Article rédigé par Thierry Boutet, le 13 avril 2012
Dans quelques jours nous voterons. Nous sommes en face de plusieurs options. La première est celle du choix d’un des petits candidats, de Marine Le Pen ou de Jean Luc Mélenchon. D’une manière ou d’une autre, à des degrés divers, ils sont tous pour une rupture. Ce sont les candidats « hors système » : sortie de l’Euro, restructuration de notre économie, redéfinition de nos alliances, nouveau positionnement géostratégique et nouvelle politique de défense.
L’autre option est de choisir entre l’un des trois candidats des partis parlementaires : François Bayrou, François Hollande, Nicolas Sarkozy. Globalement, ces trois candidats sont prêts à respecter nos équilibres macroéconomiques, la signature internationale de la France, à rester dans l’Europe et à en respecter les règles du jeu et les contraintes. Pourtant le choix de l’un d’eux n’aura pas les mêmes conséquences dans trois domaines : l’économie, les questions de société, la capacité à gouverner.
L’économie : Ils ont en commun de vouloir réduire les déficits, mais leurs méthodes diffèrent. Globalement l’approche de François Hollande consiste à prélever davantage et à tabler sur un taux de croissance de 2,5% élevé, voir utopique compte tenu des circonstances. Nicolas Sarkozy escompte aussi une croissance de 2 % mais son programme s’oriente davantage vers la réduction des dépenses de l’Etat et un soutien aux entreprises pour leur rendre de la compétitivité. Une politique de l’offre plutôt que de la demande. Entre eux, nous sommes dans un débat classique entre la gauche et la droite. François Bayrou paraît le plus réaliste, il prend pour acquis la moyenne des taux de croissance de ces dernières années (1,5%), et fidèle à sa ligne politique, son programme est plus axé vers la réduction des déficits que celui de ces concurrents, avec un volet social plus généreux que celui de Nicolas Sarkozy. Il est bien l’homme du centre.
La proximité entre ces trois candidats explique sans doute pour une large part la défection d’un certain nombre de Français à leur égard et l’intention qu’ils ont de voter pour des candidats « alternatifs » au premier tour. Obscurément, ils pressentent que les griefs qu’ils ont contre l’état des choses ne peuvent être attribués au seul dernier quinquennat, mais à des politiques conduites depuis plus de trente ans aussi bien par la gauche que la droite et le centre. Faute de grandes perspectives, ni le peuple de droite ni celui de gauche n’est enthousiaste.
Les questions de société : Sur ce sujet, les programmes des trois candidats sont plus clivants. Sur les sujets comme le mariage homosexuel, l’homoparentalité, l’euthanasie, l’école libre, la politique familiale, globalement Nicolas Sarkozy est favorable au statu quo et son alliance avec Christine Boutin est un choix symbolique qui n’est pas sans conséquence. François Hollande, pour mobiliser l’opinion de gauche, et pour lui donner des satisfactions qu’elle n’aura pas sur le terrain économique, s’il est élu, est prêt à dire oui à toutes les revendications communautaires, quitte à mettre en cause les fondements même de notre société. Quant à François Bayrou, comme il l’a dit maintes fois, ses convictions personnelles s’accommodent des évolutions de l’opinion. En politique, c’est un relativiste prêt aux mêmes concessions ou presque que François Hollande.
La capacité de gouverner : De par son expérience, Nicolas Sarkozy arrive en tête. Il n’incarne pas à la manière d’un Général de Gaulle, un grand dessein pour la France, mais il a révélé sa capacité à gérer les crises. François Bayrou a pour lui l’expérience du gouvernement. Il est des trois celui qui manifeste le plus le sens du long terme, mais il est actuellement « sous-staffé » ; sa campagne l’a démontré. Il est aujourd’hui un peu l’homme seul de la politique. Pourra-t-il demain rassembler et se poser en homme du recours ?
Quant à François Hollande, son parcours à la tête du département de la Corrèze est assez calamiteux et sa gouvernance du parti socialiste n’a pas été flambante. En revanche, il dispose des appuis et des réseaux qu’il faut pour gouverner et il peut peut-être mieux qu’un autre contenir une explosion sociale, toujours possible si la situation économique se dégrade gravement.
Résumé à gros traits, c’est l’affiche du premier tour.
Enfin, reste l’abstention.
S’abstenir, comme le souligne François de Lacoste Lareymondie, c’est se ranger dans le camp du vainqueur. En aucun cas il ne s’agit d’un choix acceptable d’un point de vue éthique, ni au premier ni au second tour.
Nous participons à la vie politique, par notre travail, nos choix de vie, nos engagements y compris associatifs, nous payons nos impôts et acceptons, contraints ou non, un ensemble de règles de vie communes. Nous bénéficions aussi des innombrables bienfaits de la vie dans une société de droits parmi les plus prospères de la planète. Que ce soit en termes d’équipements, de protection sociale ou de sécurité, nous sommes débiteurs d’une vie commune sous un même drapeau.
Refuser de voter, c’est faire fi de cette participation quotidienne à la vie de notre société. Refuser ce devoir élémentaire revient à tourner le dos à une partie de nous-mêmes, à cet être de relation, cet animal politique, que nous sommes aussi malgré nous.
S’abstenir n’est donc pas un choix, c’est un non choix, celui de Pilate : « je m’en lave les mains ! ». Choisir consiste le plus souvent à arbitrer entre des inconvénients, c’est le propre de toute décision et en particulier politique. Voter pour un candidat peut apparaître comme une décision particulièrement ingrate, mais c’est précisément en assumant les limites de notre décision civique que nous participons à la vie politique et œuvrons pour un bien commun qui n’est pas un « en soi », séparé de la réalité mais constitué d’une multitude de circonstances et de choix imparfaits par nature. Le monde n’est pas parfait, et les candidats, pas plus que nous, ne sont des purs. L’abstention est la tentation de la fausse bonne conscience cathare. A chacun donc de se déterminer au meilleur de son jugement prudentiel.
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