Les médias ont fréquemment parlé d'un problème d'accueil des femmes enceintes dans les maternités comme si ces dernières étaient embouteillées. La raison ne provient pas du léger rebond des naissances de 2000 (774 782 en métropole) d'ailleurs suivi d'une baisse (770 945 en 2001 et 762 700 en 2000).

Certes, le nombre des naissances des années 1993 et 1994 était moindre (711 000 naissances) mais les chiffres des trois années 2000-2001-2002 sont sensiblement les mêmes que ceux des années 1986 à 1990 et l'on n'avait pas alors parlé d'une " crise " des maternités.

Les véritables causes. En fait, la France manque en ce début du XXIe siècle d'obstétriciens et d'anesthésistes à cause d'un numerus clausus inadéquat depuis une vingtaine d'années, et ne permettant pas, en conséquence, de former un nombre suffisant de praticiens ou de spécialistes(1).

En outre, la fermeture de petites maternités a amplifié le manque d'obstétriciens (environ 200 postes non pourvus). En effet, leur maternité de proximité fermée, nombre d'obstétriciens renoncent à effectuer des accouchements et leur activité ne se déploie plus que sur des consultations. Il faut également évoquer les effets non anticipés des 35 heures et des directives européennes.

Depuis 1975, la moitié des maternités ont fermé en France et il n'en reste plus que 694 en 2001 (2). En Ile-de-France, " l'embouteillage " résulte de la fermeture des petites structures qui réalisaient 8 % des accouchements mais constituaient le tiers des maternités. Aussi convient-il de s'inscrire dès le début de la grossesse pour trouver une place puisque l'offre s'est raréfiée. Dans les régions, l'Association des petites villes des France (APVF) craint l'instauration de véritables déserts sanitaires.

Une " idéologie " de la concentration ? Dans un premier temps, les directeurs d'Agences régionales hospitalières imposaient la fermeture des maternités effectuant moins de 300 accouchements par an en vertu des décrets de périnatalité de 1998. Mais ensuite la décision a été étendue à des maternités moyennes pratiquant plus de 500 accouchements, comme Nantua dans l'Ain ou Valognes dans la Manche. Cognac, qui a effectué 544 naissances en 2002, est menacée de fermeture car située à 26 kilomètres de Saintes (1128 naissances en 2002) afin de réaliser une grande maternité dans cette ville. Si la fermeture de Cognac se confirmait, après les fermetures de Confolens en 1993, Ruffec en 1994 et Barbezieux en 2000, il n'y aurait plus dans la Charente d'autres maternités que celles de l'agglomération d'Angoulême.

D'autres départements sont déjà dans ce cas : dans le Gers, la Haute-Loire, les Pyrénées-Orientales, la Creuse et la Lozère..., on ne peut accoucher qu'au chef-lieu. En conséquence, les trajets pour les femmes entre leur domicile et la maternité sont de plus en plus longs. Par exemple, depuis la fermeture de la maternité de Prades dans les Pyrénées orientales, les femmes de la Cerdagne (région de Font-Romeu) sont à 100 kilomètres d'une maternité, que ce soit celle de Perpignan ou de Foix, sauf à accoucher en Espagne.

Entre Châteauroux et Limoges (160 kilomètres), il n'y a plus de maternités. On a frôlé le drame à l'automne 2002 à 50 kilomètres de Châteauroux lorsque, face à l'urgence, un ambulancier est parvenu à pratiquer (en liaison avec l'hôpital de Châteauroux) au domicile de la gestante un accouchement par le siège nécessitant une manœuvre de Mauriceau.

L'idéologie de la dimension continue d'être privilégié en France, par exemple par rapport à l'Allemagne : ce pays effectue ses 730 000 naissances, chiffre inférieur à celui de la France, dans un nombre de maternités nettement plus élevé, soit 1 071, ce qui fait moins de 700 accouchements en moyenne. La France, quant à elle, ne compte plus que 694 maternités en 2001 (soit une moyenne de 1 111 naissances par maternité). Le 1er février 2003, la maternité de Pont-de-Beauvoisin (Isère) ferme. Le 3 mars, c'est celle de Guebwiller (Haut-Rhin). La fermeture de Paimpol, au moment où nous écrivons, reste fixée au 21 mars 2003, malgré 10 000 manifestants. C'est toute la question de la proximité qui est posée (3).

(1) Dumont, Gérard-François, Les Populations du monde, Armand Colin.

(2) " Les petites maternités continuent de fermer dans toute la France ", Le Monde, 20 février 2003, article complétant un précédent publié le 27 décembre 2002.

(3) Pierre Georges, " Proximité ", Le Monde, 20 février 2003, page 32.

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