Article rédigé par Chérif Amir, le 29 juin 2012
A la suite des articles de François Martin « Egypte : un changement pour que rien ne change ? » et « Egypte : rien ne changera, ou pas comme on le pense », nous publions un document écrit par Chérif Amir, jeune égyptien copte, docteur en géopolitique du Moyen-Orient et spécialiste du monde arabe. Sa thèse ? Le résultat de la présidentielle égyptienne aurait dû être l’élection du candidat de l’armée, et non celle de candidat des Frères Musulmans. Les thèses du type « théorie du complot » fourmillent, nous pourrions en publier plusieurs chaque semaine. Pourquoi publions-nous celle de Mr Amir ? D’abord, ses références parlent pour lui, et plaident pour un travail sérieux et documenté, à l’instar de son travail de thèse. Ensuite, il ne s’agit pas d’une « théorie du complot », mais, selon lui, d’une pression mise de l’extérieur, par les USA en l’occurrence, pour faire basculer une situation floue dans un sens qui sert les intérêts de Barack Obama, dans la perspective de la future présidentielle américaine (paix sociale à court terme, preuve d’un « processus démocratique »). Cela paraît plausible, chacun en jugera. Pour notre part, nous tâcherons, dans les semaines qui viennent, d’obtenir de Mr Amir des preuves plus détaillées à l’appui de son propos, pour continuer à développer, si possible, cet intéressant débat.
Liberté Politique
Selon le récit biblique, l’Egypte à l’époque des pharaons a été frappée par dix plaies par le Créateur. Actuellement, au XXIe siècle il est de plus en plus clair, que la série des plaies qui a frappé l’Egypte n’est pas encore terminée, mais cette fois-ci c’est il s’agit d’une plaie frappée par les Etats-Unis et non-pas par Dieu et de même il ne s’agit pas des mouches et des sauterelles mais des Frères Musulmans, l’effet est le même.
Le deuxième tour des élections présidentielles égyptiennes ont eu lieu le 16 et le 17 juin 2012, les résultats devaient être annoncés le 20 juin. Le 18 juin à 4 h30 du matin, les Ikhwan[1] ont déclaré leur candidat Mohamed Morsi président de la république !!! Cette réaction des Frères Musulmans préalable aux comptes des votes et à la diffusion officielle des résultats, était un indice de l’incertitude des Frères Musulmans de leur performance durant les élections. Si les Frères Musulmans étaient certains de leur victoire, ils auraient attendu le jour « J » désigné par le comité national des élections pour diffuser les résultats officiels.
En revanche, la campagne du candidat libéral anti-fanatisme et anti-islamisme, le Général Ahmed Shafik a constaté plusieurs violations et des multiples fraudes de la part des Frères Musulmans, par conséquence ses avocats ont déposé plainte auprès du comité national des élections présidentielles en apportant les preuves de ces violations.
Les falsifications des votes et la terreur pratiquées par les Frères Musulmans
Les enquêtes de la police judiciaire ont conclu qu’effectivement il y a eu :
1. Des infiltrations des agents des Frères Musulmans au sein de l’imprimerie nationale au Caire qui s’occupait de l’impression des bulletins de vote destinés aux bureaux électoraux partout en Egypte. La découverte était choquante, puisque deux fonctionnaires de l’imprimerie ont avoué qu’ils ont été payés par le numéro deux des Ikhwan, l’homme d’affaires Khayrat El Shater pour falsifier deux millions de bulletins de votes en programmant l’imprimerie à cocher la case du candidat des Frères Musulmans.
Les codes numériques de ces bulletins ont été communiqués à la police et ont été détectés partout en Egypte. Les bulletins ont été infiltrés par la suite au sein des bureaux des votes et durant les comptes certains agents étaient présents et ont pu manipuler les juges qui surveillent le vote en insérant certains de ces bulletins.
2. Des menaces directes contre les Coptes dans certains villages au Sud de l’Egypte précisément dans le village de Deir Abou Hennes au gouvernorat d’Al Menia. Ces électeurs ont été interdits de mettre le pied dans un bureau de vote ou même quitter leurs maisons pour aller voter. Les plaintes ont été déposées par les victimes auprès des commissariats locaux et les méthodes utilisées par les Frères Musulmans variaient entre les menaces par les armes blanches, les menaces d’enlèvement ou les menaces d’incendier les maisons des Coptes.
