Dans son édition du 7 octobre, le Quotidien du Médecin revient sur les conditions de la mort de Vincent Humbert telle qu'elle a été vécue par l'équipe médicale du centre héliomarin de Berck-sur-Mer où était soigné le jeune homme.

Ce témoignage oblige à la réflexion. Même si la vie semble avoir repris son cours normal, l'équipe du service du Dr Pascal Rigaux est aujourd'hui en état de choc. Une cellule psychologique doit se réunir cette semaine pour les accompagner. Par ailleurs, certains patients atteints d'affections communes à celles de Vincent Humbert "redoutent une loi qui pourrait mener à leur élimination" explique le Dr Rigaux.

Revenant sur le cas de Vincent Humbert, le Dr Rigaux affirme : "On a été dans l'incapacité de faire le bilan complet en raison de l'importance de ses troubles sensoriels mais il semble [...] qu'il présentait une certaine rigidité de pensée qui l'empêchait de changer d'idée". Ainsi par rapport à son projet de mort, il semblait "emmuré" dans son choix.

A la suite du courrier envoyé par Vincent Humbert au président Jacques Chirac, celui ci a décidé de dégager les moyens financiers pour son retour à la maison et a dépêché un psychiatre de Sainte-Anne pour lui proposer ainsi qu'à sa mère une assistance. Mais ceux-ci ont refusé.

Toutes les tentatives pour transformer le projet de mort de Vincent en projet de vie par l'équipe médicale ont elles aussi échoué : "Il passait toutes ses journées enfermé dans sa chambre, avec la visite, quasiment unique, tous les après midis de sa mère". La vie de Vincent Humbert peut donc se résumer ainsi : aucune sortie, pas de soulagement psychologique ou psychiatrique, pas de rapport avec les autres patients, aucun projet de vie et une "symbiose fusionnelle" avec sa mère. Sur la question de l'euthanasie, le Dr Rigaux explique : "Moi, je n'ai pas fait médecine et cette spécialité pour en arriver à ça."

La médiatisation croissante de cette affaire a fini par faire baisser les bras à l'équipe médicale. Le "plan média", dit-elle, semblait tellement bien orchestré que les médecins ont eu "l'intime conviction" qu'un mouvement militant très expérimenté dirigeait de l'extérieur les opérations. Face à la perspective du passage à l'acte, le Parquet a été saisi mais n'a pas donné suite.

C'est pourquoi au sentiment d'échec thérapeutique ressenti par l'équipe médicale s'ajoute l'impression d'avoir été manipulé et trahi. Ils ont vécu la libération de la mère de Vincent Humbert comme "un désaveu judiciaire de notre travail".

© Genethique.org

Source : Le Quotidien du Médecin, 7 octobre 2003.

> D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à Décryptage

>