylise Lebranchu. En fait d’épousailles, c’est plutôt la lune de fiel…
Et même pour ce qui concerne la taxation à 75% des hauts revenus, dont le candidat Hollande avait pourtant fait l’une de ses mesures phares, le gouvernement est embarrassé. Comment en effet taxer les « grands patrons », archétypes sans doute des « mauvais riches », et pas les sportifs, artistes, comédiens et autres stars du show biz et des médias, souvent tout aussi argentés, mais « bons riches », puisqu’en général amis de la gauche ? Les contorsions de la « gauche caviar » n’échappent à personne.
Tant de déçus en si peu de temps ! Tous ceux qui ont cru aux promesses et se sentent trahis (ils se sont trahis eux-mêmes en vérité) vont exprimer leur colère à l’unisson, à la rentrée. Le gouvernement cherchera bien quelques gadgets, effets de manches ou échappatoires, mais combien de temps ? Il n’a aucune marge de manœuvre.
Profitons de l’été car, pendant que le temps court, la réalité nous rattrape. Cherchons bien, entre les nuées et les gouttes, quelques rayons de soleil, et savourons-les du mieux possible. Là-bas, au-dessus de la mer, à l’horizon, une grosse barre de nuages noirs s’amoncelle. La prochaine dépression se forme, elle grandit, elle arrive. Encore un peu de temps, un peu de vent, et elle sera sur nous. Nous le savions, puisque nous avons voté pour qu’elle soit créée. Il reste quelques semaines avant la tempête. Bonnes vacances !
François Martin
[1] Succès dont François Hollande a bien su s’attribuer la paternité, alors que nous pensons, nous, que c’est plutôt la chancelière allemande qui l’a « piégé », en faisant semblant de se faire arracher ce qu’elle lui aurait de toute façon donné, et en le mettant ainsi dans l’obligation de lui donner la contrepartie qu’elle souhaite. Cf http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Couple-franco-allemand-2-2-Reflexions-d-un-chef-de-cordee
[2] Cf. http://www.lefigaro.fr/politique/2012/07/10/01002-20120710ARTFIG00550-traite-europeen-la-gauche-traine-les-pieds.php
[3] “Je suis donc prêt à prendre le pari que la TVA et la CSG seront à nouveau sollicitées pour boucher les trous ». Cf http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Rigueur-Vous-avez-dit-rigueur
[4] Cf http://www.lefigaro.fr/impots/2012/07/11/05003-20120711ARTFIG00237-l-etat-viserait-une-hausse-de-2-a-4-points-de-la-csg.php
[5] Le chômage explose, et l’annonce de fermeture du site d’Aulnay par PSA est un vrai coup de tonnerre. Cf http://www.lefigaro.fr/politique/2012/07/12/01002-20120712ARTFIG00630-le-gouvernement-sonne-par-le-plan-social-de-psa.php
[6] Cf http://www.lefigaro.fr/social/2012/07/10/09010-20120710ARTFIG00596-ayrault-detaille-un-agenda-social-bien-rempli.php
[7] Cf http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2012/07/05/20002-20120705ARTFIG00821-les-fonctionnaires-face-au-choc-de-la-rigueur.php