3. Des menaces crédibles ont été répandues par les membres emblématiques des Frères Musulmans selon lesquelles une victoire du Général Shafik, provoquerait des bains de sangs dans les rues de l’Egypte et aucun citoyen ne vivrait en sécurité dès le moment la défaite des Frères Musulmans serait déclarée. Ces menaces étaient crédibles puisque les Ikhwan détiennent en vérité des milices armés et ils ont massé leurs fidèles à la Place Tahrir pour exercer la pression sur les militaires.
La campagne du Général Shafik a confirmé que la police judiciaire a pris en compte ces violations et détient les preuves nécessaires à bouleverser les donnés annoncées par les Frères Musulmans qui donnaient leur candidat Mohamed Morsi vainquant avec un pourcentage de 51,7% contre 47,8 pour le candidat libéral Shafik.
Jusqu’à la veille de cette journée des annonces des résultats, c'est-à-dire le la veille du 24 juin, les chiffres des recomptes étaient en faveur du Général Shafik et la panique s’infiltrait rapidement au-sein des Frères Musulmans.
Chaque heure passait, la défaite des Frères Musulmans se confirmait de plus en plus, leurs déclarations mensongères se dévoilaient rapidement pour le peuple égyptien.
Il est opportun de signaler que le total des égyptiens qui ont le droit de vote est de 50 millions d’électeurs, une portion importante de ces électeurs a décidé de s’abstenir de voter ou invalider leurs votes. Selon ces électeurs qui représentent 800,000 votes (huit-cent milles), le choix entre un des Frères Musulmans et un ancien militaire était contre leurs aspirations politiques. Ces chiffres seront évoqués en détails à la fin de cet article pour prouver que le candidat des Frères Musulmans n’a pas obtenu la majorité des votes comme le prétendent les médias occidentaux et l’administration américaine.
La pression américaine et occidentale en faveur des Frères Musulmans :
Le conseil suprême des forces armées égyptiennes devaient faire face à la pression exercée par l’administration américaine, qui déclarait ouvertement dès le premier tour des élections son soutient politique et financier des Frères Musulmans.
Dès le premier tour des élections, une délégation d’observateurs américains présidée par l’ancien président américain Jimmy Carter a été dépêchée au Caire pour soi-disant « surveiller » le déroulement des élections égyptiennes. L’ambassadrice américaine au Caire, Ann Patterson a fait le tour de certains bureaux de votes au Caire !!! Jimmy Carter s’est réunit à plusieurs reprises avec Khayrat El Shater -le numéro 2 du mouvement des Frères Musulmans- qui est le véritable homme fort des Ikhwan qui détient la fortune et les milices paramilitaires des du mouvement. Carter ne s’est pas réunit avec le candidat Shafik lors de sa visite !
De son côté, la secrétaire d’Etat américain, Hillary Clinton ne cessait pas d’interrompre l’opération de recompte des votes en Egypte, à travers ses déclarations continuent qui dictent au conseil suprême des forces armées égyptiennes à livrer immédiatement le pouvoir au candidat élu. Sachant qu’il n’y avait pas encore une déclaration officielle de la part de l’Etat égyptien des résultats, sauf la déclaration unilatérale des Frères Musulmans à laquelle Clinton faisait référence. De même, 48 heures avant que les juges déclarent leur décision suite à l’examen des plaintes déposées auprès d’eux, l’ambassadeur allemand au Caire s’est réunit à huis-clos avec l’un des juges qui devait trancher sur la véracité des plaintes.
Le soir du samedi 23 juin 2012, des centaines des milliers partisans de l’Etat laïc et libéral, se sont rendus dans les rues du quartier d’Héliopolis au Caire pour manifester leur soutien au candidat anti-Frères Musulmans, le Général Shafik et dénoncer l’ingérence américaine dans la politique intérieure égyptienne et la pression exercée par Hillary Clinton et l’ambassadrice américaine sur l’armée pour livrer l’Egypte aux griffes des Frères Musulmans.
Le sentiment et les nouvelles qui circulaient en Egypte prédisaient Ahmed Shafik président avec un pourcentage de 51,0 7% des votes. Les Frères Musulmans de leur côté, sentaient la défaite s’approcher de leur camp alors ils ont semé la terreur dans les villes en menaçant d’exécuter des opérations de sabotages et des vengeances contre les Coptes et les musulmans libéraux qui ont voté pour leur adversaire.
Le dimanche 24 juin 2012, toute l’Egypte était paralysée et attendait à 15h00 -heure locale du Caire- une conférence de presse qui devait se tenir et durant lequel les juges devaient déclarer leur décision sur les plaintes et le président élu.
