Article rédigé par Entretien avec Matthieu Grimpret*, le 01 juin 2007
En 1968, le célèbre magazine new-yorkais Newsweek se demandait si la foi chrétienne avait encore un avenir aux États-Unis. Moins de dix ans plus tard, le même magazine déclarait l'année 1976 année des évangéliques .
Entre les deux, un réveil religieux comparable à celui des années 1740 est venu ébranler une nation prétendument placée, dès son indépendance, sous la conduite de Dieu .
Depuis, l'Amérique, une certaine Amérique, a pris les couleurs de l'évangélisme, et ce dans tous les domaines : spirituel bien sûr, mais aussi culturel, artistique, social, éducatif, commercial et politique. Certains estiment même que la politique étrangère de George W. Bush favorise le déploiement de bataillons d'évangélisateurs lancés à la conquête du monde (Nouvel Observateur - décembre 2004). Conçu et accompagné par Matthieu Grimpret, spécialiste de politique américaine, l'agence Ictus Voyages propose un voyage exceptionnel et inédit, un road trip qui conduira les participants de Chicago à Atlanta, à la découverte des différentes réalités du monde évangélique américain : mega church , shopping chrétien , conférences / rencontres avec des universitaires, des pasteurs, des responsabilités politiques...
Un des points forts de ce voyage sera la rencontre avec Ralph Reed Jr, président du parti républicain de Géorgie, co-fondateur et ancien directeur de la Christian Coalition, conseiller du président George W. Bush. À un an des premières primaires pour l'élection présidentielle de 2008, Matthieu Grimpret nous en dit un peu plus. Propos recueillis par Géraldine Vasse.
GERALDINE VASSE. — Pouvez-vous tout d'abord nous dire ce que signifie "évangélique" ?
MATTHIEU GRIMPRET. — Évangélique est un mot piégé. Le premier sens, bien sûr, se rapporte à l'Évangile : de fait, catholiques, protestants, anglicans, orthodoxes, tous les chrétiens sont d'abord des évangéliques, puisqu'ils ont entendu la Bonne Nouvelle, l'eu-angelos !
Historiquement, "évangélique" a d'abord été utilisé en Europe pour désigner les Églises luthériennes. Mais aux États-Unis, et dans les Églises protestantes nées de l'autre côté de l'Océan Atlantique, "évangélique" désigne un courant religieux qui, en plus des trois piliers classiques de la foi protestante (sola fide, sola gratia, sacerdoce universel) met en avant la rencontre personnelle avec Dieu, la nécessité du renouveau permanent de la vie spirituelle, la puissance de l'Esprit-Saint. Bref, c'est une foi profondément marquée par le subjectivisme post-moderne.
Pourquoi les États-Unis sont-ils tant marqués par la religion ?
Remarquez bien que les États-Unis, en tant que tels, n'ont pas de nom. Les États-Unis, c'est un projet, une aventure. Cette aventure consiste, comme le dit l'un des penseurs de l'époque de l'Indépendance, Thomas Paine, à "recommencer le monde". Or, cette aventure a trois racines : le rationalisme déiste, le commerce atlantique, le puritanisme. Dès le départ, les Pères pèlerins du Mayflower, par exemple, ont eu à coeur d'édifier "the city on the hill", la ville sur la montagne, comme dans la Bible. On n'est pas loin de la théocratie... Et toute l'histoire des États-Unis est traversée par ce qu'on appelle les "revivals", ces gigantesques lames de fond religieuses qui, deux ou trois fois par siècle, réveillent les croyants. Actuellement, les EU en vivent une particulièrement originale.
Jusqu'au billet vert qui porte la mention In God we trust ... De prime abord on est tenté de rejeter cet amalgame du matériel et du spirituel ? Quelle lecture avez-vous de cette fusion ?
Il n'y a pas à proprement parler de fusion. Par ailleurs, il n'y a pas une mais des Amériques. Vous pouvez parfaitement vivre aux États-Unis sans jamais avoir à faire à la prégnance de la religion dans la vie sociale... sauf sur les billets ! Même le président qui jure sur la Bible n'est pas représentatif : seuls 50 % des citoyens américains (sans compter, donc, les millions d'illégaux) participent aux élections. En revanche, l'Amérique chrétienne, qu'on peut estimer à une bonne moitié du corps social, n'est pas chrétienne à moitié. Là, oui, la foi chrétienne peut tout imprégner. Pour le meilleur et pour le pire, comme le montre le récent film-documentaire Jesus Camp...
Quelles réalités du monde évangélique allez-vous nous faire découvrir durant ce voyage ?
Toutes ! Non, sans blaguer, mon désir est de faire comprendre aux participants que le monde évangélique est bel et bien un monde, c'est-à-dire qu'on peut, comme je le disais précédemment, vivre dans un univers où tout — église, bien sûr, mais aussi divertissements, enseignements, commerce, médias, etc. — est labellisé "chrétien". Comprendre le monde évangélique américain, c'est accorder autant d'importance à une méga-church hyper médiatisée qu'à une entreprise du style Christian Flowers — oui, oui, ça existe !
Quelles personnalités rencontrerez-vous ?
Nous rencontrerons plusieurs pasteurs, des responsables d'oeuvres caritatives, des professeurs d'universités chrétiennes, des théologiens, des chrétiens engagés en politique...et bien sûr, le principal, des "chrétiens de base".
Ce voyage a-t-il pour but de convaincre ceux qui n'adhèrent pas au modèle américain ou rejètent la politique de George Bush ?
Oh que non ! Pour une raison bien simple, c'est que nous essaierons, en un temps hélas trop réduit, de se faire une idée de toutes les réalités du monde évangélique, sans rien passer sous silence, sans rien cacher, avec la plus grande honnêteté intellectuelle possible. Vous savez, au sein même du monde évangélique, il existe de grandes différences de sensibilité : tous obéissent au Christ, mais tous ne votent pas George W. Bush ! Nous aurons l'occasion de le toucher du doigt, c'est certain. Par ailleurs, des théologiens nous décortiqueront par exemple le phénomène des méga-churches, sur lequel il y a énormément à dire — et pas qu'en positif ! Cela dit, l'ouverture doit être totale, dans un sens comme dans un autre : nous avons aussi beaucoup à apprendre, non seulement les chrétiens mais tous les êtres humains, de ce qui se passe "abroad" ! À l'approche des élections présidentielles de 2008, celles de l'après-Bush, ce voyage n'en a que plus d'intérêt.
* Matthieu Grimpret est professeur d'histoire, doctorant à l'IEP de Paris. Dernier ouvrage paru : Dieu est dans l'isoloir (Presses de la renaissance), 2007.
Pour en savoir plus :■ À la découverte du monde évangélique,
du 27 octobre au 4 novembre 2007
Agence Ictus-Voyages
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