Article rédigé par François Martin, le 19 avril 2012
Dans un article précédent, nous avons tenté de décrire les nombreux problèmes des banlieues. Ceux-ci complexes et imbriqués, font de celles-ci un « nœud gordien » difficile à démêler. Les solutions simplistes n’ont pas de chance de fonctionner.
Rappelons, pour mémoire, quelles sont les difficultés des banlieues :
- Le communautarisme : l’octroi laxiste de la nationalité, l’immigration et la régularisation, régulière et massive, des clandestins, ont fini par créer des « cancers » culturels, sociaux et psychologiques, beaucoup de ces personnes ne se sentant souvent pas françaises, alors même qu’elles en ont la nationalité
- L’islam : cette religion ultra majoritaire dans les banlieues est évidemment un facteur aggravant de communautarisation
- La sous-culture : beaucoup d’enfants ont « avalé » un pseudo-islam, sous-culture primaire et sectaire, qui leur sert à exprimer leur déracinement et leur frustration, ce qui est un frein évident à leur instruction et leur intégration
- L’islam radical : il s’agit d’un mouvement à la fois puritain et politique, bien structuré, qui se sert du communautarisme pour proposer une alternative radicale, une « autre société »
- La drogue et la pègre : elles sévissent dans nombre de ces quartiers, et tâchent d’en faire des zones de non-droit, qui tendent à les « guettoïser » plus encore
- La déséducation : c’est un phénomène insuffisamment dénoncé, cause en grande partie de la sous-culture dénoncée plus haut
- La misère économique : l’absence de perspectives économiques est bien entendu aussi un facteur aggravant
- L’ambiguïté des politiques : en l’absence de la disponibilité de moyens importants, il n’est pas certain que nos dirigeants aient vraiment décidé de traiter, et qu’ils ne préfèrent un statu quo qui n’évolue pas trop vite, plutôt que d’opérer la maladie
- Les lobbies intellectuels : ce parti-pris idéologique de nombreux intellectuels, même très compétents, tend, contre toute réalité, à laisser croire que l’intégration reste possible en l’absence de toute mesure coercitive
- Le pessimisme : l’idée comme quoi il n’y a que des problèmes à régler, et pas de solutions positives possibles, favorise aussi à la ghettoïsation, en tendant à assimiler tous les habitants de ces banlieues, y compris ceux qui veulent s’en sortir, à des personnes à problèmes.
Que faire ?
Une première remarque de bon sens : face à un gros problème, si l’on veut le résoudre, il faut s’en donner les moyens. Comme pourraient l’analyser les militaires cela implique :
- une volonté politique,
- une vision globale du problème,
- une stratégie,
- une unité de commandement,
- des moyens adaptés, positifs et aussi coercitifs
- et, finalement, l’appui de l’opinion.
Sans une « chaîne » impliquant tous ces élémentsla dispersion sera trop grande et l’effet de masse ne pourra pas jouer. L’erreur qui est faite jusqu’ici, étant probablement de ne pas avoir vu (ou voulu voir ?) le problème dans toute son ampleur et sa globalité.
La volonté politique
Premièrement, il faut une volonté politique. Nous pensons qu’elle n’est pas réelle, ou pas suffisante, pour plusieurs raisons, l’une idéologique, et l’autre économique.
La raison idéologique vient des milieux intellectuels et de la presse. Ils sont, sur cette question, très largement « universalistes », « tiers-mondistes », d’autres pourraient dire « à gauche ». Contrairement à toute logique, ils croient encore que le problème peut être traité uniquement par des propositions incitatives, sans appel aucun à des mesures coercitives. Il n’est par exemple que de voir la façon dont la presse et les « leaders d’opinion » tendent à repousser constamment vers l’extrême droite les propositions en cette matière du candidat Sarkozy, pour se rendre compte à quel point cette vision idéologique et idéaliste du problème des banlieues est forte. Et cette sensibilité universaliste n’est pas seulement présente à gauche, mais aussi dans la plupart des milieux politiques et intellectuels de droite. Il y a donc une grande difficulté du pouvoir à s’en affranchir. C’est une des raisons de sa faiblesse, alors même que le hiatus entre le peuple français et ses élites semble, sur ce point, de plus en plus important.
