Article rédigé par François Martin, le 16 mars 2012
La question des banlieues cristallise bien souvent les peurs, et à juste titre : quartiers de violences et de non-droit, repaires de truands et de maffias, « hubs » de réception et de vente de drogue, zones de ghettos culturels, lieux où se développent de nouvelles formes d’islam radical, toutes ces géographies et ces modes de vie s’entremêlent, de façon très imbriquée, et souvent contradictoire.
Au départ, un besoin économique a été la cause de leur développement. Elles ont été ensuite, et très longtemps, livrées à elles-mêmes [1], après que la décision du regroupement familial [2] ait fait d’un problème économique un problème social, et que trop de factions politiques, à gauche comme à droite, aient eu intérêt à en maintenir le pourrissement [3].
Aujourd’hui, malgré les gros efforts faits par le gouvernement Fillon, et que le candidat Sarkozy ne cesse de rappeler [4], il semble que le problème n’ait pas été réglé, et qu’il ne soit pas prêt de l’être, parce que les facteurs négatifs sont bien en place, et parce que plusieurs facteurs contribuent à leur pérennité.
Communautarisme
Tout d’abord, la communautarisation progressive de ces quartiers, amplifiée par une politique très laxiste d’octroi de la nationalité et de régularisation de clandestins, sans pour autant y avoir ajouté des mesures volontaristes et efficaces visant à l’intégration et l’assimilation, a fini par créer une espèce de « cancer » culturel et social, fait de frustration et de haine de la France, de la part de personnes se considérant comme étrangères, alors même qu’elles sont françaises [5]. A cela se surajoute le fait que la politique de l’immigration est une véritable passoire, au niveau français et européen [6], et que par ce biais, de nouvelles personnes immigrées, entrées légalement ou pas, non assimilées et non intégrées, viennent chaque année grossir le « cancer » en question.
La question de l’islam
Ensuite, L’islam ultra majoritaire dans ces quartiers est un facteur aggravant. Si l’on peut discuter à l’infini sur la possibilité, sur le plan théorique, qu’il puisse ou non exister un « islam modéré » [7], il n’en reste pas moins évidemment que cette religion est éminemment communautariste, personne ne peut le nier. La culture qu’elle véhicule est très différente de la culture occidentale pétrie de christianisme, où la liberté individuelle est valorisée, et même survalorisée, avec tous les excès que nous voyons [8]... Ceci ne veut dire en aucune façon que les musulmans, lorsqu’ils pratiquent leur religion, ne soient accessible ni au libre arbitre ni à la tolérance. Le prétendre est une stupidité, car au-delà de nos religions respectives, nous sommes tous des hommes capables d’écouter et de réfléchir. Par contre, ce qui est certain, c’est qu’elle ne tend pas, en elle-même, à favoriser une harmonieuse diffusion de ses membres dans notre société, en l’absence de fortes politiques d’intégration ad-hoc, et alors même que la plupart des musulmans eux-mêmes souhaitent vivement que ce mouvement soit engagé et réussi, et qu’ils sont prêts à faire de gros efforts pour cela [9].
Sous culture
A cette difficulté initiale s’en rajoute d’autres : beaucoup d’enfants et de jeunes de ces banlieues ont « avalé » un pseudo-islam, sorte de sous-culture primaire et sectaire, qui leur sert à exprimer leur frustration et leur déracinement [10]. D’autre part, et bien différent, est le mouvement de l’islam radical, structuré et organisé, qui se présente à la fois comme un puritanisme religieux, en réaction au laxisme de notre mode de vie [11], et comme une doctrine d’extrémisme politique, une sorte de « maoïsme », mouvement contestataire sur une base religieuse, visant à transformer et faire exploser nos sociétés de l’intérieur. Ces deux sociétés, celle du pseudo-islam primaire des jeunes et celle de l’islam puritain des activistes, sont toutes deux en croissance. Elles se nourrissent l’une l’autre, la première apportant à la deuxième un immense vivier de « recrues » potentielles, et la deuxième offrant à la première un idéal politique et, sous une forme ambitieuse et organisée, un exutoire à sa frustration.
