Affaire Benalla : n'oublions pas l'essentiel

L’affaire Benalla n’est sûrement pas qu’une tempête dans un verre d’eau comme le prétend M. Macron : mais même si elle l’était, le fait qu’elle suffise à provoquer l’énorme tempête médiatique et politique que l’on sait , au point d‘arrêter tout travail législatif, révèle la fragilité du président. S’il  n’avait été élu que depuis à peine un peu plus d’un an, on pourrait déjà parler d’une atmosphère de fin de règne !

L’affaire n’est pas si mince : qu’un des proches collaborateurs du président, ignorant des usages et manifestement incapable de maîtriser ses instincts violents, soit nommé par le fait du prince lieutenant-colonel de gendarmerie à 26 ans est en soi un scandale majeur. Compte tenu des relations très équivoques de l’intéressé, il laisse supposer d’autres turpitudes qui pourraient être un jour connues du public.  L’affaire Benalla n’aurait pas pris tant d’ampleur si,  malgré l’euphorie qui a régné la première année du quinquennat, beaucoup n’étaient conscients de trop nombreuses dérives.

 

Des questions

 L’affaire pose plusieurs questions : pourquoi les vidéos au point de départ de l’affaire qui étaient connues dès le 2 mai ne font-elles scandale que le 20 juillet ? Pourquoi les plus acharnés à le soulever sont-ils les organes de presse qui ont soutenu Macron avec le plus de détermination (Le Monde, groupe Drahi, groupe Pinault) ?

Risquons-nous à supposer que ceux qui avaient commandité son élection voulaient un président sérieux, à même de mener des reformes sérieuses (ou supposées telles). Les frasques de plus en plus voyantes leur font  craindre aujourd’hui de couler sur un bateau ivre. La fête honteuse qui a eu le lieu à l’Elysée le 21 juin pourrait être la goutte qui a fait déborder le vase.  La crédibilité du président français sur la scène internationale n’a pu qu’en pâtir.  

Le président a déclaré assumer seul la responsabilité de l’affaire. Il est donc responsable de l’irresponsabilité de ce jeune collaborateur qu’il a lui-même recruté et, passant outre toutes les hiérarchies, promu.

Ce n’est certes pas la première fois que le pouvoir monte à la tête de ceux qui l’exercent. Il agit, c’est bien connu, comme un opium ou encore il donne une sorte de vertige de l’altitude qui fait perdre la tête à ceux qui ne sont pas préparés à vivre dans les sommets. Les réactions arrogantes et souvent maladroites du président qui visiblement gère mal l’affaire, laissent penser que le vertige ne touche pas seulement le garde du corps.

 

L’essentiel

 Cette fragilité, comment l’expliquer sinon par les politiques menées depuis un an et qui la plupart tournent le dos aux intérêts fondamentaux du pays que l’affaire Benalla ne saurait nous faire perdre de vue ?

-                    Le démantèlement accéléré de nos industries stratégiques et de défense (armement, construction navale, nucléaire, aéronautique, recherche pétrolière), soit la plupart des pépites construites par le génie français en soixante ans d’efforts, lesquelles sont en train de passer sous contrôle étranger, principalement américain ou allemand, dans la lignée de la scandaleuse affaire Alstom où la responsabilité personnelle de M. Macron se trouve directement engagée[1] ; la prochaine cible est Naval Group issu de la Direction des constructions navales ;

-                    L’absence de détermination à contrôler sérieusement l’immigration, assortie au démantèlement des politiques familiales ;

-                    L’absence de tout effort pour réduire les dépenses publiques ;

-                    Une diplomatie illisible qui conduit à nous mettre à dos des partenaires historiques (Italie, Pologne et autres pays de l ’Est européen), à tenter de prolonger la guerre de Syrie et à soutenir à la tête de l’Association des pays francophones la candidate que propose le président Kagame du Rwanda, un tyran ennemi de la France, responsable de millions de morts , soutien qui nous ridiculise aux yeux de l’Afrique autant qu’il nous déshonore ;

-                    Des restrictions croissantes à la liberté d’expression , comme la loi sur les fake-news que le Sénat a rejeté à une large majorité ;

-                    L’affaiblissement des pouvoirs locaux par la baisse des dotations et la suppression sans compensation de la taxe d’habitation ;

-                    Une réforme de la Constitution inutile qui tend à restreindre encore plus le poids du Parlement, haut symbole de la République ;

-                    Le projet de légaliser la fécondation artificielle pour femmes seules, ce qui revient créer délibérément des orphelins de père, dans la perspective d’une marchandisation généralisée de la procréation.

 

Et maintenant ?

Que va-t-il advenir maintenant ? N’excluons rien. Que Macron ait le souffle court pour tenir encore quatre ans est aujourd’hui patent  : mais il est surtout à la merci de lui-même et d’un entourage à son image : quelle nouvelle frasque pourrait lui être fatale  ? On se le demande.

Mais il peut aussi qu’il reste encore en place, le crédit affaibli, peu apte à faire des réformes. Faudra-t-il le regretter ?

Dans la mesure où la plupart de ses projets de réforme sont nocifs, une situation d’impuissance du pouvoir, regrettable en soi,  serait cependant un moindre mal, en attendant qu’émergent des équipes dignes et vraiment compétentes à même de prendre enfin à bras le corps les vrais problèmes de la France.

[1] Voir à ce sujet l’excellent reportage de Public Sénat .