L’autre raison est économique. Le pouvoir est aujourd’hui, à juste titre sans doute, obnubilé par la nécessité de faire des économies. Dans ce contexte, faisant ainsi le raisonnement qui est trop souvent appliqué dans nos prisons [1], il a sans doute tendance à considérer que ne disposant pas désormais des moyens suffisants pour nettoyer véritablement les « écuries d’Augias », il peut appliquer une solution a minima, consistant à trouver un accord tacite, un pacte de non-agression, avec la pègre et les associations islamistes, pour maintenir les équilibres contre une non-extension des dérives [2]. Pactiser avec ses ennemis nous semble un raisonnement à très courte vue, et qui conduit en général à la catastrophe.
Une vision globale du problème et une stratégie
Comme nous avons tenté de le montrer, on ne peut pas traiter isolément le problème de l’islamisme, de la drogue, de la déséducation, de la misère économique, de la volonté politique ou de l’appui de l’opinion. Tous ces éléments ayant des répercussions entre eux, il faut une vision d’ensemble, qui soit à la fois politique et pratique, et qui traite en même temps tous les aspects. Nous sommes dans ce cas très proches, bien que nous soyons dans le domaine civil et non pas militaire, des caractéristiques de ce qu’on appelle en stratégie militaire un « conflit asymétique » [3].
Pour gagner, il faut que le pouvoir en place soit absolument et durablement déterminé à gagner ce combat, mais aussi qu’il s’entoure de spécialistes qui lui apportent les bonnes analyses dans tous les domaines concernés, et qui partagent sa foi et sa vision, non idéologique et « universaliste », du problème. Sans cette unité en haut de la chaîne de décision, il n’est pas possible de gagner ce type de guerre, qu’elle soit militaire, comme en Afghanistan, ou civile, comme dans le cas des banlieues.
Pour ce qui concerne la stratégie, comme le montre David Galula (4), le plus important, dans tout ce qu’il y a lieu de faire, est la victoire « idéologique ». La clef, c’est de parvenir à marginaliser, aux yeux des opinions, les partisans de l’insurrection. Nous montrerons ci-dessous comment on peut le faire.
Une unité de commandement
De même, on ne pourra gagner la « guerre » contre la ghettoïsation des banlieues si le commandement est dispersé, surtout lorsqu’il y a de nombreuses tâches de natures très diverses à accomplir : police locale et nationale, renseignements, justice, écoles, mairies, urbanisme, pôle emploi, entreprises, cordées de l’emploi, cultes, haut comité à l’intégration, préfets à l’égalité des chances, services de l’immigration, etc…, aujourd’hui, force est de constater que tous ces moyens sont dispersés, et que chaque entité a une parcelle de pouvoir. Comment peut-on penser parvenir à régler un problème d’une telle ampleur, avec un « commandement » si dispersé ? En face, les ghettos de banlieues, sans pour autant disposer d’une unité de pouvoir, sont cependant « gouvernés » par un petit nombre de caïds et de chefs religieux et, plus encore, ont une « unité organique », celle d’une communautarisation croissante à laquelle tout concourt.
Pour répondre, il faut que l’Etat se dote d’un décideur unique, une sorte de « général » qui ait la haute main, par délégation, sur tout ce qui touche à la banlieue. Un ministre à poigne, dédié uniquement aux banlieues, disposant de l’appui indéfectible du Président et, au-dessous de lui, un Préfet aux larges pouvoirs, tous deux établis sur la durée. Sans cette unité de commandement, nous pensons qu’il n’est pas possible de traiter véritablement la question.
