Nouveaux mondes – Carnets d’après guerre froide
Article rédigé par , le 15 février 2012 Nouveaux mondes

Où sont passés nos Siegried, Renouvin, Leroy-Beaulieu et autres Duroselle ? La mémoire de ceux-là durent et perdurera sans doute plus longtemps chez les esprits distingués et dans nos bibliothèques que bien des professeurs contemporains de sciences politiques. Encore est-ce de leur part une concession involontaire aux temps anciens que d’énoncer enseigner les «relations internationales» puisque le mot nation se glisse dans l’intitulé, alors que leur premier propos paraît en priorité de vouloir nier au principal la réalité de la chose, subsidiairement, son caractère bienfaisant pour l’équilibre du monde.

Car, assez subtilement mais de façon non moins assurée, un Bertrand Badie, à l’image de ses collègues de la même école, tout en s’en défendant évidemment mélange le normatif au descriptif. Il dit - un peu - les choses comme elles sont, mais beaucoup plus comment elles ne sont pas assez et commet elles devraient être. Comme cette fuite en avant – qu’ils qualifieront de prospective si ce n’est, pour reprendre les termes de l’essai de Kant, de prolégomènes pour une paix perpétuelle – correspond en gros aux canons de notre époque tels qu’ils sont promus, de manière emblématique, par le demi-frère du fameux disc-jokey, Bernard Guetta, dans Libération (et de façon plus alambiquée, partout ailleurs, par un Alexandre Adler), on comprend que les parents aient du souci à se faire pour leurs rejetons science-potards.

Confiance aveugle dans l’avenir, européisme non critique, promotion du mondialisme de droit, vision faussée pour ne pas écrire pervertie ou perverse (jadis, on disait ‘‘tendancieuse’’), plus que véritable analyse, du passé des nations et des civilisations, le fameux duo prôné par Gramsci pour toutes les têtes pensantes et politiques, «Pessimisme de l’intelligence, optimisme de la volonté», est ici remplacé l’optimisme du mental et la bonté naïve de la volonté, par la conviction, avant tout, du caractère suranné du droit des gens (et de ce qui allait de tout temps avec lui de pair, c’est-à-dire un peu de droit naturel dans une théodicée qui ne dit pas son nom, ou qui ne saurait, de nos jours plus encore, ne s’énoncer que sous le terme de « géopolitique ».)     

Faut-lire Badie ? La réponse est positive, ce, en raison même de cette jeunesse de l’adulte qui, regardant le monde, n’y pense pas à mal et ne comprend pas vraiment comment un Alain Besançon ait pu en dire qu’il était au fond, et depuis ses origines, un vaste crime contre l’humanité ou que, dans la même veine, un Raymond Aron ait pu dire de Giscard : il ne sait pas que l’Histoire est tragique. On a donc là un cours reposant, à méditer au second degré, Bainville de l’autre main, en contrepoint.

 

Hubert de Champris

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