Le président Barack Obama a pris le 9 mars dernier un décret qui autorise l'usage des fonds fédéraux pour financer la recherche sur les cellules souches produites par la destruction d'embryons humains. Le lendemain, dans une tribune du Wall Street Journal, deux intellectuels éminents, Robert P. George et Eric Cohen, respectivement professeur de droit et journaliste, dénoncent la politisation de l'opération.

L'annonce a été d'un classique d'Obama : on promeut des politiques radicales avec calme et modération, et on prêche l'évangile de la civilisation tout en accusant ses adversaires d'être des "diviseurs" et de "politiser" la science.

Où est la modération ? La politique de Bush, expliquent les auteurs, était de permettre le financement de la recherche sur les cellules souches d'embryons déjà détruits. Mais il n'était pas question de financer la destruction d'embryons humains.

Pendant des années, M. Bush et la "droite religieuse" ont été dépeints comme d'affreux adversaires de la science et du progrès, et leurs opposants comme des scientifiques dévoués à la guérison des malades abandonnés par les républicains.

"Modérée", écrivent George et Cohen, la politique de M. Obama ne l'est pas. Elle favorisera une toute nouvelle industrie de la destruction d'embryons, et la création d'embryons humains par clonage pour la recherche de laquelle ils ont été détruits. Il oblige les contribuables américains, y compris ceux qui considèrent la destruction délibérée de la vie humaine au stade embryonnaire profondément injuste, à être complice de cette pratique.
 
M. Obama s'est expliqué en invoquant son intégrité politique par le retour à l'indépendance de la science, et son désir de supprimer le pouvoir des présupposés idéologiques de la précédente administration sur la prise de décision scientifique.

Les contribuables ont le droit d'être laissé en dehors de ça

Mensonge : expliquent les auteurs : Cette demande de séparer la science de la politique est fausse et erronée à double titre. Tout d'abord, la politique d'Obama est elle-même ouvertement politicienne. Elle est aveuglée par la haine des principes de Bush, au point d'ignorer les récentes percées scientifiques qui rendent possible la production de cellules biologiquement équivalentes aux cellules souches embryonnaires,  sans la nécessité de créer ou de tuer des embryons humains.

On ne voit donc pas pourquoi – à part des motivations politiques – M. Obama révoque non seulement les restrictions de Bush sur le financement de la recherche destructrice d'embryons, mais aussi le décret de 2007 qui encourage les instituts nationaux de la Santé à étudier les cellules souches adultes, non destructrice d'embryons.
 
Deuxièmement et plus fondamentalement, la prétention à séparer la politique de la science est antidémocratique, au sens le plus profond . La question est de savoir si la destruction d'embryons humains à des fins de recherche est fondamentalement une question scientifique, ou si c'est une question morale et civique à propos des ambitions et des limites de la science. Il s'agit d'une question sur la façon dont nous allons traiter les membres de la famille humaine à l'aube de la vie, sur notre volonté de rechercher d'autres voies de progrès de la médecine que le respect de la dignité humaine.

Pour ceux qui croient dans les idéaux les plus élevés de la démocratie délibérative, et pour ceux qui croient que maltraiter les plus vulnérables de la vie humaine met en danger notre propre morale, la demande de M. Obama de "considérer la politique en dehors de la science", devrait être regrettée, et non pas célébrée.
L'universitaire et le journaliste achève leur tribune en évoquant l'avenir : Dans les années à venir, le débat sur les cellules souches va sûrement continuer — car il soulève de grandes questions sur le sens de l'égalité entre les hommes, sur les limites de la vie humaine, sur la relation entre science et politique, et sur la façon dont nous nous gouvernons nous-mêmes quand nous sommes moralement en charge de questions de politique publique sur lesquelles des gens raisonnables se trouvent en désaccord. Nous ne pouvons qu'espérer, dans les années à venir, que les progrès scientifiques rendent inutiles la destruction d'embryons et que, en tant que société, nous ouvrions la voie au nouveau monde avec les meilleures intentions médicales.
Robert George est professeur de droit à Princeton et co-auteur de L'embryon : à la défense de la vie humaine (Doubleday, 2008). Eric Cohen est le rédacteur en chef de The New Atlantis, et auteur de À l'ombre du progrès : l'être humain à l'âge de la technologie (Encounter, 2008).

 

 

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