Article rédigé par François Martin, le 15 juin 2012
Notre collaborateur François Martin s’est présenté aux élections législatives dans la 9ème circonscription des Yvelines. Une première expérience de terrain à la découverte de l’électeur réel. Un portrait bien loin de celui que nous en donnent les médias et les sondages.
Tout d’abord, il faut parler de la circonscription : elle comprend 135 bureaux de vote, 88 communes, et 4 cantons, ceux d’Aubergenville, de Guerville (au-dessous de Mantes), de Houdan et de Bonnières (sur la Seine à l’ouest de Mantes), plus le village de Chapet et la ville des Mureaux. Elle est donc gigantesque, et extrêmement diversifiée. Cette diversité est avant tout géographique : pas grand-chose à voir en effet entre la vallée de la Mauldre, le plateau de Houdan, les bords de Seine à Bonnières, ou les « quartiers » des Mureaux. Les populations ensuite sont également très variées, avec des urbains, des ruraux (dans de nombreux petits villages de quelques centaines d’habitants), et aussi des « rurbains » (habitants en zone rurale mais travaillant en ville), trois populations aux mentalités, modes de vie et préoccupations très différentes.
Disposant de très peu de moyens, j’ai fait l’essentiel des tractages moi-même [1], au cours de longues journées, dans une trentaine de villes et villages. Marchant du matin jusqu’au soir, m’arrêtant dans les bistrots, boulangeries, bureaux de tabac, églises et petits lotissements, j’ai pu échanger très amicalement, en distribuant mes tracts, avec des mamans équipées de poussettes, des cadres rentrant du travail, des retraités en promenade, des paysans sortant de leur ferme, des boulangers sur le pas de leur porte à la fraîcheur du soir, ou des ouvriers ou cafetiers, à l’heure du déjeuner, dans des petits bistrots.
Politique : les Français désabusés ?
Il faut dire en premier lieu que sur pratiquement dix jours de tractage, je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de ceux qui les ont refusés [2]. De toutes ces rencontres, ce qui ressort le plus, c’est un sentiment d’attente, intéressé, bienveillant et amical. « Vous êtes courageux de vouloir faire ce métier », « on a besoin de vous », ou encore « il y a un sacré boulot à faire ! », sont les commentaires qui sont revenus le plus souvent. Le classique « vous les politiques », suivi d’une litanie de critiques, est une phrase que je n’ai entendue qu’une seule fois. Il est donc faux de dire que les français sont désabusés ou fatigués de la politique ou de ceux qui l’exercent. Ce qui m’a beaucoup étonné, c’est précisément le contraire : la fraîcheur et la spontanéité des rencontres, avec les personnes les plus diverses ! On aurait en effet pu s’attendre, selon ce qu’en dit si souvent la presse, à une « barrière » psychologique entre la population et ses représentants. Tout ceci est faux, au niveau local en tout cas.
Un label d'honnêteté
La deuxième chose qui m’a étonné, c’est l’attitude des personnes par rapport au message exprimé. J'avais en effet conçu des documents très simples, dont chacun pouvait lire la teneur en quelques secondes, tant par rapport à mon identité chrétienne (Parti Chrétien-Démocrate) que par rapport à mes engagements moraux et mes convictions : respect de la vie, altérité dans le mariage, économie au service de l’Homme, etc... (document à télécharger en fin d’article). A la lecture de mon tract, pas une seule remarque négative, ou même dubitative, bien au contraire. Concernant mon engagement chrétien explicite, pas une ombre de méfiance. Il est donc faux de dire que nous colportons encore en France une sorte de « guerre religieuse » qui obligerait les chrétiens à conserver leurs convictions dans leur for intérieur. Ou du moins à les exprimer « avec des pincettes », pour ne pas risquer de « choquer » d’autres types de croyants ou non-croyants. Tout le monde aujourd’hui s’exprime avec force, dans tous les domaines et sur tous les sujets ! Cette sorte de timidité, de pudibonderie, d’autocensure que nous - chrétiens - nous imposons souvent – pour ne pas paraître prosélytes ou « ostentatoires » – n’est pas justifiée par la réalité. Elle me semble être plutôt le résultat d’une « intoxication mentale » provenant de milieux anticatholiques, à laquelle nous avons adhéré par commodité, ou bien à cause de notre manque de caractère. En tout cas, auprès des gens du peuple, je peux attester que cette réticence n’existe pas. Même si je n’ai pas eu le temps d’en discuter, mon impression est même le contraire : il m’a semblé que mon identité catholique représentait plutôt un élément positif, une sorte de « label » d’honnêteté, assez bien perçu. De même, sur les thématiques relatives à la vie ou au mariage homosexuel, pas une seule polémique, pas de besoin de justifier mes positions, comme je m’y étais préparé. Bien au contraire, lorsque que l’on dit aux gens du peuple que l’on se bat pour que demain, nos garçons se marient avec des filles et nos filles avec des garçons, on vous regarde comme s’il était possible de croire l’inverse, comme si nous devenions une société de fous. Il est donc totalement faux de croire que les français ont adhéré majoritairement au mariage homosexuel. Cela n’est absolument pas confirmé par les entretiens que j’ai pu avoir sur le terrain [3].
