Article rédigé par Giorgio Vittadini*, le 11 mars 2005
[Milan] - Une nouvelle super-bureaucratie gouverne le continent. Dans l'impuissance parlementaire, elle met sur le même plan assistanat et investissements nécessaires au développement. Le déplacement progressif du pouvoir du Conseil des ministres, d'origine politique, à la Commission, et la gigantesque bureaucratie bruxelloise, font affirmer au juriste juif Weiler qu'"il y a une diminution du relief politique, du poids spécifique, du degré de contrôle que chaque individu est apte à exercer".
La même impasse se retrouve dans l'intégration elle-même des pays européens entre eux. La chute du mur de Berlin, la dissolution du soi-disant "socialisme réel", la liquidation de l'Urss, le déclin du communisme soviétique, le 11 septembre... pouvaient donner l'occasion de parachever l'unité politique. Mais ce les États nationaux qui ont repris l'avantage, avec en particulier la tentative de plus en plus marquée de la France et de l'Allemagne d'imposer leur leadership de manière autoritaire et en dehors des règles. Le non respect du Pace de stabilité, l'ordre du jour des sommets fixés hors des usages, avec la tentative évidente de marginaliser l'Italie, la défense du monopole des entreprises publiques dans la libre concurrence européenne, la tentative d'imposer un texte constitutionnel indigne de ce nom - déraisonnable et confus - et contenant l'esquisse d'une marginalisation du pouvoir de décision de pays comme l'Espagne et la Pologne, décrivent la nature de cette impasse dans la réalisation de l'unité européenne.
C'est le cadre d'une réalité moins occupée à créer de la richesse intellectuelle et économique, qu'à se disputer sur sa distribution. C'est le cadre d'une réalité qui risque d'être marginalisée sur la scène mondiale si elle persiste dans l'anti-américanisme, dans le refus du soutien au développement de l'Amérique latine à cause de son protectionnisme agricole, dans son néocolonialisme envers le tiers-monde.
Pourtant la bataille n'est pas perdue si le vieil esprit européen se reprend en s'appuyant sur le développement des sociétés au détriment de l'étatisme, en tendant à la coopération à l'intérieure et à l'ouverture à l'extérieur, contre les rêves hégémoniques d'une histoire européenne aux grandeurs anachroniques.
Mais pour cela, c'est à nous de vouloir ce qui nous est refusé : cette conscience d'être dans le sillon d'une tradition judéo-chrétienne qui a démocratisé un certain socialisme européen en le rendant facteur de justice sociale et qui a orienté un certain libéralisme vers une idée de développement dégagé d'un système conçu uniquement pour garantir des rentes. L'Europe du "je" social, l'Europe des familles dans lequel on apprenne à vouloir le bien, l'Europe de la foi, du travail, l'Europe des peuples-sujets, de ceux qui croient dans un idéal...
L'Europe de ceux qui veulent recommencer ce qui a été fondé il y a cinquante ans.
*G. Vittadini est président de la Fondation pour la Subsidiarité. © Tempi, traduction française Décryptage.
Photo : Robert Schuman.
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