Article rédigé par Jean Flouriot, le 20 novembre 2009
Organisé par la FAO, financé par l'Arabie Saoudite, le sommet romain sur la faim dans le monde qui s'est ouvert le 16 novembre n'a pas fait recette dans les pays riches : aucun chef d'État ou de gouvernement du G 8 n'y était présent. En revanche, Benoît XVI est intervenu rappelant ce qu'il a écrit dans l'encyclique Caritas in Veritate : La faim ne dépend pas tant d'une carence de ressources matérielles, que d'une carence de ressources sociales, la plus importante d'entre elles étant de nature institutionnelle.
Pour le pape, le problème de l'insécurité alimentaire doit être affronté dans une perspective à long terme, en éliminant les causes structurelles qui en sont à l'origine. [...] Tout cela doit être réalisé en impliquant les communautés locales dans les choix et les décisions relatives à l'usage des terres cultivables. [...] Le droit à l'alimentation, de même que le droit à l'eau, revêtent un rôle important pour l'acquisition d'autres droits, en commençant avant tout par le droit fondamental à la vie. En outre, le pape a stigmatisé la spéculation sur les denrées alimentaires de base et, particulièrement, les céréales.
La faim touche un milliard de personnes. Les deux tiers d'entre elles sont en Asie, un quart en Afrique au Sud du Sahara. Le nombre des personnes sous-alimentées avait baissé du début des années 70 (985 millions) au milieu des années 90 (822 millions). Depuis, il remonte. La situation semble donc s'aggraver. Pourtant, si l'on considère la proportion des personnes sous-alimentées par rapport à la population totale de la planète, la situation s'améliore : au début des années 70, ce sont plus de 25% des habitants du monde qui souffrent de la faim ; aujourd'hui, ce ne sont que 15% [1]. D'importants progrès ont été réalisés et des millions d'hommes sont sortis de situations extrêmes. La FAO donne en exemple 16 pays qui ont réussi à réduire de moitié le nombre des malnutris au cours des dernières années.
La presse a fait largement écho à cette réunion internationale pour en souligner le peu de résultats pratiques. Il faudrait investir chaque année 44 milliards de dollars dans l'agriculture mais il n'en vient que 7. Les émeutes de 2008 ont montré le danger politique du désintérêt des gouvernants pour les populations rurales et l'agriculture. Des actions ponctuelles ont été entreprises dans quelques pays d'Afrique de l'Ouest : Mali, Sénégal, Burkina-Faso. La production locale de riz y connaît une croissance forte. Un Fonds agricole africain de 250 millions de dollars est en cours de mise en place par la Banque africaine de développement (BAD) et l'Agence française de développement (AFD).
Dans le même temps, on a aussi appris que des pays pauvres en terres cultivables se lançaient dans des achats portant sur des millions d'hectares, essentiellement en Afrique : qui bénéficiera de la production de ces acquisitions ? Évidemment, la population des pays acheteurs ou les marchés internationaux, mais que restera-t-il aux populations locales ? L'immense majorité des victimes de la faim sont des familles rurales dont la production domestique ne suffit pas à les nourrir. Le défi est de faire progresser cette agriculture familiale. Il ne s'agit pas seulement d'un problème technique, il faut aussi favoriser l'apparition d'une volonté de développement personnelle et collective.
Le mythe de l'impact démographique
La presse s'est aussi fait l'écho d'un autre chiffre emblématique : l'Afrique compte 1 milliard d'habitants. On sait combien la situation des populations africaines est précaire et il est facile de rapprocher ce nombre de cette situation. Ce que n'hésite pas à faire un éditorial du Monde du 14 novembre. Sous le titre Sujet tabou , l'éditorialiste anonyme proclame qu'il est difficile de ne pas voir dans la démographie l'un des facteurs aggravants de la malnutrition . Ne serait-ce pas plutôt, comme l'a indiqué le pape, les insuffisances institutionnelles de gouvernants qui traitent leurs peuples comme du butin de guerre ainsi que l'ont dit les évêques africains lors du dernier synode ? L'éditorialiste rapproche baisse de natalité et développement économique et propose aux Africains le modèle chinois. La politique de l'enfant unique ne semble pourtant pas un gage de paix sociale : la surmasculinité y est source de grandes violences et la charge d'une population vieillissante sera bien difficile à supporter par ces actifs qui ne trouvent pas d'épouses...
Au même moment, un rapport du Fonds des Nations-unies pour la population met en rapport le changement climatique avec la natalité des pays en développement et considère les investissements dans la santé reproductive comme le plus rentable des moyens de lutte contre le réchauffement de la planète !
Le dynamisme démographique de l'Afrique répond à son immensité encore bien peu maîtrisée. Les situations sont diverses mais la transition démographique y est en cours. La fécondité de l'Afrique du Nord est proche de celle de l'Europe et, au Sud du Sahara, le mouvement est lancé. Parallèlement, l'espérance de vie à la naissance progresse malgré les ravages du Sida ou de la guerre.
Concluons avec Benoît XVI : L'ouverture à la vie est au centre du vrai développement. Quand une société s'oriente vers le refus de la vie, elle finit par ne plus trouver les motivations et les énergies nécessaires pour œuvrer au service du vrai bien de l'homme (Caritas in Veritate, 28) . Pour se développer et nourrir ses enfants, l'Afrique doit rester un continent de la vie !
[1] Gérard-François Dumont, Population et Avenir, Septembre-Octobre 2008.
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