Article rédigé par Jacques Bichot, le 23 mars 2012
Nous l’oublions trop souvent les allocations de chômage correspondent à un sinistre et à un préjudice qui peut varier d’un licenciement à un autre d’une personne à une autre. Jacques Bichot propose de personnaliser davantage l’assurance chômage.
La constitution de Pôle emploi, par fusion entre les ASSEDIC (assurance chômage) et l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi, chargée de rapprocher les employeurs qui cherchent des collaborateurs, des chômeurs qui veulent retrouver un travail) est maintenant réalisée. Les règles qui président à l’indemnisation du chômage jouent évidemment un rôle important en ce qui concerne le retour à l’emploi : il est bien établi que l’attribution d’un revenu de remplacement proche du revenu d’activité, s’il est accordé sans condition pour une longue période, n’est pas favorable à une reprise rapide du travail ; en sens inverse, une personne qui vient d’être licenciée reprend pied plus facilement si son ménage n’a pas trop de problèmes budgétaires, ce qui plaide pour une indemnisation initiale généreuse. Les partenaires sociaux – car ce sont eux qui définissent les règles du jeu et gèrent l’assurance chômage – devraient donc prévoir une période relativement courte, par exemple trois mois, de forte indemnisation, suivie d’une décroissance rapide.
Un système moins bureaucratique
Cela vaut dans la majorité des cas, mais il existe des situations particulières, par exemple des pertes d’emploi correspondant à une diminution forte et durable des besoins de tel type de compétences. Dans ce cas, l’assurance chômage doit prendre en charge les nécessaires reconversions, et assumer plus longtemps le versement d’un revenu de remplacement relativement confortable. Il en va de même si le licenciement a provoqué un traumatisme qui requiert un important travail de deuil et de reconstruction. Autrement dit, l’assurance chômage doit profiter de son jumelage avec le service public de l’emploi pour devenir moins bureaucratique, plus réaliste. L’indemnisation du chômage correspond à la couverture d’un sinistre – c’est le principe même de l’assurance – et la gravité du sinistre varie d’un licenciement à l’autre : dans certains cas c’est une catastrophe et il faut engager des frais importants pour réparer les dégâts, tandis que dans d’autres cas le préjudice est léger. L’avenir de l’assurance chômage est donc certainement dans la personnalisation de ses prestations, et c’est là que la création de Pôle emploi prend tout son sens.
Attention à la personne
Cette personnalisation nous semble aller dans le sens de ce que préconise la doctrine sociale de l’Église : prêter attention à la personne, à ses spécificités, à celles de sa situation, à sa famille. Ne pas traiter les chômeurs comme des dossiers relevant d’un traitement purement administratif, mais comme des êtres humains ayant subi un préjudice dont il faut apprécier la portée, lorsque le cas est complexe, par une véritable expertise. En la matière, les principes généraux de l’assurance (indemniser le préjudice effectivement subi) rejoignent l’attention portée aux personnes qui est la base même de tout humanisme.
Rechercher le préjudice réel et les moyens de le surmonter au lieu d’appliquer mécaniquement des règles d’indemnisation en fonction de l’ancienneté dans l’emploi et de la durée du chômage constituerait une évolution importante. Pouvoirs publics et partenaires sociaux devraient collaborer pour la mener à bien.
Jacques Bichot est l'auteur de Les enjeux 2012 de A à Z Abécédaire de l’anti-crise coédité par l'Association pour la Fondation de service politique et L’Harmattan.
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