Des moyens adaptés
Contrairement à ce que l’on pense, ce qui probablement « coûte le plus cher », ce ne sont pas les moyens à mettre en place, puisque nous les avons très largement, mais c’est la volonté politique, la mise en place de la « chaîne de commandement » et l’aval de l’opinion.
Si elle existait, nous pensons que l’éradication de la drogue, et des trafics, probablement ne serait pas d’une difficulté extrême [4]. Pour ce qui est des chefs religieux, les événements récents de Toulouse ont montré que l’on peut expulser rapidement, si on le souhaite, les plus dangereux d’entre eux.
La difficulté, c’est que ce n’est pas seulement la drogue et l’islam radical qu’il faut traiter, mais aussi la déculturation et le manque de travail, ce qui promet d’être beaucoup plus long.
Contre la déculturation
Pour ce qui est de la déculturation, ce qu’il faut reconquérir d’abord, c’est l’amour de la France et la connaissance de sa culture. Xavier Lemoine [5], maire de Montfermeil, donne de nombreux exemples du travail qu’il effectue avec les associations de quartiers, pour obtenir l’appropriation par les habitants de la culture, de la tradition et du patrimoine historique français : défilés de « haute couture » sur les thèmes relatifs à la peinture, à des monuments français, etc…, auxquels les habitants participent abondamment. De même, il prône l’intégration des enfants provenant de l’immigration plus tôt en classe de maternelle, où ils doivent apprendre la culture enfantine traditionnelle française, avant que d’être « happés » par les cultures de leurs pays d’origine, par des associations, des « copains » ou des parents qui ne parlent pas forcément le français.
De même, il nous semble évident que l’assouplissement de la carte scolaire et l’autonomisation des établissements scolaires, dans cette perspective, est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Il faut au contraire « verticaliser », donner plus de moyens à ces établissements pour accueillir les meilleurs enseignants possibles, spécialement formés, et ne surtout pas laisser les élèves studieux ou même moyens s’en aller en ne laissant que les cas difficiles. Par contre, orienter les cas les plus difficiles vers des établissements spécialisés ou vers l’apprentissage nous semble une bonne solution.
En faveur du travail
Pour ce qui est du travail, la jeune femme politique Camille Bedin montre, dans un livre récemment paru [6], que si les banlieues votent plutôt à gauche, par « tradition », par contre, leurs valeurs sont plutôt de droite, « américaines » : envie de travailler, de réussir, de gagner de l’argent, etc…
Cela veut dire qu’une partie importante de la politique vis-à-vis des banlieues consiste certainement à faciliter, pour les jeunes chefs d’entreprise en herbe que sont nombre d’entre eux, l’accès à la création de celles-ci, formation, capitaux et prêts. Il y a là, certainement, par le soutien aux PME de banlieues, une façon pour l’Etat d’utiliser son argent et sa garantie de façon intelligente [7].
De même, s’il est un dispositif qu’il faut promouvoir, c’est l’apprentissage professionnel, qui permet une intégration, plus tôt, au milieu exigeant, discipliné, responsable et formateur de l’entreprise. Pour cela, l’âge de 16 ans est évidemment trop tardif. L’âge de 14 ans nous semblerait bien plus adapté.
L’appui de l’opinion
Ceci nous semble être le principal instrument de tout le dispositif, puisque, nous l’avons montré, dans la « guerre asymétrique » à laquelle s’assimile, sur le plan civil, le problème des banlieues, c’est la volonté politique, résolue et durable, et l’appui de l’opinion, qui a le pouvoir de présenter les insurgés comme minoritaires ou majoritaires, qui sont les deux principaux facteurs conditionnant la victoire ou la défaite. Par ailleurs, dans le cas de la France, nous avons vu que cette volonté fait trop souvent défaut, le pouvoir étant largement « harcelé », sinon consentant, vis-à-vis des leaders d’opinion, présents dans toutes les strates autour du pouvoir, et partisans d’une vision idéologique idéaliste issue du passé, alors même que l’opinion est largement acquise à un traitement beaucoup plus volontariste, et que, paradoxalement, elle n’est pas sollicitée, en tout cas pas par le pouvoir.…
Pour cette raison, si le pouvoir veut avoir les mains libres et « clouer le bec » à son opposition lobbystique rampante, présente chez ses adversaires, mais aussi, très largement, dans son propre camp, ce sans quoi il lui est impossible de prendre le problème à bras le corps, il nous paraît nécessaire qu’il obtienne de l’opinion une légitimation spécifique par rapport à cette question. Pour ce faire, nous ne voyons pas d’autre moyen que le référendum.
