Révolutions arabes : Rien n’est simple
Article rédigé par François Martin, le 12 janvier 2012

Les médias, suivant les recettes de la publicité plutôt que celles de l’information, ont une certaine tendance à nous présenter les révolutions arabes en nous racontant une histoire pour enfants et en nous passant un film en noir et blanc.

Premier chapitre, le « romantisme révolutionnaire » : par une sorte de nécessité de l’Histoire, un grand vent pousse partout des « bons » manifestants à chasser de « mauvais » despotes, pour que s’instaure ensuite (on ne sait pas trop comment d’ailleurs) une société idéale, c’est-à-dire comme la nôtre. Deuxième chapitre, le « péril vert » : une fois que la révolution a eu lieu, et que les partis islamiques, comme il fallait s’y attendre, ont pris le pouvoir. Les nouveaux gouvernements sont alors frappés d’ostracisme car la charia y est programmée à terme avec une absolue certitude. On refuse donc de les croire légitimes, malgré qu’ils aient été élus par les peuples. La vérité est-elle aussi simple ?

En Syrie

Dans ce pays, depuis des mois, Mgr Jeanbart, évêque grec melkite catholique d’Alep, excellent connaisseur donc de la situation locale, ne cesse de dire que la réalité n’est pas celle que l’on voit à la TV, que les milieux qui veulent déstabiliser Assad sont minoritaires dans le pays, que la chute brutale du dictateur provoquerait immédiatement l’instauration d’un régime islamiste fondamentaliste, et qu’il faut une réforme progressive et non pas brutale. Quel écho lui donne-t-on ?

Dans une interview très récente donnée pour le Figaro à Georges Malbrunot, il va encore plus loin, en disant qu’il ne comprend pas la position de la France, qui joue clairement contre ses intérêts.

Sous une autre forme, la géopoliticienne Hélène Nouaille montre à la fois l’historique de cette déstabilisation, qui ne tient pas tant au despotisme de Bachar ni à son rejet par le peuple qu’aux ambitions de certaines minorités, les risques d’un changement brutal de régime, et aussi les jeux complexes de puissances comme la Chine ou la Russie.

Face à cette situation, on remarquera que le discours que vient de prononcer Assad, avec l’annonce d’une nouvelle constitution, ce qui est quand même un moment d’inflexion majeur, n’a pas d’écho dans la presse.

Quelles conclusions faut-il en tirer ? Que l’opinion est composée d’enfants, incapables de comprendre un raisonnement complexe, ou bien qu’un commentaire fait avec deux idées fausses bien chargées d’émotionnel est plus facile à vendre ? Les deux, sans doute… 

En Tunisie

A Tunis, des incidents ont eu lieu récemment, à l’arrivée de Ismaïl Haniyeh, représentant du Hamas palestinien, invité comme un chef d’Etat pour une visite officielle de 5 jours.

Au milieu de la foule, des cris de haine ont été proférés, appelant à tuer les juifs. Bien sûr, le leader d’Ennahda, Rached Channouchi, a immédiatement réagi, en défendant la pluralité et la tolérance légendaires de son pays, mais le mal est fait. La communauté juive de Tunisie est inquiète, et les communautés étrangères aussi. 

Pendant sa visite, se sentant pousser des ailes, comme on pouvait s’y attendre, Ismaïl Haniyeh s’en est évidemment donné à cœur joie [1].

Il a été traité lors de son séjour de « Guide de la Palestine », ce qui n’a pas été du goût de Mahmoud Abbas, l’autre leader palestinien, qui a décliné l’invitation qui lui était faite

Pourquoi, dans une période ultra-sensible, les tunisiens ont-ils invité ce leader ? Etait-ce utile et nécessaire ? Ces dérapages n’étaient-ils pas prévisibles ? Emportés par leur passion, ils sont tombés dans le panneau. Tout ceci évidemment sera du plus mauvais effet, non seulement sur les pays arabes eux-mêmes,  ce qui est un comble, mais aussi et surtout sur les opinions étrangères, sur le tourisme, sur l’investissement, et donc sur le travail, la seule chose qui intéresse réellement, de haut en bas de la hiérarchie sociale, tous les tunisiens… On peut raisonnablement penser que ce gouvernement ne fera pas très long feu.

Les autres partis centraux démocrates ont très bien senti ce « vide politique », et s’organisent déjà rapidement pour en profiter.

En Syrie, malgré la féroce répression mieux vaudrait dialoguer avec le despote ; en Tunisie, un gouvernement islamique, amateur et maladroit, loin d’être aussi terrifiant qu’on le dit, ne cesse de se prendre les pieds dans le tapis, et perd sa crédibilité à grande vitesse. Où donc l’Histoire s’écrit-elle en noir et blanc ?

 

[1] Le 8 janvier 2012, à Tunis, à l'occasion de sa première sortie de la bande de Gaza depuis la prise du pouvoir par le Hamas en 2007, Ismaïl Haniyeh qui a entreprit une « tournée régionale » dans plusieurs pays musulmans, a promis « des jours difficiles » à Israël et a appelé «les peuples du printemps arabe à lutter pour la Palestine » > Il a déclaré sous les ovations de près de 5,000 personnes qui s’étaient essuyées les pieds sur une étoile de David, à l'entrée de la coupole de Menzah, où se tenait le meeting, de ne pas « céder un seul bout de la Palestine » de « continuer le combat » et de ne pas « lâcher les armes » en appelant « les peuples de la Révolution à bâtir l'armée d'Al Qods ». Les représentants officiels du Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas, ont regrettés ne pas avoir été associés à la visite de Haniyeh. (Source : Wikipedia)

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