DSK, bouc… émissaire
Article rédigé par Philippe Oswald, le 30 mars 2012 DSK

Qu’on apprécie ou pas les dessins du caricaturiste Georges Wolinski, une de ses phrases, au moins, mérite d’être retenue : « Nous avons fait mai 68 pour ne pas devenir ce que nous sommes devenus »… Devenus quoi ? Des obsédés du sexe, du fric et du pouvoir…bref des esclaves exploitant d’autres esclaves, tout sauf des hommes et des femmes libres.

Difficile d’imaginer un représentant plus emblématique de cette déchéance d’une certaine élite que Dominique Strauss-Kahn. Brillantissime homme de gauche, riche, charmeur et polyglotte, deux fois secrétaire national du Parti socialiste, trois fois ministre, promis à la magistrature suprême par ses amis, par nombre de ses adversaires et par les sondeurs, nommé entre-temps à la tête du FMI avec le soutien de Nicolas Sarkozy, il aura vu son image fracassée par une matinée de trop au Sofitel de New-York. En quelques secondes, sa photo de prévenu menotté et pas rasé a fait le tour du monde. Depuis, la justice et les médias ne le lâchent plus, obligeant même les journalistes français à retrouver la mémoire ! Tout ce qu’ils savaient depuis belle lurette sur les frasques de DSK, secret de polichinelle pour le petit monde du Tout-Paris et le microcosme du Palais Bourbon, a crevé comme une bulle nauséabonde avec la plainte de la femme de chambre Nafissatou Diallo, suivie de peu en France par celle de la journaliste et écrivain Tristane Banon. L’air devient carrément irrespirable maintenant que l’affaire du Carlton de Lille débouche sur la mise en examen de DSK pour « proxénétisme aggravé en bande organisée », et cela au moment même où se joue à New York l’examen de la plainte au civil de Nafissatou Diallo … Les femmes sont au comble de l’indignation, les Français se sentent floués et définitivement ridiculisés sur la scène internationale, les socialistes ne veulent plus entendre parler de leur grand homme, et les euros-députés l’ont déclaré « persona non grata » (certains en des termes moins choisis).

Mais qu’est-ce qu’ils veulent tous à ce pauvre DSK ? N’est-il pas le modèle accompli de « l’homme libéré » tel qu’on nous l’enseignait sur les bancs de la Sorbonne au tournant des années soixante ? Souvenons-nous, chers camarades soixante-huitards : « Il est interdit d’interdire », « Jouissons sans entrave », « libérons la force orgasmique » ! Tous ces slogans badigeonnés sur les murs du Quartier latin ne résumaient-ils pas fidèlement l’enseignement universitaire doctement dispensé à l’ombre de la statue du cardinal Richelieu, sous l’égide des nouvelles stars de la pensée,  Wilhelm Reich, Deleuze, et autres Guattari ? Avec eux, nous étions sommés de dénoncer en chœur les « tabous »judéo-chrétiens : non seulement Dieu, l’Église, l’armée, les patrons (vieilles lunes), mais la famille, l’autorité paternelle, le lien conjugal, la virginité, la pudeur et bien sûr l’hétérosexualité  . . .et même l’interdit pédophile (n’est-ce pas, Daniel Cohn-Bendit ?). Autant de « structures d’oppression », du totalitarisme ! Même la jalousie dans le couple était réputée pathologique puisqu’elle supposait une élection sentimentale ! Or l’authenticité qu’exigeait la révolution sexuelle faisait litière du sentiment : plus question de dire au « partenaire » : « je t'aime», mais «je te veux », sauf à rester englué dans l’habituel refoulement petit-bourgeois-hypocrite …

Mais voilà, l’eau a coulé sous les ponts, une eau morne et sale, dont l’état de putréfaction est décrit de façon très réaliste par les romans désespérés de Houellebecq. Aussi quand elle découvre que dans ses moments de sincérité, Dominique Strauss-Kahn désigne ses partenaires sexuelles comme du « matériel » (livré par un grand humaniste surnommé Dédé la Saumure), l’opinion est saisie d’un haut-le-cœur. Sain réflexe de la nature humaine, rébellion contre sa prétendue « libération » par les trois concupiscences du sexe, de la richesse, et du pouvoir. Voici le temps des « indignés ».  Encore un effort, et ils découvriront peut-être à temps ce qui se cache derrière les nouvelles « avancées » sociales et éthiques promises au peuple par les démagogues non moins soixante-huitards qui briguent ses voix.

 

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