Discrimination antichrétienne au Royaume-Uni
Article rédigé par Roland Hureaux, le 29 juin 2012 Union Jack

Ceux qui vont répétant que l’héritage laïc propre à la France y serait un handicap particulier pour la religion chrétienne feraient bien de méditer ce qui est en train de se passer  au Royaume-Uni  en matière de liberté religieuse.

Nadia Eweida, une chrétienne copte salariée de British Airways, avait été licenciée  en 2006 pour avoir refusé d’enlever la petite croix qui, selon ses employeurs, ne correspondait pas à l’uniforme réglementaire de la compagnie. Mme Chaplin, une femme originaire d’Exeter, s’était vue interdire, quant à elle, le droit de travailler comme  infirmière dans un établissement hospitalier public  pour  avoir refusé de cacher la croix qu’elle portait au bout d’une chaînette. Cette décision eut  pour effet de mettre fin à sa carrière longue de 31 ans.

Déboutées par  les tribunaux du Royaume-Uni, devant lesquels les employeurs avaient reçu l’appui de la Ligue nationale  laïque(National secular society),  les deux femmes ont porté le litige devant la Cour de Strasbourg en se fondant sur les dispositions de l’article 9 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, selon lesquelles : « Tout un chacun jouit de la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit inclut la liberté de changer sa religion ou sa croyance, et la liberté de manifester, seul ou en commun avec d’autres en public ou en privé, de manifester sa religion ou sa croyance, dans le culte, l’enseignement, la pratique et l’observation. »

Loin de rester neutre, le gouvernement britannique défend la position des employeurs devant la Cour européenne. Il excipe du fait que le port d’une croix n’est pas obligatoire dans la religion chrétienne.  Il y a environ trente-cinq ans, les chauffeurs sikhs des autobus de Londres avaient obtenu, eux, le droit de porter le turban en lieu et place de la casquette réglementaire parce que  pour un sikh, le turban et la barbe sont obligatoires. De même le voile pour certaines musulmanes.

On voit cependant combien cette position est fragile : elle donne le sentiment qu’au Royaume-Uni, l’expression de toutes les religions  est permise sauf celle de  la religion chrétienne. 

Le Royaume–Uni ? Officiellement une monarchie de droit  divin où la religion catholique (les anglicans se disent catholiques) est religion d’Etat ! Le titre officiel d’Elisabeth II est « par la grâce de Dieu, reine du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et de ses autres royaumes et territoires, chef du Commonwealth, défenseur de la foi »

Quelque Mélenchon serait-il au pouvoir outre-Manche ? Point du tout : le gouvernement dont il s’agit est  dirigé par David Cameron, chef du parti conservateur, le parti des traditions britanniques.

L’Europe a mal à ses racines chrétiennes

On voit toute la différence avec la République d’Italie : dans celle-ci, l’Etat était aussi récemment partie à une instance devant la Cour européenne des droits de l’homme mais c’était pour  défendre les crucifix dans les lieux publics, pas pour les interdire aux personnes privées.

Le même gouvernement britannique conservateur se propose de rendre légal prochainement le mariage homosexuel. Comme en France, un partenariat civil existe : une employée de  la Ville de Londres a perdu récemment son emploi pour avoir refusé de l’organiser.

Que les conservateurs aient formé une coalition avec les libéraux-démocrates qui défendent les thèses libertaires ne saurait constituer une excuse. Pas davantage, le fait que les évêques anglicans et catholiques aient protesté contre le gouvernement ou que British Airways ait assoupli son règlement pour pouvoir réintégrer Nadia Eweida (mais sans compenser les deux années de salaire qu’elle a perdues) ne saurait tenir lieu de consolation.

Le statut officiel des Etats n’y fait rien : c’est toute l’Europe  qui a mal à  ses racines chrétiennes. Au moins l’Europe occidentale, car  les pays de l’Est et la Russie, sortant de dizaines d’années de persécutions communistes, se refusent à suivre la même direction : ils ne reconnaissent que trop bien un air de familiarité entre ce qui se passe à l’Ouest aujourd’hui et ce qui se passait chez eux  hier.  

 

Photo : © Wikimedia Commons / Jonathunder