Article rédigé par Jean-Marie Allafort*, le 13 octobre 2006
L'armée israélienne s'est retirée avant le début de la fête de Kippour des quelques positions qu'elle occupait encore au Sud Liban. Par ce retrait, Israël met un terme à la seconde guerre du Liban.
Le retour des soldats à la maison quelques heures avant le jour le plus solennel du calendrier juif est plus que bienvenu d'autant que la majorité des Israéliens n'a pas compris pourquoi Tsahal était encore au Sud Liban.
Pour les militaires de la Finul, comme pour les Libanais du sud une nouvelle période débute. Combien de temps le cessez-le-feu tiendra-t-il ? L'armée libanaise aidée par la Finul parviendra-t-elle à empêcher une nouvelle course à l'armement du Hezbollah ? Dans le cas contraire, quels seront les moyens effectifs pour appliquer les résolutions de l'Onu ? Le moins que l'on puisse dire est que le mandat des soldats de la nouvelle Finul est mal défini. Les casques bleus sont envoyés dans un nœud de vipère et le Hezbollah n'a pas fini de les mener en bateau. Les moyens non conventionnels employés par la milice chiite risquent fort de les déconcerter. Les soldats de la force internationale savent très bien où ils mettent les pieds. L'Onu aussi.
La Finul fut créée en 1978 après l'incursion israélienne au Sud Liban connue sous le nom de Opération Litani . La création de cette force internationale avait comme objectif d'empêcher les attaques palestiniennes vers le territoire israélien et de permettre le respect du cessez-le-feu. Quatre ans plus tard, la guerre du Liban éclatait. Les troupes israéliennes se retrouvèrent à Beyrouth et les combats furent terribles. Les blessures de cette guerre sont encore béantes.
La Finul ne parvint jamais à faire respecter le moindre arrêt des combats, ni même à limiter le transfert d'armes en provenance de la Syrie et de l'Iran. Ni les Israéliens, ni les Libanais ne croient que la force internationale pourra empêcher un nouvel affrontement. Des deux côtés, on estime qu'une nouvelle reprise des violences est une question de temps.
Pour l'heure, Israël a besoin de gagner du temps. Un haut fonctionnaire du ministère de la Défense a déclaré hier à Tel Aviv que l'Etat-major de Tsahal était complètement paralysé et divisé . L'armée israélienne traverse une crise profonde. La démission du général Oudi Adam n'est que le sommet de l'iceberg. Les généraux ainsi que les autres responsables de la Défense attendent les résultats de la commission d'enquête gouvernementale chargée d'examiner la gestion de la seconde guerre du Liban. Les conclusions ne seront connues que dans quelques mois. En attendant, le chef d'Etat-major Dan Haloutz, affiche un optimiste quelque peu forcé. En fait, il a de quoi être inquiet.
Le contrôleur de l'Etat, le juge Micha Lindenstrauss, a épinglé, il y a quelques jours, les responsables politiques qui n'ont pas pris le soin durant ces dernières années, ni pendant la dernière guerre, d'écouter les avis donnés par le Conseil de la Sécurité Nationale.
Une réforme profonde de Tsahal s'impose. Le vice Premier ministre, Shimon Pérès, a déclaré il y a quelques semaines au quotidien Yediot Aharonot que l'armée israélienne doit entièrement être repensée et que les échecs de la guerre sont dus à une erreur de conception . La révolution au sein de Tsahal, dont Pérès se fait l'écho, prendra du temps. Si la Finul peut permettre à Israël de gagner du temps , elle aura joué un rôle positif considérable. Plus que jamais, Israël a besoin d'entretenir de très bonnes relations avec les responsables civils et militaires de l'Onu.
Depuis trente ans, l'armée israélienne s'est peu à peu transformée en police militaire dans les Territoires. Les réservistes qui n'appartiennent pas aux unités d'élite ne font plus d'entraînements intensifs. Les soldats ne sont plus préparés à une guerre face à une véritable armée. L'une des erreurs d'approche de la dernière guerre, et qui fut fondamentale, a été de considérer justement la milice du Hezbollah comme des terroristes semblables à ceux des camps de Balata ou de la Bande de la Gaza, alors qu'il s'agissait d'une véritable armée avec un équipement ultra perfectionné et performant. Ce manque d'appréciation de la valeur réelle de l'ennemi fut dramatique. Tsahal reste sans aucun doute l'une des meilleures armées du monde, mais les derniers échecs sont douloureux et exigent des réformes profondes. Pour l'heure, un peu d'accalmie est bienvenue...
* Jean-Marie Allafort vit en Israël depuis 1990 ; a étudié le judaïsme à Ratisbonne et à l'Université hébraïque de Jérusalem. Actuellement, journaliste et correspondant pour plusieurs médias. Chroniqueur du site chrétien Un-echo-Israel.net
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