La main du destin
Article rédigé par Thierry Boutet, le 29 juin 2012

Cette semaine sur notre site, Jacques Bichot, Gérard Thoris, François Martin font sur des questions différentes le même constat : par démagogie, pour conquérir et conserver le pouvoir le gouvernement français (mais pas seulement) a cessé d’être le gardien de l’orthodoxie financière, le régulateur de l’économie. Et comme la nature a horreur du vide, ce sont les marchés qui à leur manière, c’est-à-dire sans âme, mais efficacement, ont pris le relais pour éviter encore plus de gabegie. Quant au gouvernement, dans le seul souci de continuer à séduire ses électeurs, il ne cherche qu’à se débarrasser de cette ultime contrainte et à convaincre ses partenaires européens de mettre en place de nouveaux artifices pour pallier la pénurie. 

THB

Des mécanismes et des procédures ont ainsi pris le relais du véritable gouvernement politique qui a déserté les allées du pouvoir. Ce qui est hélas trop évident dans le domaine économique l’est dans tous les autres, ceux de l’éducation, de la justice, de la sécurité ou de la défense.

La droite ne faisait déjà pas beaucoup de politique, la gauche plus du tout. Elle règlemente, redistribue, gère les inégalités et les commodités des Français avec une priorité pour la vaste corporation des fonctionnaires, pourchasse le petit nombre des riches pour plaire à l’immense masse des pauvres. Elle est incapable de fixer un objectif collectif. Elle ne pense plus les problèmes -réels - qu’au travers d’une grille de lecture catégorielle, même plus de classe, sauf Jean Luc Mélenchon. La politique  est devenue l’art d’arbitrer les conflits corporatifs et de séduire l’électeur.

Le gouvernement socialiste ne sait plus concevoir  la France comme un tout. On se demande même si ce n’est pas devenu un gros mot. Il n’a pour la France ni politique industrielle, ni politique commerciale, ni politique culturelle, ni politique éducative, ni politique du territoire car le mot politique a perdu son sens. Chaque ministère est un rouage sans dessein, destiné à satisfaire une catégorie d’électeurs.  Au plan européen et international la démarche est la même : préserver nos privilèges pour quelques temps encore Les incantations sur la croissance au  nom de l’intérêt général face à l’inflexible allemande ne trompe que ceux qui veulent l’être.

En ce sens, la gauche au pouvoir est pleinement représentative de la modernité politique qu’elle soit de droite ou de gauche. Celle-ci  est une non-politique ou une a-politique. Elle ignore l’art d’orienter les innombrables libertés humaines et décisions prises par chacun vers  l’unité du tout envisagé comme un bien commun. La notion de bien et de mal étant devenue totalement subjective, l’unité réelle et organique de la société n’est plus qu’une fiction. Les libertés individuelles sont autant de pouvoirs autonomes  ; il ne s’agit plus que de les équilibrer selon le rapport de force qu’ont tranché les urnes. Les notions de cité, de république, de société politique sont devenues des concepts vides, de pures catégories nominales. Plus de père ou de mère au sens d’une relation spécifique de nature différente entre un enfant et ses deux parents. Avec la nouvelle loi sur le mariage qui se profile nous aurons sur nos livrets de famille, parent 1, parent 2. Et cela ne dira pas lequel des deux nous a porté 9 mois in utero. Fini donc la famille, mais aussi l’entreprise au sens d’une communauté humaine,. Même le village pourtant si chargé de nostalgie n’est plus envisagé que comme un échelon purement administratif.

Les Français n’y ont vu que du feu. Tétanisés par la peur, ils ont voté comme en 36 pour ce pouvoir qui ne leur demande rien, ni effort ni sacrifice et surtout qui ne leur présente aucun projet collectif.

Cela peut-il durer et combien de temps ? Personne ne peut répondre, mais la direction en revanche est certaine. Une situation comme celle-ci peut s’éterniser car plus personne en fait ne pilote les événements. François martin compare non sans raison la période que nous vivons à celle de 36. Elle ressemble aussi à la fin d’un régime, au règne de Louis XVI. A l’époque, le roi ne faisait plus de politique et Necker contre Turgot, pour des raisons et des arguments assez proches de ceux d’aujourd’hui, laissait courir la France à la banqueroute. On connaît la suite.

Quand on ne gouverne plus ce sont les causalités immanentes qui s’en chargent. Elles n’ont rien d’irrationnel et sont implacables. C’est une loi qui vaut pour chacune de nos vies comme pour la vie des peuples. François Hollande et son non-gouvernement nous ont mis dans les mains du destin. A chacun de se demander,  à la lumière de sa foi, si c’est la providence.

Thierry Boutet