Article rédigé par Gérard-François Dumont, le 16 mars 2012
Dans tout pays, les effectifs des religions évoluent en fonction du nombre de personnes qui se reconnaissent dans les diverses religions et du nombre de personnes qui s’en écartent. Aux États-Unis, ce type d’évolution est tout particulièrement dépendant de l’immigration qui engendre des changements importants dans la répartition religieuse de la population.
En considérant la répartition religieuse dans le pays le plus peuplé de l’Amérique, la religion chrétienne continue à dominer puisque les trois quarts des États-Uniens se déclarent chrétiens, tandis que 15 % se disent « sans religion » et 3,9 % d’une religion non chrétienne, 5,2 % ayant refusé de répondre [1].
Toutefois, parmi les chrétiens, l’évolution est contrastée. De 2001 à 2008, le nombre des catholiques augmente d’un pourcentage supérieur (12,4 %) à la croissance démographique nationale des adultes (9,7 %), tandis que le nombre des protestants progresse moins (7,0 %) que cette moyenne nationale. Un élément explicatif de cette évolution favorable aux catholiques tient aux immigrations latino-américaines ou philippines composées d’un nombre élevé de catholiques.
À l’intérieur de la catégorie des religions protestantes, et même si d’autres facteurs peuvent s’exercer, comme l’abandon d’une religion, puisque les « sans religion indiquée » ont augmenté de 13,6 %, le phénomène migratoire s’exerce également. En effet, à côté de certaines religions protestantes (mouvements évangéliques, pentecôtiste et adventiste) et des témoins de Jéhovah, qui étendent leur influence surtout par la conversion, il faut noter la hausse des chrétiens orthodoxes (27,8 %), issus de migrations venues pour l’essentiel de pays de l’Europe orthodoxe, le rideau de fer s’étant effondré. À l’inverse, sont en baisse les luthériens (- 9,5 %), les presbytériens (-15,6 %), et les anglicans (- 30,3 %), toutes religions surtout implantées dans des pays qui ne fournissent plus guère d’immigrants aux États-Unis, soit le Royaume-Uni, l’Allemagne et la Suède.
Toutefois, au phénomène migratoire, il faut ajouter dans certains cas une fécondité moyenne plus élevée qui peut expliquer une partie de la hausse supérieure à la moyenne des mennonites (26,6 %) ou des mormons (17,1 %).
Quant aux religions non chrétiennes, leurs adeptes augmentent davantage (13,6 %) que la moyenne nationale et, donc, que ceux des églises chrétiennes. Toutefois, cette moyenne ne doit pas masquer de fortes différences. En effet, la croissance est élevée pour les sikhs (36,8 %) venus de l’Inde, même s’ils demeurent peu nombreux : 78 000 en 2008. La hausse est moins importante pour les musulmans (22,2 %), mais leur nombre est plus élevé (1 349 000), sous l’effet d’immigrations venant notamment du sous-continent indien, du Moyen-Orient (Liban, surtout) ou de pays musulmans d’Afrique subsaharienne, le Sénégal par exemple [2]. Le nombre des bouddhistes enregistre une augmentation (9,9 %) à peine supérieure à la moyenne nationale, mais avec une minorité significative, 1 189 000 adeptes. À l’inverse, le nombre des juifs diminue (-5,5 %) pour s’établir à 2 680 000 en 2008. Il est vrai que les grandes vagues de l’immigration juive aux États-Unis, provoquées par les pogroms de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle en Europe, puis la Shoah et ensuite leur expulsion des pays arabes, comme de l’Égypte en 1956, sont terminées. En revanche, des juifs américains peuvent faire leur aliya (littéralement ascension), c’est-à-dire émigrer en Israël, émigration notammant facilitée par la loi du retour votée en 1950 par Israël et qui confère à tout juif le droit d’immigrer en Israël et d’y devenir citoyen.
Ainsi l’analyse des religions aux États-Unis éclaire-t-elle sur le système migratoire de ce pays. Toutefois, l’immigration chinoise n’apparaît pas mais, d’une part, il se peut qu’elle se répartisse en diverses religions et, d’autre part, 11,2 millions d’habitants des États-Unis ont choisi de ne pas répondre à la question.
[1] L’enquête Aris, portant sur la population adulte, est fondée sur les déclarations des personnes enquêtées et non sur les chiffres déclarés par les religions. Elle distingue 32 types de chrétiens, 11 religions non chrétiennes et 5 types de personnes sans religion. Étonnamment, elle classe les musulmans dans une catégorie unique sans distinguer par exemple les sunnites et les chiites.
[2] Dumont, Gérard-François, Seydou, Kanté, « L’émigration sénégalaise » dans : Moriniaux, Vincent (direction), Les mobilités, Paris, Sedes, 2010.