Article rédigé par Antoine Besson, le 30 mars 2012
ou Mes valeurs (changeantes) pour la France !
Il semblerait que la tribune du magazine Têtu soit le passage obligé de la présidentielle. Après François Bayrou, c’est au tour de Nicolas Sarkozy et François Hollande de passer au grill des questions des représentants de la communauté LGBT. Un exercice que le président-candidat réussit fort bien, en bon communiquant qu’il est ! Son intervention est cependant ponctuée de déclarations qui remettent en cause certains aspects de sa ligne de campagne telle qu’il l’avait définie dans son interview au Figaro Magazine du 10 février dernier. Décryptage des écarts démagos d’un candidat-président pas dingo.
Dans son dernier numéro, le magazine Têtu confronte à l’occasion de deux entretiens distincts le président sortant et le candidat PS aux questions LGBT. Nicolas Sarkozy, , tient, réponses après réponses, un discours habile propice à ne pas exclure ni braquer une communauté LGBT de droite. On n’en attend pas moins d’un candidat en campagne ! Certaines affirmations raisonnent cependant étrangement après l’interview de février dernier publié dans le Figaro.
Citoyenneté, sexualité et identité
Il est de bon ton quand on aborde des questions sensibles de procéder à une mise au point préalable. C’est ce qu’a entrepris Nicolas Sarkozy au début de cet entretien, alors que les journalistes attaquent d’entrée de jeu en rappellant la dispersion des positions au sein de l’UMP sur les questions se rapportant aux homosexuels.
Nicolas Sarkozy répond en prônant le respect et affirme que « les homosexuels sont des citoyens comme les autres ». « Ils ne sont pas réductibles à leur sexualité. De même qu’on n’est pas réductible à sa couleur de peau, ni au fait d’être chauve ou d’être chevelu, d’être petit ou grand. » Cela ne l’empêche pas cependant quelles que lignes plus loin de parler « d’identité sexuelle ». Trait d’union habile pour en venir tout naturellement au concept d’« identité homosexuelle » malgré la mise en garde précédente.
De même, l’art de dire des choses et - presque- , leur n contraire dans le même discours conduit le président-candidat à affirmer qu’« Il n’y a pas un problème homosexuel. Il y a le problème des minorités » tout en affirmant plus loin que « la France est à l’avant-garde du combat universel contre l’homophobie ».
Affirmer que les hommes et les femmes ne se réduisent pas à leurs sexualité mais élever celle-ci ou du moins son orientation dans le même discours à une « identité », relève du numéro d’équilibriste.
Et les valeurs ?
On attendait plus de fermeté de la part du candidat qui s’était lui-même défini comme prêt à défendre ses « valeurs pour la France » dans l’interview donnée en février au Figaro Magazine. Il déclarait à cette époque :« En ces temps troublés où notre société a besoin de repères, je ne crois pas qu'il faille brouiller l'image de cette institution sociale essentielle qu'est le mariage. »Vérité au Figaro, erreur au-delà ? .
« Je pense que c’est moins grave de laisser des situations de fait s’installer, s’apaiser… la société est tellement déstabilisée par les changements qui affectent son image, par la représentation qu’elle se fait d’elle-même que je ne pense pas qu’il soit venu le temps de dire : une famille ça peut être un père – une mère, deux pères ou deux mères. Je pense qu’il faut laisser la situation en l’état, dans une zone un peu indécise… » Nicolas Sarkozy répond donc à la question de l’ouverture de l’adoption aux homosexuels en affirmant que la société n’est pas prête. Une position qui sous-entend ainsi que la loi ne serait que l’expression d’un donné sociétal et de ses évolutions.
Le péché de l’Eglise
Sur le thème des valeurs toujours, Nicolas Sarkozy à l’occasion de cette interview s’est risqué à évoquer le Saint-Père et l’Eglise à propos de la lutte pour la reconnaissance de l’identité homosexuelle. Il a déclaré que Benoît XVI était « un homme assez ouvert », que « l’Eglise a évolué là-dessus » et que « les prises de position comme la [sienne] peuvent aussi faire évoluer les choses Et il ajoute : « Je n’aime pas l’idée de péché là où il y a une identité… La sexualité n’est pas un péché. A partir du moment où c’est entre adultes consentants, ce n’est pas un péché. C’est absurde ». Une opinion comme une autre, même si c’est celle du Président de la République , qui plus est chanoine du Latran .
Vanneste sacrifié
On ne sera pas surpris que le nom du député Christian Vanneste soit cité tôt dans l’interview. Nicolas Sarkozy se sert ici de cette affaire pour montrer sa détermination à lutter contre ce qu’il nomme « l’obsession anti-homo », y compris au sein de son propre camp. Là il fait fi de tout argument rationnel. Il assimile sans ambiguité la position de M. Vanneste à une position de rejet irrationnel et ne semble pas imaginer un instant que le député du Nord puisse ne pas se réduire à sa caricature.
Celui-ci a déclaré à la suite à l’interview de Nicolas Sarkozy dans Têtu :
"« L’homosexualité est diverse, elle appartient à la sphère privée et même intime et dans cette mesure doit être respectée. Elle ne saurait s’identifier à un groupe revendicatif et peu représentatif. »
« Monsieur le Président de la République qui n’est pas, dit-il, le candidat de l’UMP se félicite d’avoir obtenu mon exclusion de l’UMP. Outre l’inélégance à l’encontre d’un de ses plus fidèles soutiens, cette déclaration est d’une particulière gravité. Elle repose sur une intolérance dont je ne le pensais pas capable. Rien dans les statuts de l’UMP n’oblige à accepter l’institutionnalisation des relations homosexuelles, fût-ce à travers cette union avec répudiation par lettre recommandée qu’est le PACS à laquelle nombre de ses membres se sont opposés. Monsieur le Président, la liberté de pensée est un principe constitutionnel fondamental dans la République, et qui devrait être particulièrement respecté dans un parti libéral. Serge Klarsfeld avait d’ailleurs considéré l’hypothèse de mon exclusion pour avoir rappelé un fait historique comme ridicule. »
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La carte du discours changeant et de la démagogie fait certe partie du jeu électoral, mais la France semble attendre plus aujourd’hui de sa classe politique. La crise a fait évoluer les mentalités. Les Français réclament des débats de fond et des engagements concrets. Attention M. Sarkozy, l’addition pourrait être salée !