Article rédigé par Pierre-Olivier Arduin, le 06 juillet 2012
Dimanche 6 mai, place de la Bastille, il n’y avait pas que des drapeaux étrangers pour fêter la victoire de François Hollande, on y a vu aussi des étendards arc-en-ciel brandis pour acclamer l’élection du premier président de la République favorable au mariage gay. Afin de respecter la mesure 31 de son programme, Jean-Marc Ayrault s’est engagé le 3 juillet à ce que les couples homosexuels puissent avant un an échanger leurs consentements devant monsieur le maire et accéder à la « parentalité » au travers de la reconnaissance de la capacité juridique à adopter des enfants.
« Au premier trimestre 2013, a confirmé cette semaine le Premier ministre dans son discours de politique générale à l'Assemblée nationale, le droit au mariage et à l'adoption sera ouvert à tous les couples sans discriminations ».
Le projet socialiste trouve un écho particulier sur le plan international. La contagion de la légalisation des unions homosexuelles par effet domino à toute l’Europe est un danger qu’il ne faut pas sous-estimer car la France est considérée « à la fois comme un verrou et pays test (…) : sa chute préparerait sans doute la voie à une généralisation du mariage ouvert aux gays dans la plupart des pays de l’Union [1]». En sens inverse, la récente déclaration du président Obama se disant à titre personnel pour le mariage homosexuel – en refusant cependant que ce sujet soit du ressort de l’Etat fédéral – a été interprétée par la plupart des médias hexagonaux comme un soutien symbolique à la décision des socialistes. C’est oublier un peu vite que le propos du locataire de la Maison blanche vise d’abord à reconquérir un électorat « libéral » et à ménager ses soutiens dans la communauté gay (parmi les dons de plus de 500 000 dollars pour la campagne électorale d’Obama, un sur six provient d’un homosexuel)[2]. C’est surtout oublier que 30 Etats américains sur 50 ont déjà voté des amendements constitutionnels interdisant le mariage gay (contre 6 l’autorisant) et qu’ « à chaque fois que la question a été posée par référendum, même en Californie, cette ouverture au mariage a été refusée [3]».
Filiation asexuée
Quoi qu’il en soit, c’est au pas de charge que le « droit au mariage avec filiation pour toutes les familles » fera l’objet d’un projet de loi défendu au Parlement dès la rentrée par le gouvernement socialiste après passage devant le Conseil national de l’adoption et le Conseil d’Etat[4]. C’est un chamboulement juridique considérable du droit de la famille qui se prépare puisqu’il faudra s’attaquer à la réécriture du Code civil. D’abord en y inscrivant une nouvelle définition de la famille fondée sur la seule volonté des « contractants » et non plus sur l’altérité sexuelle, puis en gommant du chapitre sur la filiation toutes les dispositions renvoyant à la différence homme-femme (présomption de paternité, action en recherche de maternité,…). Ce qui revient pour le professeur de droit Jean Hauser à « établir un système de filiation asexuée qui ne reposera plus sur la biologie mais sur la décision des individus [5]». Rien de plus logique puisque sont justement absents d’une « union » homosexuelle les éléments biologiques et anthropologiques qui appartiennent à la nature même du mariage et à la famille sur lequel elle est fondée. Il n’y a qu’un homme et une femme qui peuvent objectivement se marier, concevoir, adopter et éduquer des enfants.
Privé de la paternité et de la maternité
C’est également parce que l’absence de bipolarité sexuelle rend par définition impossible toute transmission de la vie que la gauche a prévu un droit à l’adoption pour tous les couples comme l’a également confirmé le Premier ministre. Les enfants orphelins qui souffrent déjà de la séparation d’avec leurs parents biologiques pourront ainsi être victimes d’une seconde injustice, cette fois-ci délibérée, en étant privés par la puissance publique de l’expérience de la paternité ou de la maternité. Le scandale de cette situation est d’autant plus grave que pour ne pas froisser les Etats qui s’y opposent, l’adoption par les couples homosexuels ne concernera que les enfants « nationaux » pour lesquels la liste des foyers français en attente ne cesse de s’allonger : ce qui signifie que deux hommes ou deux femmes seront susceptibles de prendre la place d’une famille qui aurait pu offrir à l’enfant les deux figures paternelle et maternelle dont on sait aujourd’hui l’importance pour la structuration de son identité personnelle. Il n’est pas non plus impossible que plusieurs pays ne prennent des sanctions contre la France en interrompant les procédures de l’adoption internationale, ce qui conduirait à diminuer drastiquement les possibilités d’adopter pour les familles françaises.
Feuille de route non confessionnelle
Enfin, une fois l’égalité d’adoption reconnue pour tous les types de « relations », la loi de bioéthique du 7 juillet 2011 devra être révisée au nom du sacro-saint principe de « non discrimination » pour abroger le cadre de l’assistance médicale à la procréation qui la réserve actuellement à un homme et une femme. Le don de sperme deviendra rapidement le support technique du « projet parental » des femmes homosexuelles. Le pendant théorique consisterait à autoriser aux hommes homosexuels l’accès au don d’ovules et aux mères porteuses.
Dans les débats qui viennent, il ne s’agit pas pour les catholiques de se placer avant tout sur le terrain anthropologique et éthique comme nous y invite un texte essentiel que l’Eglise a publié en 2003 sous la houlette du cardinal Ratzinger [6]. Ce document qui se présente comme un « argumentaire rationnel contre la reconnaissance juridique des unions homosexuelles » est une feuille de route susceptible d’unir les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté autour de la défense du mariage, fondement et bien commun de la société, principe universel et repère essentiel de l’humanité.
Photo : Drapeau LGBT à la marche des fiertés de Toulouse (2011) © Wikimedia Commons / Léna
[1] Bernadette Sauvaget, « Les cathos sur la voie du veto », Libération, 11 mai 2012.
[2] Laure Mandeville, « Union homosexuelle : le pari d’Obama », Le Figaro, 11 mai 2012.
[3] Lorraine Millot, « Hollande et Obama élisent le mariage gay », Libération, 11 mai 2012.
[4] Florence Deguen, « Le mariage gay, c’est pour 2013 », Le Parisien, 29 juin 2012.
[5] Laurence Neuer, « Faut-il légaliser le mariage homosexuel ? », Le Point, 24 avril 2012.
[6] Congrégation pour la doctrine de la foi, Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles, 3 juin 2003.