Article rédigé par François Martin, le 10 mai 2012
Le verdict est tombé. Dans un contexte international difficile, où la France a bien résisté, les Français, globalement, n’ont pas suivi la voie des efforts arides et permanents, proposée par le candidat Sarkozy. Ils ont voulu « changer », espérant qu’avec une autre équipe, les choses pourraient aller mieux.
Comparaison ne vaut pas et les situations sont bien différentes, mais un parallèle est possible avec la révolution tunisienne.
En Tunisie malgré un régime dictatorial et corrompu [1], le pays se portait plutôt bien : un taux de croissance autour de 5% par an depuis 10 ans, de 7% en 2010, l’autosuffisance alimentaire, un tourisme florissant, une excellente notoriété à tous points de vue, avec la paix civile et sociale. Pour un petit pays sans pétrole et sans ressources naturelles, c’était un des meilleurs résultats d’Afrique. . Malgré cette situation relativement prospère, les tunisiens voulaient « mieux ». Plutôt que de prendre patience, de construire peu à peu un pays moderne, dans un contexte international aux multiples dangers, ils ont oublié leur légendaire prudence ; ils ont risqué le tout pour le tout. Après quelques semaines d’euphorie, le résultat est là : effondrement dramatique du tourisme, chômage, notoriété dégradée, pagaille politique, pressions salafistes, dissensions idéologiques sur la question de la laïcité, insécurité généralisée. Si les tunisiens peuvent encore s’en sortir, ce sera bien difficile. S’ils y arrivent, ils seront sans doute vaccinés pour longtemps contre l’aventurisme politique.
En France, face à la pression des pays émergents qui travaillent plus que nous et de l’Allemagne, face aux risques communautaristes, à la dégradation des comptes publics et de l’éducation, au coût grandissant de l’énergie, il eût été important de tenir l’effort. Mais « on n’est pas contents », et on veut « changer » [2]. Pour aller où ? Plus de dépenses et de fonctionnaires, la légalisation du cannabis, de l’euthanasie, le droit de vote aux étrangers, une mesure favorable aux dérives communautaristes. La France n’est pas la Tunisie, mais où en sera t-on dans quelques mois de l’espérance du 6 mai ?
La réalité sera sans doute bien différente et pourtant ce sera encore le temps de l’espoir,. L’espoir, en effet demeure possible, pour deux raisons. La première, est d’ordre psychologique. les français, un peu comme les enfants, doivent faire leur expérience. Face aux chinois, coréens, indiens, brésiliens, et demain russes, africains du sud ou nigérians, nous ne pourrons pas ne pas nous réveiller. Ces pays ont trop souffert, ils ont trop faim. Si nous ne sommes pas prêts à travailler beaucoup plus, à faire beaucoup plus de sacrifices, à défendre notre identité et notre civilisation, ils nous imposeront leur loi et leurs produits. Le redressement psychologique et moral de la France est donc la première priorité. La présidence Hollande peut être une chance pour retrouver cette ambition.
« protestataires » et « identitaires »
La recomposition du paysage politique qui se prépare est une autre raison d’espérer. Le projet de Marine Le Pen et de François Bayrou de faire exploser la droite pour en ramasser des morceaux aura probablement l’effet inverse. Déjà, de nombreux électeurs leur reprochent d’avoir trahi leur pays et leur camp pour assurer leur avenir politique. Au centre, où les sensibilités sociales sont fortes, certains ont compris que pour que la justice puisse s’exercer et que l’on puisse partager, encore faut-il que l’on produise. L’important n’est pas tant le partage que la compétitivité. Les Français vont devoir, au dernier moment frotter leurs « sensibilités sociales » au réalisme de la survie. L’opposition de François Bayrou à la rigueur, risque d’en repousser beaucoup à droite.
A l’extrême droite, deux catégories d’électeurs se côtoient. Les « protestataires » : ceux-là ne veulent ni de l’Europe, ni des étrangers, ni de l’ouverture, ni de la mondialisation. Leur difficulté est de savoir avec qui construire l’avenir. Il est impossible d’être contre tous et tout et d’espérer gouverner. Dans cette position de refus, il n’y a pas d’avenir.
Les « identitaires » sont, en fait, très différents des premiers. L’amour de la France, de son Histoire, de sa grandeur et de son passé, les anime en priorité. Ils aiment l’ordre et le travail et se révoltent lorsque l’on piétine leur culture et l’identité de leur pays. Ils sont très proches de la droite. Si elle leur ouvre les portes, ils y entreront. Nous ne sommes peut-être pas loin de cette mutation [3].
Le projet qui est celui de l’avenir est celui qui est en accord avec la réalité de notre situation. Il exige effort et réalisme. C’est pourquoi, par delà le rejet de Nicolas Sarkozy, la droite dispose d’une réserve de voix, au centre et à droite, susceptible de la rendre à nouveau largement majoritaire, si elle ne se déchire pas.
[1] Malgré tout, la Tunisie n’était ni la Libye pour la dictature, ni l’Egypte pour la corruption…
[2] L’auteur est arrivé en France en 71, après 18 ans de vie à l’étranger. Du plus loin qu’il se souvienne, il lui semble n’avoir jamais cessé d’entendre les français se plaindre…
[3] Cf http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Peuple-moderne-elites-depassees. NDBP N°5, 6 et 7