Autre expérience frappante : le manque de motivation – c’est le moins qu’on puisse dire – pour le programme de la gauche, et c’est normal : François Hollande s’étant fait élire, par une campagne « bouc émissaire », sur l’antisarkozisme, il n’a pas créé d’appropriation sur ses valeurs. Moues de désintérêt, haussements d’épaules, soupirs en pensant à ce qui se prépare, voilà ce que j’ai obtenu. Ce n’est pas parce que les français ont élu un président socialiste qu’ils sont pour autant devenus socialistes [4]. C’est très clair pour moi, et c’est un boulevard.
Chrétiens : un engagement inégal
Le dernier motif d’étonnement de ma campagne, c’est précisément l’attitude des chrétiens. Me présentant comme explicitement chrétien, je pensais, en toute logique, pouvoir disposer du soutien massif de ma communauté. Cela n’a pas été le cas. Plus exactement, j’ai trouvé, auprès de ces personnes, le meilleur et le moins bon, tout à la fois : l’engagement le plus impliqué et le plus spontané (dons très généreux, propositions de relayer mes tracts, réseau, offre de réunions « tupperware » chez l’habitant), et les excuses les plus pauvres (« je suis trop pris », « je ne connais personne » de la part de gens faisant le catéchisme, donc particulièrement impliqués) [5]. A l’évidence, nombre de chrétiens n’ont pas compris que nous sommes dans une guerre. C’est bien une guerre idéologique qui fait rage aujourd’hui, dont l’enjeu est la destruction de nos valeurs chrétiennes, qui sont aussi nos valeurs de civilisation. Les chrétiens timorés se trompent s’ils se concentrent sur l’action domestique (bonne éducation) ou sur l’action sociale (associations) ou même spirituelle (catéchisme). A quoi cela leur servira-t-il, s’ils ne sont pas représentés sur le plan politique, et si toute la société, dirigée par des idéologues ennemis, s’acharne à détruire pendant la journée (apprentissage du gender en primaire…) ce qu’ils peinent à construire le soir et le week-end ? S’ils veulent être des victimes, certainement, ils le seront, mais pourquoi laisser sacrifier leurs enfants ? Les papes n’ont cessé de rappeler qu’il faut plus de chrétiens en politique. Il y a là une prise de conscience, fort importante, qui reste encore à faire. Cette cécité de notre communauté sur la gravité des enjeux ne me désespère pas, bien au contraire, elle me renforce plutôt dans la conviction qu’il y a beaucoup de profit à tirer du « réveil » des chrétiens [6].
Le Christ nous a dit «Courage. J’ai vaincu le monde ». Les temps sont favorables, dans l’opinion en tout cas, je crois l’avoir montré. Cette parole s’adresse à chacun d’entre nous, les chrétiens en tout premier lieu. Faut-il attendre que d’autres s’en saisissent, que les autres brebis se mettent en marche, celles « qui ne sont pas de cet enclos » ?
François Martin a obtenu 1,61 % des votes exprimés. Un score considéré comme honorable pour une première participation[7].
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[1] Le tractage, cela consiste à distribuer ses tracts, dans les boîites aux lettres, les gares et les marchés.
[2] Il faut exclure les gares, nécessaires, mais où le dialogue est peu fréquent. Dans ces cas, que ce soit à 7h00 le matin, soit à 18h00 le soir, il n’y a presque pas de dialogue, et plus de refus, par lassitude.
[3] la vérité est que l’on a intoxiqué les français. Le processus est le suivant : 1 – On fait la promotion de l’homosexualité à outrance, jusqu’à obtenir des français, qui sont naturellement tolérants par rapport à cette orientation, un sentiment de malaise ou même de rejet, non par rapport à l’homosexualité elle-même, mais par rapport à la promotion d’une société ouvertement et largement homosexuelle. Ce rejet est souvent implicite, parfois explicite. 2 – On profite des rejets explicites, ou des provocations (que l’on a provoqususcitées…) pour jeter l’anathème sur les « homophobes », et complexer l’ensemble de la société par rapport à cette question. 3 – On fait passer ensuite les revendications des lobbies (pas des communautés…) homosexuels comme des demandes légitimes, auxquelles on ne saurait s’opposer sans être homophobe. 4 – Les français, qui sont sympas, mais plus très clairs par rapport à leurs fondamentaux, ne disent pas non. 5 – On se dépêche de faire passer ce « nihil obstat » accordé du bout des lèvres pour un « imprimatur », un accord explicite et plénier, travestissant ainsi totalement le message de l’opinion. Le tour est joué. Ne nous laissons pas rouler par quelques activistes avides de « soft power », et sachons décoder l’intox...
[4] J’ai fait 104 voix aux Mureaux, soit 1,65%, plus que ma moyenne de 1,61% …
[5] Un autre exemple : lors d’une réunion au presbytère de Maule, pourtant relayée par des membres de la paroisse, et aussi par la presse, nous avons eu… zéro participants !
[6] Une gentille blague courait autrefois sur l’Afrique : certains disaient qu’il était inutile de vouloir vendre des chaussures en Afrique, puisque les habitants n’en portaient pas. D’autres, au contraire, qu’on pouvait leur en vendre beaucoup, pour les mêmes raisons… Croyons que nous pouvons vendre beaucoup de « chaussures politiques » à notre communauté chrétienne… Ce processus a d’ailleurs commencé (cf dossier LP sur les législatives)
[7] Cf http://elections.interieur.gouv.fr/LG2012/078/07809.html et http://elections.interieur.gouv.fr/LG2012/078/07809368.html