Nos coups de coeur
Avant la substitution définitive du franc par l'euro, prévue dans moins de deux ans, Michel Pinton entend ouvrir à nouveau le dossier de la monnaie unique européenne. L'euro répond-il à un réel besoin, au-delà des arguments idéologiques qui en font le catalyseur d'un fédéralisme européen conçu comme une fin en soi ?Brossant un rapide tableau de l'évolution du paysage monétaire des cinquante dernières années, l'auteur rappelle les ravages provoqués par le flottement des monnaies issu de l'éclatement du système de Bretton Woods en 1971.
Il dénonce dans les mouvements désordonnés du dollar à partir de 1973, puis du mark vers 1993, la cause profonde des crises qui ont secoué l'économie internationale depuis 30 ans. Des politiques tendant à arrimer coûte que coûte les monnaies européennes au mark ont très tôt été mises en œuvre en vue de protéger notre continent contre ces remous. Mais elles se sont toujours révélées paralysantes et presque intenables pour les économies concernées en cas de turbulences monétaires. C'est particulièrement vrai durant les années quatre-vingt-dix qui ont vu la France s'épuiser à suivre un mark dopé par les taux d'intérêts élevés rendus nécessaires par le financement de la réunification allemande.Aujourd'hui, estime Michel Pinton, l'euro ne constitue qu'une protection insignifiante contre les tempêtes que peut encore provoquer le dollar. C'est pourquoi il craint que l'apparition de nouvelles tensions monétaires internationales ne risque de le faire voler en éclat et, plus grave, finisse par ruiner toute idée de coopération européenne. L'auteur évoque aussi les déséquilibres internes, démographiques et économiques, qui grèvent l'euro. Comment effectuer des choix pertinents de politique monétaire au sein de la zone euro alors que persistent de très fortes disparités conjoncturelles entre les Onze ? Aujourd'hui par exemple, la reprise de la consommation amorcée depuis plusieurs trimestres en France et en Espagne manque encore chez deux de nos principaux partenaires : l'Allemagne et l'Italie.Michel Pinton défend donc la formule plus souple d'une monnaie commune européenne, chaque État conservant sa monnaie nationale. Il demande à tout le moins l'organisation d'un référendum avant la disparition du franc, conformément aux promesses de Jacques Chirac lors de la campagne électorale de 1995. Au total, ce bref ouvrage didactique constitue un plaidoyer convainquant en faveur du franc, que ne démentiront ni le faible enthousiasme des Français à la perspective de devoir adopter l'euro dans leur vie quotidienne, ni les difficultés persistantes de la Banque centrale européenne à gagner la confiance des marchés financiers.MICHEL DES BOSCSArticle paru dans Liberté Politique N°13