LORSQUE L'ON VOIT LES DEVELOPPEMENTS des procès pour pédophilie frappant l'Église catholique aux États-Unis, on peut penser qu'un jour, au nom du principe de précaution bien sûr, on interdira l'Église de Rome pour constitution de bande armée dans le passé ou pour institution de secte pédophilique.

Certains films auront préparé les esprits. Notons que le principe de précaution ne sera appliqué ni aux partis politiques qui auront voté ces lois, ni à l'islamisation du pays, ni à rien d'autre qu'au corps chrétien de la France éternelle qui de Clovis à de Gaulle (de Pétain, disent certains) ne cesse de projeter une ombre décidément gênante pour les légions (mon nom est légion, comme dit l'Autre) du politiquement correct.

Les superproductions françaises ne déméritent jamais : Amen, le film de Costa-Gavras — produit dont tout le monde parle avec admiration dans les médias mais que le grand public, qui en a vu d'autres, ne va jamais voir — reprend les poncifs ignares sur la présumée attitude complice de Pie XII pendant la guerre (il y a un point commun entre nos modernes et les nazis, la haine du catholicisme) ; la superproduction Le Pacte des Loups voyait sous les traits de la bête du Gévaudan une conspiration catholique intégriste et fasciste (en plein XVIIIe siècle) nécessitant une épuration méritée (les trois millions de morts de la Révolution et de l'Empire, qui apprendront à la bête (immonde) à mieux se tenir) ; enfin, Les Rivières pourpres dénonçait les agissements secrets d'une université catho-nazie (si, si) nichée dans les montagnes, et qui cherchait à créer un surhomme génétique et physique.

 

Chocolat beur-blanc-rouge

Heureusement un flic beur met fin à ces horreurs. On le voit, l'argent du contribuable est bien employé en France, puisque ce sont les Sofica et les télés rackettées qui financent cette marchandise politiquement et théologiquement correcte. 500 millions de francs pour oublier le terreau chrétien de la France que les laïcards et newagers, comme le rappelle Philippe Muray dans son œuvre si drôle, ne cesse de sataniser pour justifier le peu rassurant ordre nouveau qui se prépare. J'oubliais Jeanne d'Arc, la Jeanne d'Arc de Besson présentée comme une junkie hystérique, un singe hurleur, possédée par des voix et des visions réellement effrayantes, muée en potiche xénophobe du fait du viol de sa sœur par des soldats anglois... Le film, aussi mauvais qu'on peut l'être, aussi mal interprété surtout qu'il est possible, était si méphitique que la jeunesse bessonienne ne suivit pas l'heureux joufflu du Cinquième Élément et de Taxi, le film en beur-blanc-rouge. De Bresson à Besson, la France nouvelle ne manque pas d'R...

Heureusement il y a Hollywood. Ce n'est pas qu'Hollywood soit vertueuse. Mais Hollywood obéit au marché et au public. Un navet antichrétien peut échouer au box-office, comme les comédies pitoyables de Kevin Smith (Dogma étant la pire en ce sens). Il peut aussi réussir comme Chocolat, film d'ailleurs réalisé par un suédois, Lasse Hallström au mieux de sa verve cathophobe. Chocolat décrit une France des années cinquante, dans un village de Dordogne, qui n´a pas encore connu les joies de la déchristianisation et de la société de consommation. Dirigée par un maire chelou — comme on dit aujourd'hui — , trop pratiquant et arborant un inquiétante mine de collabo, une commune subit l'assaut d'une marchande de chocolat qui ouvre pendant le carême. La belle mêle d'ailleurs le chocolat à l'astrologie aztèque, oubliant que cette dernière était liée aux sacrifices humains de cette religion tolérante, métisse, festive et plurielle. Chocolat a beaucoup de charme : c'est filmé comme une pub d'Amélie Poulain. L'attaque est frontale mais moins odieuse, même si le film finit par fatiguer. Le maire craque bien sûr et se noie nu ou presque dans une orgie de chocolat polychrome, qui illustre involontairement le programme de cette société de consommation : la régression dans la bouffe. 20 % d'obèses dans les sociétés modernes, du Brésil à l'Espagne en passant par la Chine ou le Canada, les riches comme les pauvres, qui a dit que le péché de gourmandise n'était plus d'actualité alors qu'il est le problème numéro un de la santé publique ? Un philosophe à la mode, Comte-Sponville je crois... Chocolat reprend les poncifs sollersiens sur la France moisie, la France du fromage qui pue et des clochers.

