Nos coups de coeur
Si le XVIIIe siècle est le siècle des Lumières et le XIXe, celui des révolutions et de l'industrialisation, quelle est l'identité du siècle qui s'achève ? Dans une série de courts chapitres, le co-fondateur de l'édition française de la revue Communio tente de répondre à cette question avec " une désinvolture d'amateur ".
Le " darwinisme social " est à ses yeux la clé d'explication commune au marxisme-léninisme et au capitalisme " sauvage " qui permet de comprendre la majeure partie du XXe siècle, même si le libéralisme a finalement su résister à cette Weltanschauung. Pour Jean Duchesne, la pertinence du clivage politique droite-gauche s'estompe. On regrettera qu'il lui substitue sans examen le cliché médiatico-dialectique d'une opposition entre les " populistes " — irréductibles passéistes refusant la mondialisation et le traité de Maastricht — et les " modernes ", sachant s'adapter aux nouvelles technologies et aux mérites de l'unité européenne.L'auteur prétend dépasser les points de vue " hexagonaux " grâce à sa connaissance du monde anglo-saxon. Il voit dans le protestantisme, notamment sa composante puritaine, la racine de la démocratie moderne, laquelle lui devrait la désacralisation du pouvoir, la légitimation du pluralisme et le goût de la liberté religieuse. La Réforme aurait ainsi déterminé des structures politiques et économiques qui s'imposent aujourd'hui comme un modèle universel.Jean Duchesne se réjouit de la contribution de l'Église catholique à la défense des libertés fondamentales et de son rôle décisif dans l'insurrection spirituelle qui est venu à bout du marxisme-léninisme en Pologne et en Lituanie. Il salue la liberté de Jean-Paul II qui, en refusant de cautionner tant l'avortement, la contraception, que l'ordination des femmes ou des élucubrations théologiques plus ou moins novatrices, ne se soumet pas aux diktats de l'opinion médiatisée.Le christianisme reste le soubassement spirituel de la seule civilisation qui connaisse une expansion planétaire. Son originalité, remarque Jean Duchesne, est " l'autonomie qu'elle reconnaît au "temporel". Celle-ci s'avère libératrice, stimulante et féconde dans le champ du profane. " Le risque que court désormais l'enfant de la " chrétienté ", estime-t-il, " est de juger cette inventivité autosuffisante, de nier son origine et son enjeu spirituel. [...] La foi au Christ "engendre" la laïcité au point que celle-ci succombe à la tentation œdipienne du parricide lorsqu'elle s'imagine ne pouvoir survivre qu'en l'éliminant. " En cette fin de XXe siècle, l'avenir dépend plus que jamais du religieux, fait observer l'auteur en soulignant l'apport dont il peut faire bénéficier une modernité orpheline d'une morale, doutant du " progrès " et qui se réfugie dans des approches purement procédurales. Un essai pertinent mais sans grande originalité, ni rigueur démonstrative particulière, comme le reconnaît lui-même l'auteur.MICHEL DES BOSCSArticle paru dans Liberté Politique N°12