Godland

Pour son troisième long-métrage, Hlynur Pálmason écrit et réalise une fiction historique à partir d’archives photographiques du 19ème  siècle prises par un pasteur luthérien danois et inscrit ainsi son récit dans le passé colonial islandais, une terre restée longtemps et jusqu’à la seconde guerre mondiale sous la domination des Danois.

Son film se découpe en deux parties bien distinctes. La première est consacrée au voyage.  Si le jeune pasteur luthérien part plein de courage, d’espoir et même d’ambition, le froid, le vent, la fatigue, la pluie pratiquement incessante, les épreuves du voyage, l’incompréhension linguistique avec le guide Ragnar, un homme bourru et frontalement hostile, auxquels s’ajoute une incompréhension grandissante entre les deux hommes bien qu’ils soient liés temporairement par le destin, transforment le voyage en une odyssée. L’opposition entre les deux hommes est installée lorsque débute la seconde partie qui va voir le calvaire s’installer après le chemin de croix qu’a constitué le voyage. Au village tout commence dans un calme apaisant avec la construction de l’église qui se déroule correctement, la vie du village avec un mariage, une idylle qui se dessine entre le pasteur et Anna. Mais l’opposition entre le pasteur et Ragnar reste sous-jacente et le prêtre est progressivement soumis aux affres de la tentation et du péché qui le feront vaciller dans la foi. Le génie du cinéaste est d’installer ce drame humain dans l’immensité des paysages islandais opposant ainsi la puissance de ces paysages à la fragilité de l’homme qui est à la recherche d’une lumière intérieure dans ce Godland (Pays de Dieu), la force des éléments naturels en tempête avec celle intérieure de l’homme de Dieu. La camérade Hlynur Pálmason, si elle capte avec un art qui fait souvent penser au peintre Vermeer (on notera aussi ce magnifique travelling circulaire de 360 degrés détaillants les visages, les sourires, les danses au cours d’une fête de mariage) et un sens exceptionnel du cadre, scrute également dans le détail la nature qui entoure cette petite colonie humaine. Si l’’influence de Carl Th. Dreyer est signalée à juste titre, celle, artistique et spiritualiste, de Terrence Malick (La ligne rouge en 1998, The Tree of Life en 2011, Une vie cachée en 2019)  semble également évidente et éclate lors de la séquence d’éruption volcanique qui fait le lien entre les deux parties distinctes du film. Et si décrypter rationnellement la confrontation entre la religion (plus largement le spirituel) et la matérialité de la nature, du monde, ne saute pas forcément immédiatement aux yeux du spectateur, il ne s’en plaint pas, tellement il est emporté par l’ensemble qui est d’une grande beauté, d’une intensité envoutante, bref, d’un haut niveau artistique.

 

Bruno de Seguins Pazzis