Notons que ces poncifs sont aussi ceux de la World-company qui veut mettre au pas le dernier pays occidental qui ne se met pas instantanément au garde-à-vous devant les ordres même insensés de l'oncle Sam. Le gauchisme a toujours fait bon ménage, comme l'a remarqué Houellebecq, avec le capitalisme.

 

Signes du Ciel

Mais Hollywood réserve de bonnes surprises, comme nos Sofica et notre FR3 qui finança L'Anglaise et le Duc, qui laissa la critique de gauche et le comité de sélection du festival de Cannes sans voix. C'est ainsi que le cinéaste le plus coté du moment est un catholique indien (des Indes), Night Shyamalan. Après Le Sixième Sens, qui montrait un enfant blond et chrétien tenté de fuir ses démons dans l'Église avec de petits chevaliers arthuriens, après Incassable, extraordinaire scénario sur la folie du pseudo-messianisme contemporain, Shyamalan décrit dans Signes un combat eschatologique d'un prêtre avec... des extra-terrestres. L'Église parviendra-t-elle à tordre le cou aux mythes modernes évoqués par le bon vieux Jung ?

Le personnage principal est joué par Mel Gibson. Gibson est la star la mieux payée du monde depuis plus de dix ans. Cet acteur peut tout jouer, et s'il a atteint la célébrité dans les films d'action, il s'est montré capable de tout jouer, contrairement à d'autres " héros ". La trajectoire de Gibson est paradoxale, puisque comme ses pairs, ce catholique pratiquant est de ce monde et de l'autre. Il y a d'une part, les produits divertissants comme la série L'Arme fatale ou même Mad Max. Mad Max avait été accusé d'hitlérisme par la critique PC de l'époque, déjà en forme comme on le voit. Dans un monde où le travail n'a plus de sens, où il n'y a plus de patrie, que devient-on quand sa famille est tuée ? Tel était le programme de ce film lyrique et sauvage, qui annonçait, sur fond de mode SM et punk les déprédations à venir, qui ont eu lieu mais que les médias nous aident à ne pas voir. Le dernier film politiquement correct de Gibson était bien sûr ce que pensent les femmes, hommage du mâle blanc hétéro au génie et à l'intuition féminine. Et puis il y a les films politiquement incorrects, comme Forever Young, sur un amour qui ne meurt jamais, ou Braveheart, qui célèbre la résistance écossaise contre l'envahisseur anglois (encore lui), et l'avant-dernier, Nous étions des guerriers. Un colonel américain va prier dans une église au moment de partir pour le Vietnam, et il demande à Dieu de vaincre ses ennemis et leurs divinités païennes... ce film trop violent (hélas) a été réalisé par le scénariste de Braveheart et de Pearl Harbor (beau film de guerre et d'amour), Randall Wallace, élevé dans un collège catholique du Mid-West et fier de le dire.

 

Gibson et Jean Paul II

La vie de Gibson illustre son combat : il va d'ailleurs produire un film sur la vie du Christ, sur le compte duquel le cinéma pense avoir tout dit de Pasolini à Zeffirelli. Son père était profondément croyant, d'origine irlandaise. Il quitta les États-Unis au début des années 60, estimant que l'Amérique n'était plus un lieu pour élever des enfants chrétiens. Il fit fortune dans les jeux télé, les quiz shows de l'époque et put élever sa grande famille. Mel Columcile (en hommage à des saints irlandais) devint acteur jeune, se maria jeune, et eut sept enfants.

Sa fille Hannah vient d'entrer dans les ordres. Le père en était fier et ému. Une telle somme d'états de service ferait désordre en France. Le monde anglo-saxon est plus paradoxal, plus riche, plus ouvert : le critère étant justement la réussite, peu importe le contenu. Au lieu qu'en France le contenu prime le reste. L'Anglaise et le Duc n'a enchanté dans nos salles qu'une poignée de rohmérophiles ou de robespierrophobes. Gibson a gagné les foules comme le gladiateur et comme, à un niveau supérieur bien sûr, le pape Jean-Paul II. On espère simplement que la leçon de Gibson nous donne un peu plus d'espoir quand à un avenir qui s'annonce funèbre.