Article rédigé par Gérard Leclerc*, le 19 janvier 2007
Les deux phrases lapidaires inscrites sur la couverture du "Monde des religions" résument à elles seules les données d'un sondage qu'il publie sur les Français et le catholicisme. "Seul un Français sur deux se déclare encore catholique.
Seul un catholique sur deux croit encore en Dieu." La seconde position aurait un air ubuesque si l'on ne comprenait immédiatement que la dénomination catholique se rapporte plus à une culture, un héritage patrimonial qu'à une foi réfléchie à assumer en rapport avec un donné dogmatique qui lui confère sa cohérence...
Le directeur de la publication insiste à dessein sur ce point : "Non seulement un catholique sur deux ne croit pas ou doute de l'existence de Dieu mais, parmi ceux qui affirment croire, seulement 18% croient en un Dieu personnel (ce qui est pourtant un des fondements du christianisme), tandis que 79% croient une force ou une énergie."
Impossible de mettre en doute ce diagnostic de Frédéric Lenoir, qui a quelque chose d'accablant.
Nous découvrons en effet — et pourtant nous devrions le savoir depuis longtemps — que la cause essentielle de décrochage de la population française n'a qu'une seule explication : l'ignorance, une ignorance crasse, on dirait presque satisfaite d'elle-même, puisqu'elle croit savoir ce qu'elle ignore, persuadée sans doute qu'elle est portée par une Modernité qui rend obsolètes les croyances anciennes et inutile tout effort sérieux de se renseigner là où on est susceptible de recevoir une information fiable.
On aurait tort de croire que cette situation est inédite. C'était approximativement celle que Chateaubriand décrit dans le préambule de son Génie du christianisme : "Partout on voyait des restes d'Églises et de monastères que l'on achevait de démolir ; c'était même une sorte d'amusement d'aller se promener dans ces ruines."
Sans doute, ces ruines sont-elles aujourd'hui morales, mais le paysage intérieur qu'elles dessinent reflète une même désolation... Chateaubriand devait rappeler, au début du XIXe siècle, ce qu'était le christianisme et son héritage civilisateur. L'éradication antichrétienne avait produit l'amnésie. Une amnésie que l'on retrouve aujourd'hui et que l'on s'efforce d'expliquer à grands coups de sociologie péremptoire : Modernité, individualisme, repli du religieux sur la vie privée.
Tout cela pèse peu au regard du champ de démolition où se produit le naufrage de la foi. C'est l'abandon de la ferveur première qui est à l'origine d'un processus hélas inexorable. On feint de croire que la France et toute l'Europe anciennement chrétienne vivent sereinement dans la postmodernité heureuse de l'après-christianisme. C'est une sottise. Le suicide démographique de notre continent est consécutif au ralliement à une philosophie indifférente à la vie et à la transmission.
Heureusement, d'autres continents, pourtant moins favorisés, ont conservé intact un goût d'avenir. La foi y est moins dédaignée que chez nous. Et de plus en plus nombreuses sont les populations venues d'ailleurs pour prendre la place d'une civilisation fourbue et sans espérance.
* Éditorial à paraître dans le prochain n° de France catholique
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