Article rédigé par Philippe Oswald, le 14 juin 2012
« Un responsable de communauté doit être irréprochable, époux d’une seule femme, homme mesuré, raisonnable et réfléchi… » écrit saint Paul dans sa première épître à Timothée (3,2). Stupeur et scandale du lecteur « post-moderne » : — Quel rapport entre ceci et cela ?! Voyez notre « président normal » : quoique père de famille nombreuse (4 enfants avec la même femme, c’est devenu, avouons-le, un peu insolite), il a pris soin de ne jamais épouser la mère de ses enfants, et vit depuis plusieurs années avec une femme mariée, elle, mais à un autre. Tout cela est parfaitement conforme à l’idée que nous nous faisons de la liberté, du bonheur de l’individu et du respect strict de la chère sphère privée. Le choix de sa compagne, devenue depuis son élection la première dame de France, ne regarde que François, et leur libre union, avec inévitablement ses hauts et ses bas, ne doit nullement interférer avec sa fonction publique. Ce qui, par parenthèse, distingue François de son prédécesseur, comme il l’avait promis tout au long de sa campagne au bon peuple de France.
Hélas, trois fois hélas, il aura suffi d’à peine 140 signes (taille maximale d’un « tweet ») pour faire exploser au décollage – un mois après l’élection présidentielle, à cinq jours du second tour des législatives – le vaisseau spatial rose bonbon de la « normalitude » (comme dirait Ségolène).
Résumons, rien de plus simple : le président normal a conclu un pacte avec sa précédente compagne, ci-devant camarade de combat au PS, ex-candidate à la présidence de la République, présidente en fonction de la région Poitou-Charentes mais qui, pour se faire réélire député, a jeté son dévolu sur la 1ère circonscription de La Rochelle, convoitée par un autre socialiste implanté depuis des lustres, par ailleurs ami proche du nouveau président de la République et de sa nouvelle compagne (vous suivez ?). Ce pacte entre les deux « ex » était le suivant : tu m’aides à me faire élire président de la République, et moi, avec le Parti, nous te ferons la courte échelle pour ton siège de La Rochelle d’où tu pourras gagner aisément le prestigieux perchoir de l’Assemblée nationale.
Tout semblait plié pour ne pas dire normal. Sauf que ce beau plan concocté entre deux anciens condisciples de l’ENA passait pour profits et pertes, tiens donc !, le facteur humain : à savoir la jalousie incandescente de l’actuelle compagne (on ne dit plus concubine, l’époque a de grandes pudeurs), la volonté inflexible du candidat rochelais de conquérir ce poste, et l’exaspération des militants locaux devant le parachutage d’une « éléphante » du parti pachydermiquement soutenue par ses congénères de la rue de Solférino. Lesquels se sont trompés de bataille : à La Rochelle, on ne se laisse pas aisément assiéger.
A vrai dire, ces deux derniers facteurs auraient largement suffi pour que Ségolène Royal perde le duel qui l’opposera dimanche prochain à l’autre candidat socialiste comme le prédisent sans appel les sondages. C’est donc par pure cruauté que Valérie a répandu son tweet salé de soutien à celui-ci sur les blessures béantes de Ségolène la mal-aimée. Mais ce faisant, la première concubine pardon ! dame de France a surtout montré à tout le pays qu’en fait de normalité, celle du président est d’une espèce depuis longtemps répertoriée : celle d’un homme faible pris entre deux femmes de caractère, et prompt à renier sa parole : « Moi président de la République, je ne mélangerai jamais vie publique et vie privée » – alors que la « compagne » dispose d’un cabinet de cinq personnes payées par l’Etat ; « Moi, président élu, je resterai au-dessus des partis »- et voilà qu’il soutient publiquement une candidate à la députation. Un engagement présidentiel sans précédent dans la cinquième République !
Moralité : électrices, électeurs, avant de revoter, relisez saint Paul !
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