Article rédigé par Mgr Dominique Rey*, le 10 septembre 2007
La polémique sur la participation des catholiques au Téléthon a ouvert une brèche qui n'est pas près d'être refermée. Contre toute attente, le débat engagé a posé à frais nouveaux la question du statut de l'embryon humain, de l'eugénisme, des dérives de la biomédecine, du rapport entre la loi morale et la loi civile..., thèmes que l'on pensait à jamais interdits de cité.
Notre collaborateur Pierre-Olivier Arduin, auteur de la note de mise en garde qui déclencha la controverse, décrypte dans son livre les enjeux bioéthiques de la question en les resituant dans une perspective plus large : celle d'un choc culturel et moral entre, d'une part, le relativisme éthique et l'utilitarisme idéologique postmoderne et, d'autre part, le magistère de l'Église qui se fait le porte-voix de la conscience morale universelle. De ce livre, écrit comme un vibrant appel à la réflexion et à l'action de tous ceux qui sont attachés au principe intangible du respect de la vie humaine dès sa conception, il ressort que l'objection de conscience est porteuse d'une dynamique capable d'ébranler les forces contemporaines de la culture de mort. En avant-première, nous sommes heureux de publier la préface de Mgr Dominique Rey.
P:first-letter {font-size: 300%;font-weight: bold;color :#CC3300; float: left}QU'EST CE QUI CONSTITUE L'ESSENCE DE TOUTE VIOLENCE, et donc de tout totalitarisme ? La philosophe juive Hannah Arendt répond par une locution surprenante : Le refus de la naissance. L'homme fut créé pour lui rappeler qu'il y eut un commencement disait St Augustin. Chaque naissance célèbre et garantit l'avènement d'un nouveau monde. Elle signe le refus de tout fatalisme et de la répétition. Chaque nouveau conçu est de l'ordre de l'inconcevable . Chaque génération nous rappelle que la vie est un cadeau. Chaque existence nouvelle nous ramène à la douceur de vivre. Il n'est pas étonnant que dans les systèmes despotiques les plus cruels, la violence politique s'exerce par le contrôle des naissances, c'est-à-dire la programmation de la fécondité jusqu'à la production de la vie, que voudrait promouvoir aujourd'hui une science sans conscience. Toute violence endeuille le mystère de Noël. À l'inouï de toute nativité, elle substitue le clone , le robot , ou le meurtre de l'enfant à naître.
Toute violence se rapporte à la négation de l'autre , de sa différence et de son handicap jusqu'à lui interdire le droit d'exister. Aujourd'hui, comme dans l'histoire humaine, la violence cherche sa légitimité dans la loi ou dans la science, comme si ce qui était légal était toujours moral, comme si la conscience était soumise aux prétentions de la science.
Les savantes manipulations de l'émotionnel brouillent un peu plus les repères éthiques. On joue la pitié au dépens de la vérité jusqu'à exercer un terrorisme compassionnel et culpabilisateur par la mise en scène de situations limites et caricaturales, et d'imposer à l'opinion publique un prêt à penser moral. Le lobbying auprès des médias et des politiques fait le reste. Elle valide une stratégie eugéniste qui justifie la sélection des êtres humains jusqu'à les empêcher de naître. La société se donne le droit de décréter qui mérite de vivre, et qui doit mourir. Cette idéologie prométhéenne porte encore l'ambition avérée de procréer, quitte à priver l'enfant né dans un laboratoire du droit d'accès à son origine familiale, et de perdre son identité générationnelle.
De façon prophétique et pour conjurer ces transgressions qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine, l'Église parle du respect dû à chaque personne, du stade embryonnaire de la vie jusqu'à la mort naturelle. Image et ressemblance de Dieu, chaque être humain est sacré. Don de Dieu, il est appelé à devenir sujet de sa propre histoire. L'enseignement de l'Église nous libère de la culture mortifère que l'on voudrait nous inculquer. La haute estime et l'exigence éthique que l'Église, experte en humanité, exprime vis-à-vis de la vie, la conduisent à défendre l'homme contre lui-même, et à aimer son prochain comme soi-même.
Dans la magistrale encyclique de Jean-Paul II sur la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine, L'Évangile de la vie, le Saint-Père voulait réveiller les consciences face à toutes les formes d'agressivité contre la vie humaine, surtout quand elle est faible et sans défense : La conscience morale semble s'obscurcir terriblement, et avoir de plus en plus de difficulté à établir la distinction claire et nette entre le bien et le mal, pour ce qui touche à la valeur fondamentale de la vie humaine. En réalité, si le phénomène tellement étendu de l'élimination de nombreuses vies humaines naissantes ou sur la voie du déclin est on ne peut plus grave et inquiétant, non moins grave et inquiétante est la perte de la sensibilité morale dans les consciences. L'ouvrage de Pierre-Olivier Arduin participe de la prise de conscience à l'intérieur de la communauté ecclésiale, comme vis-à-vis de notre société, des enjeux et des défis auxquels nous ramène la fidélité à l'Evangile.
* + Dominique Rey,
évêque de Fréjus-Toulon.
La Bioéthique et l'Embryon
Quels enjeux après la controverse du Téléthon ?
Préface de Mgr Dominique Rey, avant-propos de Jean-Marie Le Méné
■ Sortie 8 septembre, Éditions de l'Emmanuel, 203 pages, 13,30 €
■ Pour commander le livre à la librairie de l'Emmanuel : Librairie-emmanuel.fr
■ Pierre-Olivier Arduin est marié et père de cinq enfants. Titulaire d'un master de recherche Éthique, science, santé et société, il anime la commission Bioéthique et vie humaine du diocèsede Fréjus-Toulon et collabore à la lettre hebdomadaire Décryptage éditée par la Fondation de Service politique. Il est également directeur des études de la nouvelle formation en bioéthique de troisième cycle Jérôme-Lejeune.
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