Article rédigé par Thierry Boutet, le 23 février 2012
Il y a une semaine au cours d’une conférence débat au centre Bernanos Roland Hureaux présentait son essai intitulé La grande démolition. Pour notre ami, la plupart des réformes depuis trente ans ont été contreproductives. Il soutient, en effet, de manière un peu provocatrice, que si les gouvernements de droite comme de gauche s’étaient gardés de faire autant de réformes, les choses n’iraient pas plus mal et beaucoup moins d’argent aurait été dépensé.
Il est vrai que « faire de la politique » semble aujourd’hui synonyme de « faire des réformes ». « Réformer », « changer », sont devenus les mots magiques de la politique. La gauche, si elle arrive au pouvoir , nous promet de changer de politique, de changer la France, de faire enfin les « bonnes » réformes. Quant au Président sortant, il tente de rattraper son handicap en nous assurant qu’il a lui-même changé et qu’il va réformer ce qu’il n’a pas encore pu faire. Et ne parlons pas des autres candidats dont l’ardeur réformatrice n’a d’égale que leur ambition électorale. La thèse de Roland Hureaux semble donc avoir de l’avenir !
Tout se passe comme si les candidats n’avaient qu’un souci : convaincre les Français que leurs réformes seront meilleures pour leur porte-monnaie et leur tranquillité que celles de leurs concurrents. Séduire le plus grand nombre, mécontenter le plus petit nombre d’ électeurs, habiller son discours de belles promesses et le parsemer de formules à l’emporte-pièce auxquelles on ne croit guère, voici les atouts d’une campagne réussie.
Mais il y a un changement dont on ne parle guère. C’est celui de nos propres comportements. Inviter les Français à renoncer librement à leurs privilèges, aux innombrables droits acquis qui ne sont que des traites sur la génération future, se serrer volontairement -un peu - la ceinture, décider pour soi-même de consommer différemment, qui ose l’évoquer, qui ose surtout en donner l’exemple ? Les « chrétiens indignés » s’engagent dans cette voie totalement à contre-courant de la pensée dominante. Utopique, dirons certains. Mais la politique vidée de l’éthique ne court-elle pas au totalitarisme ? Moins une société est vertueuse, plus il est nécessaire pour protéger ses membres d’agressions ou d’injustices de toutes sortes de lui imposer des règles par la Loi. Le carcan remplace alors la liberté. La politique de l’ordre moral est sans doute la pire des politiques, mais l’ordre moral n’est-il pas encore le meilleur rempart connu à la dictature politique, fut-elle celle d’une administration démocratique ?
De ce point de vue, ni Roland Hureaux ni nos chrétiens indignés n’ont tort. A ceci près, que la vertu ne se prêche que par l’exemple et l’exemple vient d’en haut. Ce n’est pas de projets de réformes dont nous manquons mais d’hommes et de femmes exemplaires. La lacune est immense. Les élites ont largement failli.
On nous parle du divorce entre la France d’en haut et celle d’en bas. Ce divorce existe bel et bien. La France du travail, la France qui se lève tôt, la France généreuse n’a pas besoin qu’on la bonimente mais elle attend le « bon »exemple de ses chefs et de ses patrons. Il nous faudra donc faire en mai prochain non seulement le deuil de l’homme providentiel pour présider dans les années qui viennent le destin de la France mais encore de « l’honnête homme », au sens ou l’entendaient nos ancêtres du XVIIème siècle. Triste perspective s’il ne restait à chacun d’entre nous la voie du témoignage. Un témoignage qui peut devenir héroïque, éventuellement jusqu’au martyre, comme le dit, dans l’entretien exclusif que nous publions ici même cette semaine, Mgr Sabbah, pour les chrétiens du Moyen orient.