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Bienheureuse vieillesse

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Bienheureuse vieillesse
  • Auteur : Robert Redeker
  • Editeur : Le Rocher
  • Année : 2015
  • Nombre de pages : 210
  • Prix : 17,50 €

Quel est le visage de la vieillesse aujourd’hui ? D’un côté, des vieux « au visage poupin » qui singent les jeunes. De l’autre, des vieux que l’on ne voit plus, « assignés à résidence » dans des maisons de retraite où, désormais considérés comme inutiles, ils attendent la mort. Voilà le constat rêche avec lequel le philosophe Robert Redeker amorce son essai pourtant intitulé Bienheureuse vieillesse !

Pour la première fois dans notre histoire, la vieillesse fait peur. Elle est vue pour certains comme une punition de certains excès du corps, pour d’autres comme un temps d’inutiles souffrances. Avant, « ce bel âge de la vie » comme le qualifiait Sénèque, était attendu. C’était l’âge de la délivrance des passions charnelles, de l’apaisement. Bien plus, cet âge donnait la clé de toute la vie passée. On venait chercher auprès des vieillards, que Redeker compare à des arbres, des « témoins de l’ancienneté et de la stabilité du monde ». Ils étaient les fils qui, nous reliant au passé, nous donnaient les raisons de notre existence.

L’autel du jeunisme

Que s’est-il passé ? Nos vieux ont été sacrifiés sur l’autel du jeunisme, de l’éternel présent. Depuis mai 68, l’adolescence a cessé d’être un passage pour devenir un état, une fin en soi. L’homme se rêve immortel. Il refuse la finitude de la matière : le vieillissement de son corps, à coup de crèmes anti-âge vitamines, compléments alimentaires, Viagra, chirurgie esthétique, etc. Et il refuse la finitude du corps : la mort. La négation de Dieu a entraîné le « déni (oubli et refoulement) de la mort » car « la croyance en Dieu déniait que la mort ait le dernier mot ». Pour Robert Redeker, ce refus de la mort n’est pas anodin. C’est une révolution anthropologique à laquelle participe aussi la négation de la douleur et de la souffrance, pourtant inséparables de toute vie humaine.

Les personnes âgées elles-mêmes se détestent. Elles ont la « haine de soi », écrit-il. À cause d’un sentiment de culpabilité hérité du péché originel mais qui ne peut être enlevé car on a supprimé son « garde-fou » : la religion. En raison aussi « d’un discrédit de la gratitude envers la vie ». Si la vie n’est plus un cadeau, elle devient ma propriété. Cela justifie l’euthanasie (dont l’auteur note au passage que le même terme est utilisé pour les animaux) commise au nom du bien du malade et de son entourage.

Corollaires de l’éternel présent : l’économisme et l’utilitarisme. L’homme ne vaut que parce qu’il consomme, dans un éternel renouvellement de ses besoins. Si l’existence est réduite à l’économisme, les hommes sont mesurés à l’aune de leur « coût social ». Comme les personnes âgées coûtent cher et ne rapportent plus, la tentation est grande de les considérer comme des déchets. Et que fait-on des déchets ? On les jette.

Sauver l’humain

Toutes les conditions sont réunies, non seulement pour mettre les vieux hors de vue, mais pour les supprimer. Et l’auteur d’avertir : « Le danger de gérontocide (la mise-à-mort active des vieux) n’a jamais été aussi grand. Notre société arrive devant un choix : ou bien y céder ou bien s’ajointer à la sagesse de la vieillesse. »

Car la vieillesse rend heureux… Bienheureuse vieillesse qui sait échapper à la tyrannie du présent pour épouser le rythme du temps qui s’écoule ! Bienheureuse vieillesse qui connaît la gratuité ! Bienheureuse vieillesse qui connaît la flânerie, la lenteur, l’ennui, la méditation ! Bienheureuse vieillesse qui acquiert la sagesse, à rebours de tous les calculs utilitaristes ! Bienheureuse vieillesse qui transmet, « ni ses idées ni ses souvenirs mais quelque chose d’impersonnel qui est la sève de la vie » !

Il est urgent de « sauver la vieillesse pour sauver l’humain » affirme Redeker en nous invitant à poser un acte de résistance spirituelle.  « Cette résistance est moins un programme qu’une obstinée manière d’être au monde. Elle se développe selon une obligation secrète qui remonte des profondeurs de l’âme humaine : maintenir l’ancien, l’enraciné, l’irremplaçable, le non-échangeable, au sein d’un monde nouveau ».  En résumé : « Il faut vivre comme si nous étions vieux ! »

Bénédicte Alix

 

 

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