Article rédigé par Hélène Bodenez*, le 06 mai 2005
Dans le flot des analyses qui submergent le fidèle croyant comme le non croyant, il est une idée qui revient lancinante et empoisonnée, celle que Karol Wojtyla, ayant aimé dans sa jeunesse le théâtre, aurait été en tant que pape un magnifique acteur, un splendide comédien.
L'auteur de La Boutique de l'orfèvre, le meneur clandestin du Théâtre rhapsodique de Cracovie, n'aurait en réalité su qu'exploiter un don artistique génial et l'aurait utilisé pour imposer sa foi aussi robuste qu'inébranlable. Cette manière de voir la représentation de Jean-Paul II sur le " grand théâtre du monde "(1) ne me paraît pas juste.
Ces points de vue largement partagés, et en tout cas repris systématiquement dans une presse de la répétition, ne permettent pas d'entrer dans le génie propre de celui qui n'a fait de sa vie ni une esthétique, ni réalisé avec succès la mise en scène de sa vie. Celui qu'on nomme déjà Jean-Paul II " Le Grand " vivait du psaume qui chante : "Habite la Terre et reste fidèle" (Ps, 37-36).
La fabrique des émotions
Certes, chacun reste tributaire de la grande analyse de Diderot sur le Paradoxe du comédien écrit en 1773. Le comédien est l'homme de la technique du dédoublement, technique vue comme instrument permettant de programmer en toute lucidité la fabrique des émotions : " C'est qu'avant de dire : "Zaïre, vous pleurez !" ou "Vous y serez ma fille", l'acteur s'est longtemps écouté lui-même ; c'est qu'il écoute au moment où il vous trouble, et que son talent consiste non pas à sentir, comme vous le supposez, mais à rendre si scrupuleusement les signes extérieurs du sentiment que vous vous y trompiez." Dans ce texte majeur développant l'une des grandes théories de l'illusion théâtrale, ressort une idée originale concernant évidemment le jeu d'un personnage. Le comédien selon Diderot