Le référendum nous paraît, en effet, être la seule action politique ayant un caractère politique et symbolique suffisamment fort pour délégitimer et « jeter au lac », en une seule fois, toutes les oppositions « bien-pensantes » et donner à l’Etat et au gouvernement une force nouvelle suffisante pour s’attaquer au cancer des banlieues. Tout part de là.
Pourquoi l’Etat ne l’a-t-il pas encore fait ? Mystère. Il n’est pas trop tard.
[1] Cf http://www.libertepolitique.com/L-information/Decryptage/Le-noeud-gordien-des-banlieues-1-2-Constat, NDBP N°15
[2] Des confidences provenant de sources très autorisées nous laissent à penser que ce raisonnement ne manque pas d’adeptes auprès du pouvoir.
[3] Dans ce type de conflit, un pouvoir de type insurrectionnel tente de s’approprier la légitimité idéologique d’un conflit contre le pouvoir en place, en montrant, par des actions qui sont au début plus symboliques et politiques que réelles, que le pouvoir en place n’est pas capable d’assurer ses missions principales d’ordre, de justice et de prospérité. Petit à petit, le pouvoir insurrectionnel prend la place du pouvoir en place aux yeux de l’opinion, en montrant qu’il est plus légitime que lui. Il le combat moins militairement qu’il ne le « dévitalise » idéologiquement et politiquement. Pour gagner ce type de conflit, le pouvoir en place ne peut se contenter de victoires militaires, qui n’ont que peu d’effets, puisque le pouvoir insurrectionnel vit caché au sein de la population qui le protège. Il doit agir sur tous les leviers à la fois : idéologique, en se justifiant suffisamment bien pour montrer qu’il est le seul légitime, militaire, pour défaire les attaques des insurgés, et aussi civil, pour reconstruire le tissu socio-économique abîmé et ainsi inspirer confiance, et obtenir de la population qu’elle marginalise et dénonce petits à petit l’insurrection. Ce sont des conflits longs, où il faut une grande volonté politique et beaucoup de suivi. Cf le grand théoricien français de la guerre contre-insurrectionnelle David Galula http://fr.wikipedia.org/wiki/David_Galula et son livre « Contre-insurrection. Théorie et pratique » (Editions Economica, 2008, préface du Général David Petraeus).
[4] Tous les grands trafiquants sont connus et peuvent être arrêtés du jour au lendemain. Il n’est sans doute pas très difficile, si le gouvernement le veut, et avec les moyens de police adaptés, au niveau national et local, de reconquérir les entrées d’immeubles où le trafic se tient. Certains spécialistes disent que si on le décidait aujourd’hui, il serait possible d’éradiquer la drogue dans les banlieues en 18 mois. Il faut, sans doute, plus de moyens en personnels de police. Mais que veut-on ? Ce qui est important, ce ne sont pas les moyens que l’on met, mais la vision que l’on a de l’ampleur du problème…
[5] Cf http://fr.wikipedia.org/wiki/Xavier_Lemoine, et ses nombreuses interventions sur les médias où il détaille ces actions
[6] Cf son livre « Pourquoi les banlieues sont de droite » (Plon, 2012) et son blog http://www.dusensalaction.fr/
[7] Et sans doute moins coûteuse que la démolition à grands frais des barres de HLM, remplacées par des bâtiments flambant neufs immédiatement vandalisés…