Guerre ou Paix ?
Article rédigé par Jean Flouriot, le 23 février 2012 les ressources strictement indispensables à la préparation des opérations ont aujourd’hui atteint un niveau plancher

Depuis plus d’un demi-siècle la France vit en paix. C'est-à-dire que les frontières de la métropole ne sont pas menacées, ni nos territoires lointains. Et pourtant,  il ya plus de 20 000 hommes de troupe hors du territoire métropolitain et dans le courant de l’année 2011 des opérations de guerre ont été menées sur trois fronts : l’Afghanistan, la Côte d’Ivoire et la Lybie. On peut y ajouter la lutte contre la piraterie dans l’océan Indien (Atalante), la protection de nos ressortissants dans plusieurs pays africains, la lutte contre les narco-trafiquants…

Notre monde n’est pas en paix même s’il n’y a pas actuellement de guerre entre pays : les conflits en cours sont des révoltes ou des guerres civiles. Le Moyen-Orient est toujours aussi instable : que se passera-t-il si Israël bombarde les installations nucléaires iraniennes ? Le printemps arabe a tourné à l’hiver islamique et le Sahara est la proie de groupes de plus en plus lourdement armés qui trafiquent la drogue, les hommes et les armes, menaçant directement le Mali mais aussi la Mauritanie et le Niger. Toute la rive sud de la Méditerranée et le territoire africain, au-delà, jusqu’aux pays du Sahel, deviennent pour nous une « zone à risque ».

Ailleurs dans le monde, la paix n’est pas plus assurée. Les pays asiatiques ont considérablement augmenté leurs achats d’armement depuis une dizaine d’années ; la Chine procède à une très rapide mise à niveau de ses armées, le budget officiel de sa défense augmentant chaque année d’au moins 15%. La puissance américaine est sans égale mais pourtant elle n’a pas répondu aux ambitions des États-Unis en Irak et pas d’avantage en Afghanistan. La stratégie mondiale des Américains abandonne l’hémisphère atlantique pour se concentrer sur le Pacifique.

Variable d’ajustement

Le monde est dangereux : sommes-nous prêts à faire face au danger ?

Le budget 2012 de la défense est de 31,8 milliards d’euros. C’est beaucoup mais c’est moins que le paiement de la dette (48,8 milliards) et environ la moitié du budget de l’Éducation nationale. C’est aussi le budget sur lequel le gouvernement fait le plus facilement des économies : la loi de finance rectificative d’août 2011 avait annulé 222,5 millions du budget de la Défense, soit 48% des « économies » décidées à cette date. Dès le mois de février 2012, ce sont 335 millions d’euros qui sont annulés, représentant 28% de l’ensemble des nouvelles économies demandées à l’État. La Défense apparaît bien souvent comme la variable d’ajustement financier : « la grande muette » ne fait pas grève mais l’insatisfaction est grande dans toutes les armées, reflétées par les sites et blogs sur le web.

Le langage des chefs d’état-major est plein de retenu mais lorsqu’ils se sont présentés devant les commissions parlementaires lors de la discussion du budget à l’automne dernier, ils ont tous fait remarquer les limites des ressources dont disposent les armées :

  • « les ressources strictement indispensables à la préparation des opérations ont aujourd’hui atteint un niveau plancher qui peut menacer à court terme la préparation opérationnelle de nos forces », dit le chef d’état-major de l’armée de terre (CEMAT),
  • le chef d’état-major de la marine fait remarquer que pour assurer la guerre en Lybie il a fallu arrêter plusieurs opérations en cours, renoncer à certains entraînement et que l’engagement du porte-avion, des bâtiments de projection et de commandement et des avions de surveillance aérienne était supérieur de 30% à l’allocation budgétaire annuelle,
  • au même moment, 44 des 234 avions de combat de l’armée de l’air (soit près de 20%) était déployés à l’étranger, sur 7 sites différents, exigeant des moyens logistiques importants.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation est tendue et que bien souvent, il faut déshabiller Pierre pour habiller Paul. Le maintien en condition des groupements opérationnels se fait par prélèvement sur les corps métropolitains : pour qu’une frégate anti-aérienne soit en permanence au large de la Lybie, il a fallu dépouiller en partie une autre ; l’aviation n’a que 60% de son potentiel disponible…

Le budget de la défense représentait 3,4% du PIB en 1970, 3% en 1990, 2,5% en 2000, aujourd’hui c’est à peine 2%. La Défense sera-t-elle la principale victime de la dette ?

 

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