Pour l'historien comme pour le cynique, les conflits entre les Israéliens, les Amorites, les Philistins, les Amalécites, les Perses etc., cela fait quatre ou cinq millénaires qu'ils se poursuivent, et il n'y a aucune raison pour qu'ils cessent.

Israël s'est reconstitué aujourd'hui en ghetto au Proche-Orient, érigeant un mur pour en donner la preuve : faut-il s'étonner de la reprise d'un conflit immémorial ?

Non, sans doute, mais pourquoi une reprise des combats en juillet 2006 ? Pourquoi cette décision d'écraser les milices du Hizbollah maintenant, et au Liban ?

Le jeu syrien

En premier lieu, on ne peut faire abstraction des problèmes de la Syrie et de l'Iran. Face à la pression internationale, la Syrie a dû retirer ses troupes du Liban, tout en y maintenant ses réseaux de renseignement et d'influence. La majorité de la population syrienne est de confession musulmane sunnite. Dès la fin du premier conflit mondial, les Syriens ont revendiqué la reconstitution de la province turque de Syrie, qui comprenait la Syrie actuelle, le Liban, la Jordanie, la Palestine.

Arrivés au pouvoir depuis 1974, le clan El Assad appartient à une frange extrême de l'islam, les alaouites. Pour eux, il importe de rassembler une majorité de non-sunnites pour disposer d'une majorité en Syrie : d'où 1/ la volonté de réunir le Liban et ses chrétiens, druzes, chiites, pour constituer une majorité à partir des minoritaires dans une grande Syrie ; et 2/ également le souci de soutenir, sans excès, les Palestiniens, aussi longtemps qu'Israël n'aura pas restitué le plateau de Golan à la Syrie.

 

Les intérêts iraniens

L'Iran, l'ancienne Perse, est une des plus anciennes nations du monde. Avec ou sans monarchie ou théocratie, elle entend rester une puissance régionale. Bien que l'Irak soit éliminé comme menace, et pour longtemps, on oublie trop dans le monde occidental qu'un voisin de l'Iran, le Pakistan (sunnite) dispose d'un armement nucléaire. Depuis le règne du dernier shah, l'Iran s'est doté de physiciens nucléaires de haut niveau.

Même si une frappe détruisait les infrastructures atomiques iraniennes, l'objectif national restera l'accession au club des puissances nucléaires : on retardera peut-être le processus, on ne l'arrêtera pas.

Dans le contexte actuel — États-Unis empêtrés en Afghanistan et en Irak ; Europe aboulique —, les Iraniens ont donc soutenu le Hizbollah, comme toute la diaspora chiite du Moyen-Orient. Des attaques contre Israël sont un moyen de détourner quelques temps les États-Unis du souci de non-prolifération.

La responsabilité occidentale

Bien sûr, Israël a réagi à la capture de trois soldats, et il a tenté de briser l'infrastructure militaire palestinienne et chiite au Liban. Mais des frappes aériennes, sans intervention terrestre jusqu'à Beyrouth au moins, n'ont aucune chance de liquider le potentiel de nuisance du Hizbollah.

N'ayons aucune illusion : les haines accumulées dans le monde arabe sont telles que le Hamas et les chiites referont leurs forces à la première occasion.

Pauvre Liban dans toute cette tragédie : il rappelle une fois de plus que lorsqu'on n'a pas une armée digne de ce nom chez soi, on a celles des autres. Un État ne se gère pas comme une banque. Une défense sol-air serait indispensable lorsqu'on a pour voisin Israël.

La responsabilité des Occidentaux et surtout des États-Unis est grande : ne considérer le Hamas et le Hizbollah que comme des terroristes, ne pas faire pression sur Israël pour parvenir à un armistice ou à la paix, ce sont des fautes politiques et stratégiques.

La composante de résistance nationale des Palestiniens et des chiites libanais face aux Israéliens est évidente. On ne peut à la fois occuper une fraction du territoire libanais, casser les infrastructures politiques et économiques palestiniennes, et s'étonner de réactions désespérées de certains Libanais et Palestiniens. Il faudra discuter et traiter, le plus tôt sera le mieux.

*Jean-Germain Salvan est général (CR). Dernier ouvrage paru : http://www.amazon.fr/gp/product/2910536610/402-9666332-9557718?v=glance&n=301061/libertepoliti-21

Soldat de la guerre, soldat de la paix (Italiques, 2005).

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