Des heures avant cette conférence de presse historique, les premiers signes de la victoire du Général Shafik contre le candidat des Ikhwan Mohamed Morsi, ont été manifestés par les déploiements des brigades de la garde républicaine. Les nouvelles ont été répandues et confirmées que des brigades de la garde républicaine égyptienne ainsi que les forces spéciales ont reçu les ordres de se déployer autour de la résidence du candidat Shafik et se préparait à l’accompagner au palais présidentiel dès la déclaration des résultats des recomptes.
De son côté, le Général Shafik a quitté sa résidence en direction d’un hôtel de luxe au Caire pour donner une conférence de presse destinée à remercier ses partisans et ses électeurs et fêter sa victoire. A mi-chemin, le convoi de Shafik effectue un demi-tour, la conférence de presse est annulée et le Général rentre à la maison. A sa résidence il y avait un visiteur qui l’attendait, c’était Ann Patterson l’ambassadrice américaine au Caire.
Le juge des recomptes des votes des élections présidentielles, illustre au long d’une heure une série des chiffres des votes. Le juge déclare le candidat des Frères Musulmans, Mohamed Morsi, président de la deuxième république en Egypte.
- Selon les juges, et contrairement au constat de la police judiciaire, les bulletins de votes fraudés par les Frères Musulmans et qui ont donné injustement 2 millions de votes au candidat des Ikhwan- n’ont pas été détectés.
- Selon les juges, et contrairement aux plaintes déposées par les Coptes dans de nombreuses villes en Egypte, il n’existe aucune preuve que les Coptes ont été interdits ou même menacés par les bandits des Frères Musulmans les empêchants d’aller voter contre les Frères Musulmans.
- Selon les juges, et contrairement aux documents et chiffres avancées par la campagne du Général Shafik, certains votes devaient être retirés de ce dernier et donnés au candidat des Frères Musulmans.
Le comité national des élections présidentielles a déclaré alors, le candidat des Frères Musulmans Mohamed Morsi, président de la république avec un pourcentage de 51,7% contre 48,3% pour le Général Shafik. Toute suite, les forces de la garde républicaine qui étaient déployées autour de la résidence Shafik se sont partis et ont été redéployées autour de la demeure du candidat des Frères Musulmans.
Pourvu le résultat des élections, les médias occidentaux ont répandu la nouvelle selon laquelle le peuple égyptien célébrait la victoire du candidat de la révolution et la liberté, Mohamed Morsi, en confirmant que ce dernier a été élu par la majorité des votes des électeurs.
La vérité selon les chiffres :
Le total des citoyens ayant le droit de vote est de 50 millions d’électeurs.
Le nombre des électeurs qui ont voté au deuxième tour est de 25 millions d’électeurs, il y a eu environ 800,000 (huit-cent mille) votes d’abstention.
Selon le comité national des élections présidentielles, le candidat Mohamed Morsi a obtenu 13,1 millions des votes contre 12,4 millions des votes en faveur du candidat Ahmed Shafik.
Cela signifie que le président actuel est élu avec un montant de vote de 25% uniquement de ceux qui ont le droit de voter.
Actuellement, de nombreuses voix dénoncent la pression américaine exercée durant l’opération de recompte et le bouleversement des données et de la situation, les demandes de clarifications et explications se multiples auprès du conseil suprême des forces armées.
Le samedi 30 juin 2012, le nouveau président devrait prêter serment devant le conseil constitutionnel égyptien et non-pas devant le parlement à majorité islamiste salafiste qui était dissous et jugé anticonstitutionnellement élu. Les Frères Musulmans insistent à défier la décision du conseil constitutionnel, et visent à forcer le conseil militaire à revenir sur la décision de la dissolution du parlement avant la date du samedi 30 juin. Contrairement à sa position durant les élections, le conseil suprême des forces armées refuse de s’incliner devant la pression des Frères Musulmans à ce qui concerne la dissolution. Les Ikhwan maintiennent encore la pression contre l’armée à la Place Tahrir.
Dernière nouvelle, le samedi 30 juin, Hillary Clinton arrivera en personne au Caire à bord d’un jet privé accompagnée d’une délégation de l’administration américaine pour surveiller en personne la transaction plus tôt que la transition du pouvoir aux griffes des Frères Musulmans et les soutenir face aux militaires.
La onzième plaie (Hillary Clinton et les Frères Musulmans) s’abattra lourdement sur la terre des pharaons.
Chérif AMIR est docteur en géopolitique du Moyen-Orient. Auteur de la thèse « L’impact des convictions religieuses sur les conflits du Moyen-Orient ».
Photo : © Wikimedia Commons / Forcalgeria
[1] Ikhwan : n.p. Abréviation de la prononciation en arabe du mot « Frères » en référence aux Frères Musulmans.