Un enjeu politique : l’autonomie comme moyen de donner à chacun intérêt à bien faire
Article rédigé par Lionel Devic, le 31 janvier 2012 école

La confiance est, dans l’éducation, le premier moteur de la réussite ; or dans le domaine scolaire, les trente dernières années ont accouché d’une société de défiance.

L’accumulation des réformes et des moyens mis en œuvre depuis une génération débouche, au bout du compte, sur de nouvelles tranches d’âge pour partie sacrifiées sur l’autel d’un système épuisé et inadapté car réformé « d’en haut ».

L’Etat n’a plus la confiance des acteurs de l’éducation (parents, éducateurs, professeurs, directeurs). Ces derniers ne se font plus confiance les uns les autres. Ils sont de plus en plus nombreux à se tourner vers le secteur privé. L’accroissement du nombre d’établissements (et de classes) hors contrat est aussi le révélateur des difficultés que rencontre l’enseignement privé sous contrat, « associé au service public de l’éducation », pour développer librement des projets adaptés à la situation.

Quelle réforme redonnera la confiance ?

Le système éducatif français actuel, dont la performance est insatisfaisante, est difficilement soutenable budgétairement.

L’OCDE montre clairement que le système éducatif français est plus coûteux que la moyenne en ayant des performances à peine moyennes. Pour améliorer la qualité de l’éducation, la solution n’est donc a priori pas dans le renforcement des moyens publics alloués à l’éducation publique, toutes choses étant égales par ailleurs. De surcroît, la proportion d’élèves en échec s’accroît et notre système est jugé moins efficace que la moyenne de l’OCDE pour réduire les inégalités sociales [1].

Dans le contexte de l’explosion des prélèvements obligatoires, arrêter la progression de la dépense publique d’éducation devrait s’imposer comme un objectif consensuel. 

En effet, multipliée par 1,8 depuis 1980, la dépense intérieure d'éducation (DIE) représente 6,9% du PIB en 2009, soit 132,1 milliards d'euros, ce qui représente 7 990 euros par élève ou étudiant et 2 050 euros par habitant [2]. Le coût moyen par élève, tous niveaux confondus, progresse sur la période 1980-2009 de 1,9% par an en prix constants. En 2009, l’Etat a consacré 34% de son budget, tous ministères confondus, à l’éducation.

La situation économique et budgétaire remet à l’ordre du jour la question du coût du public et du privé, avec celle du libre choix.

Un enfant scolarisé dans le privé coûte en France moins cher à la Nation (Etat, collectivités locales, ménages, entreprises..) que s’il était dans l’école publique. Ce constat, même peu documenté, est incontesté. Le Ministère de l’éducation nationale et l’INSEE ne donnent aucun chiffre sur cette question. Par déduction à partir des dépenses totales (courantes + capital) pour l’enseignement pré-élémentaire, élémentaire et secondaire en 2008, telles que publiées par le Ministère de l’Education nationale [3] , et de la population scolaire indiquée par ce même ministère [4], on parvient à un coût de 7386 euros pour un élève dans le primaire ou le secondaire dans le public en 2008 contre 5490 dans le privé.

D’autres estimations sont avancées telles celles de l’IFRAP [5] en 2010 qui estime à 4519 euros le coût d’un enfant dans le public contre 3398 euros dans le privé (il semble que les dépenses en capital n’aient pas été prises en compte dans cette évaluation).

Une approche par la performance éducative (non par la simple rentabilité économique) conduirait également à soutenir le développement de l’enseignement privé. L’OCDE constate en effet de meilleures performances pour l’enseignement privé dans le monde (même après avoir gommé les différences liées aux origines sociales des enfants [6]).

Si les politiques et groupes de pression s’opposent encore violemment sur cette question, cette dernière n’est paradoxalement plus polémique au niveau de l’opinion publique. Les sondages disponibles témoignent de la demande croissante des familles de renforcer l’accès à l’enseignement privé.

L’autonomie, véritable outil de reconnaissance des acteurs de l’éducation

Par pragmatisme, et au-delà de la question du financement du secteur privé, l’urgence éducative impose de soutenir en premier lieu toute mesure qui conduit à une plus grande autonomie des établissements scolaires tant publics que privés.

Les établissements scolaires autonomes sont conformes au principe de subsidiarité, principe d’organisation trop souvent méconnu y compris dans les écoles privées sous contrat. L’autonomie est performante, d’un point de vue académique : « un plus grand degré d’autonomie dans les décisions portant sur les programmes, les évaluations et l’affectation des ressources est en général associé à une meilleure performance des élèves, en particulier lorsque la culture de la responsabilisation est favorisée dans le système d’éducation. » Tel est le constat formulé par une étude de l’OCDE  parue en octobre 2011 et qui s’appuie sur les résultats de l’enquête Pisa.

Le plan de sauvetage de l’école doit donc se fonder sur le constat qu’impose la réalité : le cadre bureaucratique et idéologisé de l’Éducation nationale est devenu un fardeau tant pour les professeurs et directeurs que pour les parents ; l’infrastructure administrative devrait plutôt être légère et mise au service des enseignants, pour le bien des élèves.

La refonte de notre système scolaire doit reposer sur des établissements à taille humaine et autonomes dans leur gestion, tant financière que pédagogique.

Les professeurs du public comme du privé doivent pouvoir choisir librement leur établissement et leurs méthodes mais seront tenus comptables des résultats de leurs élèves.

Les directeurs d’établissement doivent pouvoir recruter les professeurs et éducateurs en fonction du projet de l’établissement, et évaluer leurs aptitudes à conduire leur classe et participer au projet de l’établissement.

L’évaluation objective des établissements devra être portée à la connaissance de tous dans un cadre dont l’indépendance sera assurée.

Dans ce contexte, il devra alors être donné aux parents les moyens de choisir pour leurs enfants l’établissement adapté à leurs besoins.

C’est cette autonomie qu’appellent le retour à la réalité budgétaire et l’échec scolaire, pour que soit effective la liberté de l’éducation sans laquelle il n’y a pas d’éducation à la liberté.

 

Lionel Devic

Président de la Fondation pour l’école

 

Voir également notre entretien vidéo : l'autonomie pour sauver l'école ?

 

[1] étude PISA 2009 :  http://www.oecd.org/document/61/0,3343,en_2649_35845621_46567613_1_1_1_1,00.html ; commentaires de l’OCDE sur la France :  http://www.oecd.org/dataoecd/33/7/46624019.pdf

[2]  http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=0&ref_id=NATTEF07303

[3] Chapitre 10. 4 du  RERS 2010 : http://media.education.gouv.fr/file/2010/16/9/RERS_2010_152169.pdf

[4]  http://www.education.gouv.fr/pid338/l-education-nationale-en-chiffres.html#Les grands chiffres 

[5] http://www.ifrap.org/10-idees-fausses-sur-l-enseignement-public-prive,11932.html)

[6] p 15 du support de la conférence donnée le 2 juin 2010 au Palais du Luxembourg par Andréas Schleicher, conseiller spécial du SG de l’OCDE, chargé des politiques de l’éducation http://www.fondationpourlecole.org/index.php?option=com_content&task=view&id=113