L’économie de la drogue
En troisième lieu, se développe aussi dans les banlieues le phénomène des maffias et de la pègre, et en particulier par rapport à la drogue. Il y a dans ce phénomène une contradiction apparente avec la religion qui s’y pratique, puisque l’islam proscrit précisément, et fortement, le vol et le trafic, l’alcool et la drogue. Le fait que de nombreux jeunes justifient à la fois l’un et l’autre montre bien le désarroi dans lequel ils sont, et la pauvreté, en réalité, de leurs convictions religieuses. Par ailleurs, cette alliance objective de deux groupes ayant deux philosophies de la vie totalement opposées a aussi un sens, dans la mesure où, comme dans l’expression d’origine sud-américaine « narcoterroristes », l’un et l’autre représentent deux formes de pouvoir complémentaires dans les « quartiers », qui ont besoin l’un de l’autre : le radicalisme islamique donne une sorte de justification idéologique aux personnes des quartiers, dont la pègre peut avoir l’utilité, et la pègre, évidemment, fournit certainement aux groupes islamiques une part de leurs moyens financiers. La transformation des quartiers en zones de non-droit sert les deux populations, la pègre pour pouvoir travailler, et l’islam radical pour recruter ses réseaux. De plus, l’islam radical apporte une certaine forme d’organisation sociale dont la pègre a également besoin.
Déséducation
Un autre phénomène, encore différent, concerne la misère sociale, et en particulier la déséducation. Nous savons d’où cela vient : du décalage qui existe entre la première génération d’immigrés, d’un niveau social souvent bas [12], et celle de leurs enfants. Le mal est là, et il n’est pas « musulman » : pour ceux qui connaissent un peu les sociétés musulmanes, où la structure sociale est au contraire extrêmement forte, et les enfants très respectueux de leurs parents et très bien éduqués, rien n’est plus éloigné de celles-ci que cette espèce de société de voyous agressifs, orduriers et barbares, insultant facilement hommes et femmes, violents et mal élevés. Ce que nous voyons, ce ne sont pas les maux d’une société musulmane, mais bien ceux d’une société occidentale, avec tous ses travers de permissivité éducative [13], avec un vernis musulman par-dessus. Les véritables sociétés musulmanes le savent bien, qui déconsidèrent complètement ces « beurs », ce qui rajoute bien entendu à leur mal-être et leur déracinement.
Misère économique
Enfin, par-dessus tout cela, il y a évidemment la misère économique et le chômage, atténués, si l’on peut dire, par la religion (qui empêche une déstructuration plus grande encore) et le trafic de drogue (qui fournit aux quartiers des sommes considérables, dont les retombées font vivre beaucoup de gens). En l’absence d’une véritable action des pouvoirs publics, ces deux maux, communautarisation religieuse d’une part et maffias d’autre part, ont donc, d’une certaine façon, certains effets « positifs ».
On le voit, les maux des quartiers sont multiples : sociaux (communautarisation), familiaux (manques éducatifs), sécuritaires (violence, maffias, drogue), identitaires (octroi laxiste de la nationalité), économiques (chômage), scolaires aussi bien entendu, et pas seulement religieux. L’islam, dans tout cela, n’est que l’un des facteurs, souvent en contradiction avec les autres. Ce serait donc une erreur de vouloir en faire l’explication unique et principale du problème [14]. Il n’en reste pas moins que le nœud gordien sera très difficile à défaire, le moindre des paradoxes n’étant pas l’interrogation que l’on peut avoir sur la volonté réelle des pouvoirs publics pour le résoudre [15].
Mais nous ne pouvons pas terminer ce panorama sans rappeler que ce que nous décrivons, ce n’est pas toute la banlieue. D’abord, il n’y pas que des jeunes beurs musulmans déstructurés, mais aussi des milliers de femmes et d’hommes courageux et travailleurs, qui tentent et qui parviennent à élever leurs enfants et à s’en sortir, qui aiment la France de tout leur cœur. Pour beaucoup de ces ressortissants français d’origine étrangère de la troisième génération, l’intention d’intégration est réelle, et la réussite souvent au rendez-vous, ainsi que le sentiment que le dernier gouvernement a véritablement, et pour la première fois, voulu faire quelque chose pour eux [16]. Rien ne serait pire, de la part des chrétiens que nous sommes, que de n’y voir que des menaces, et jamais des opportunités. Sans nous cacher le reste, c’est peut-être cela qui est la première chose à faire : regarder nos banlieues avec un esprit positif et avec espoir.
[1] L’épouse de l’auteur a commencé sa carrière d’enseignante à Garges-lès-Gonesse au début des années 80, donc il y a plus de 30 ans. Le collège où elle enseignait était déjà muni de vitres pare-balles. Parmi ses élèves, on comptait déjà plusieurs jeunes proxénètes et gangsters. Le proviseur y était parfois « tabassé », sans que le rectorat ne réagisse. La police y intervenait déjà presque tous les jours…
[2] Sous Giscard, décret du 29 Avril 1976
[3] Accumuler les cadavres pour pouvoir monter dessus a toujours été, en politique, d’un intérêt certain. Le problème, avec ce genre de méthode du pire, c’est que le pire se produit forcément à un moment donné. Il semble bien qu’à force de le vouloir, nous y soyons arrivés.
[4] 43 Milliards d’Euros, essentiellement en rénovation urbaine, mais aussi pensionnats d’excellence, soutiens scolaires, Cordées de la réussite, etc..
[5] Phénomène excellemment étudié par Malika Sorel dans « Le puzzle de l’intégration » (Editions Mille et Une Nuits)
[6] 80.000 personnes légalement, au titre du regroupement familial et du mariage de ressortissants français d’origine étrangère avec des conjoints étrangers provenant de leur pays d’origine, auquel il faut ajouter entre 250 et 300.000 immigrés clandestins. Cf notre article « Maitriser l’immigration »
[7] Ce qui n’a pas beaucoup de sens si l’on ne fait rien pour qu’il le devienne…
[8] Il faut bien dire que pour la plupart des peuples de la planète, et pas seulement les musulmans, le mode de vie occidental, sur le plan de la sexualité et de la morale familiale en particulier, est à peu près l’image qu’ils se font de l’enfer… Notre philosophie libertaire n’est partagée en réalité que par une minorité de personnes dans quelques pays riches, et n’est en aucune façon pour les autres un modèle, mais plutôt un repoussoir.
[9] Puisqu’ils pâtissent au premier chef de ses dérives. Le recteur Boubakeur ne cesse de le rappeler.
[10] Cf l’excellent « Kiffe la France », par JF. Chemain, qui décrit merveilleusement cette pseudo-culture et ces mentalités.
[11] Cf NDBP N°8. Nous sommes en général très conscients du radicalisme musulman, mais pas du tout du nôtre, et du fait que leur puritanisme est la réponse à notre vie ultra permissive. Nous voudrions éradiquer ces mouvements, et nous avons raison. Sommes-nous prêts à renoncer à nos excès, et en particulier au « libre-service sexuel » qui nous caractérise ? Nous n’aurons pas l’un sans l’autre.
[12] A la différence des migrants asiatiques : pour les envoyer travailler en France, les familles d’Afrique du nord ont choisi en général leurs membres les plus pauvres. Au contraire, les réfugiés asiatiques étaient des boat-people, donc en général des membres de la bonne société, si ce n’est des enfants de ministres et hauts fonctionnaires, qui avaient pu payer suffisamment pour fuir. Les catégories sociales sont très différentes : les uns sont des fellah, les autres des bourgeois. Ceci explique pour une bonne part les différences d’intégration.
[13] On peut se demander d’ailleurs, au-delà des raisons objectives, si l’une des causes de la répulsion qu’inspire pour beaucoup de français le style de ces « beurs », et qui justifie leurs terreurs parfois irraisonnées, ne vient pas du fait qu’ils nous renvoient au visage nos propres vices éducatifs. Ce ne serait pas le moindre des paradoxes de ce problème.
[14] Dans l’ensemble de ces causes, nous l’avons vu, nos propres laxismes concourent pour une bonne part : abandon de notre culture et de nos racines, de nos normes sexuelles, familiales et éducatives, de notre fierté patriotique. Retrouvons cela, sans oublier de faire le reste.
[15] En effet, dans ces quartiers, islam revendicatif et maffias jouent, nous l’avons vu, un rôle social et économique important. Si on les éradique, il faut les remplacer par autre chose. Lorsque l’on discute avec des spécialistes, policiers par exemple, certains vous disent en confidence qu’avec les moyens adaptés, on saurait aujourd’hui résoudre le problème de la drogue en assez peu de temps. Mais voulons-nous nous donner ces moyens ? Et que deviendrait le niveau de vie des quartiers sans la drogue ? Quelles perspectives de travail avons-nous à offrir en remplacement ? C’est une vraie question. Dans un contexte de crise et de diminution des moyens publics, on peut donc légitimement se demander si, à l’instar de ce qui se passe dans les prisons, où sont souvent tolérés prosélytisme religieux et trafics de toutes sortes, pour pallier au manque de surveillants, l’Etat n’a pas aujourd’hui intérêt tout simplement à laisser faire, et ne préfère pas un « cancer relatif » plutôt qu’une explosion sociale…
[16] Cf « Pourquoi les banlieues sont de droite », par Camille Bedin (Plon). http://www.terrafemina.com/culture/livres/articles/11215-l-pourquoi-les-banlieues-sont-de-droite-r-par-camille-bedin.html